J'ai lu ce texte avec intérêt. Nous étions sans doute dans les mêmes
lieux
aux mêmes moments, à Gênes. Je souhaite te faire part de quelques
réflexions
:
Je suis en profond désaccord avec ta façon méprisante de parler des
militants plus modérés. Sur la forme, je suis contraint de te rappeler
que
les termes "pacifisme bêlant" sont propres à l'extrême-droite, ce que tu
pourras vérifier sans peine en consultant les sites de ces partis.
(Comme
quoi la violence verbale autorise elle aussi bien des confusions). Ce
que
des militants "modérés" critiquent essentiellement dans la violence,
c'est
qu'elle apparait contre-productive en beaucoup de cas, et joue
globalement
contre le mouvement social (beaucoup de protestations venaient du fait
que
certains manifestants s'attaquaient à n'importe quoi sans sélection.
Certes,
j'ai vu une grosse Audi démolie à coté d'une Fiat Coccinnelle intacte,
mais
j'ai aussi vu l'inverse) ; qu'elle offre un terrain de choix à toutes
les
manipulations, parce que le terrain militaire est le terrain de
prédilection
de l'adversaire, mieux armé dans tous les domaines (effectivement, les
Tute
Bianche n'ont été qu'à mi-chemin de leur imagination en intégrant un
certain
aspect militaire de leur action. Le seul élément qui pouvait franchir la
Zone Rouge et frapper les esprits, c'était le son. Peut-être aurait-il
fallu
mettre des sonos à fond tout autour de cette zone, pendant 48 heures
sans
interruption !) ; et qu'enfin, les manifestants violents ne sont pas
forcément les plus radicaux, ni même hélas les plus courageux comme
j'ai pu
tristement le constater. J'ajouterais que toutes ces histoires de Black
Block, de "Zone Temporairement Libérées" sont une plaisanterie
invraisemblable, la résurgence pitoyable du mouvement "provo" des années
soixante, et tout aussi soumise à sa propre absence de perspectives :
je ne
sens aucun sentiment de liberté dans une zone ou l'on doit détaler
comme un
lapin à la moindre alerte. Mais si les "Black Block" ont cette soif de
libération, pourquoi pas ? Le fond n'est pas condamnable : on pourrait
même
leur suggérer de rejoindre les éléments les plus combatifs de
Palestine, ou
de la Kabylie, pour qu'ils y déploient leur talent de stratège et leur
courage.
L'envie de tout casser peut constituer un bon point de départ, mais ça
aboutit aussi bien aux barricades de Mai 68 qu'au stade du Heysel, s'il
n'y
a pas une intermédiation en termes de dialogue et de construction
politique.
Il y a donc beaucoup de militant/es très modérés, mais aussi très
sincères,
avec lesquel/les les échanges sont fructueux. Ils sont issus pour la
plupart
de classes moyennes favorisées et occupent pour beaucoup des professions
intellectuelles (la sociologie- type d'ATTAC, par exemple) : mais
comment
changerait-on jamais le monde si un vaste concours de population n'y
prenait
part, d'une façon ou d'une autre ? Bien sur, leurs idées sont modérées,
ainsi la Taxe Tobin. Mais toute une nouvelle génération est en train de
débattre, de se poser des questions, et désormais de courir le monde
pour
enrichir contacts et connaissances. C'est ça le plus important : c'est
même
un phénomène d'une importance historique considérable, et nos
"dirigeants"
politiques traditionnels commencent à le percevoir avec inquiétude.
Un mouvement social, encore minoritaire mais fortement agissant, existe
désormais à l'échelle internationale : à nous de le rendre concret.
Jean-Christian S.