L'interrogatoire musclé de deux manifestants français à Gênes

GENES (Italie), 22 juil (AFP) - Vincent et Leslie, deux jeunes français apparemment bien sages, racontent avec calme le calvaire qu'ils disent avoir vécu toute une nuit lors d'un interrogatoire policier après la manifestation anti-mondialisation endeuillée de vendredi, à Gênes (Italie).

Le visage tuméfié et le corps endolori, Vincent, 27 ans, étudiant en histoire africaine, n'en revient pas de ce qui lui est arrivé.

Originaire des Pyrénées, il était venu participer à l'une des manifestations pacifistes contre la mondialisation, mais celle-ci sera violemment pertubée par des anarchistes du Black Block (Bloc Noir).

Du coup, "le cortège s'est dispersé et quand j'ai vu les policiers arriver, je me suis assis, comme mes camarades. Nous n'avions pas d'objets dangereux pourtant ils nous ont tabassés, en visant la tête", raconte Vincent qui préfère garder l'anonymat tant qu'il n'aura pas récupéré ses pièces d'identité au commissariat.

Blessé, il décide d'aller à l'hôpital Galleria, avec une jeune fille, Leslie Lagier, 20 ans, parisienne, également blessée. Elle sera accompagnée d'un ami.

Victimes de "traumatismes craniens", ils en sont quitte pour des points de suture et s'apprêtent à sortir de l'hôpital lorsque des policiers les retiennent dans une salle où sont déjà rassemblés des manifestants blessés.

En fin d'après-midi, "six ou sept" de ces manifestants sont conduits, individuellement, dans une "caserne de CRS", à Bolzaneto, près de Gênes.

Vincent et Leslie seront retenus une "dizaine d'heures". Le jeune homme affirme avoir été maltraité pendant "trois ou quatre heures", recevant des coups de pieds et subissant des torsions de bras.

"Pendant l'interrogatoire, dans une salle en bas, les policiers ont pris des photos et mes empreintes", ajoute Vincent. "C'était bizarre. Il y avait des dactylos qui auraient pu se trouver dans n'importe quel bureau. Elles parlaient, souriaient...".

Les "femmes ont pu s'asseoir dans les cellules mais personnes n'a eu le droit de boire, de manger, de demander un avocat ou de téléphoner. En plus, il faisait froid car les policiers ont laissé les fenêtres ouvertes", ajoute Leslie.

"Nous étions dix par cellule. Une fille a vomi mais les policiers ont rigolé. On était pire que des animaux de foire", ajoute la jeune fille qui dit avoir "entendu des hurlements" dans les pièces voisines.

"La personne qui m'accompagnait a été torturée", assure-t-elle avant d'expliquer que la "petite équipe médicale" présente dans cette caserne "passait des glaçons sur les coups pour éviter les marques".

Vincent est encore abasourdi: "Je n'imaginais pas que ça pouvait se passer dans un pays européen. Ca fait bizarre d'être tabassé. Au bout d'un moment, on n'a plus peur. Les coups tombent mais on attend que çà passe".