En route pour Gênes,

Jeudi matin le bus du collectif de Lyon est parti vers 8 h 30

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En route pour Gênes
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Jeudi matin le bus du collectif de Lyon est parti vers 8 h 30, nous
venions de passer le péage après Nice (fin d'après midi) lorsque notre
bus a été invité par les gendarmes mobiles à se garer sur le côté, un
canon à eau (le même modèle utilisé à Nice) se trouvait face à nous :
fouille de tous les bagages et du bus par les services de douanes, à
noter la présence d'un vieux labrador-renifleur qui en en voulait plus à
nos provisions de route qu'à toute autre chose (...), quarante minutes
plus tard après avoir fait une pause rapide au point relais de
Beausoleil nous arrivions à la frontière, invités, de nouveau, par les
douaniers et les carabiniers italiens à stopper notre bus : contrôle de
toutes les pièces d'identité (quasiment). Nous sommes arrivés sur Gênes
deux heures plus tard et après infos données par le centre de
convergence, nous nous sommes rendus sur le campement de Sciorba au Nord
de la ville sur un stade aménagé : grandes tentes recouvrant la pelouse,
accès à des sanitaires...

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La journée de vendredi,
journée de désobéissance civile
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Dès 8 h 00, un petit groupe d'AC! s'est rendu au stade Carlini pour
rencontrer les Tutte Bianche et assister à leurs préparatifs. Le stade
était plein à craquer, la nuit précédente un orage assez violent avait
arroser toute la région causant pas mal d'inondations dans les couchages
des manifestants... Le soleil était présent et chacun s'activait à
bricoler des protections en vue de la manifestation non-violente de
l'après midi. La presse n'a pas arrêté d'affluer pendant plusieurs
heures faisant interviews sur interviews.
Nous avons commencé à nous mettre en marche en début d'après midi sur le
corso Europa en direction de la gare de Brignole. Au bout de 15 minutes
le cortège en branle, avec les Tutte Bianche devant équipés de leurs
protections collectives en plexiglas et équipements individuels, puis a
stoppé pendant un long moment, trop longtemps à mon sens et j'ai décidé
d'abandonner mes camarades pour aller devant voir ce qui se passait...
L'avenue devant le cortège était vide, à la hauteur du carrefour Via
Montevideo et Via Tolemaide une voiture brulait et j'aperçus un groupe
de 5-6 personnes tout en noir et cagoulés qui venait de casser une
agence de location de voiture (Via Rent), plus bas sur Via Montevideo d'autres
voitures et conteneurs poubelles brulaient au milieu de la chaussée, les
journalistes faisaient des photos, des ambulances n'arrêtaient pas de
monter sur l'avenue déserte, il devait être 14 h.
Je décidais de descendre sur le carrefour, point de contact prévu avec
la police et les Tutte Bianche (Corso Torino et Via Tolemaide), à gauche
des barricades à l'entrée du passage sous les voies ferroviaires des
barricades bloquaient en partie l'accès, je me dirigeais jusqu'au
carrefour de la Piazza Giusti. A cet endroit précis différents groupes
(une tentaine de personnes au plus) encagoulés et vêtus de noir
cassaient tout ce qu'il trouvaient sur le lieu, puis ont pillé une
épicerie, certains taguaient les murs avec des A et des slogans
"brièvement" anti-capitalistes, d'autres commençaient à incendier des
voitures. Une certaine formes de terreur sombre m'apparut au visage :
détruire tout ce qu'il y avait sur le chemin, sans discrimination,
pillage de tout ce qui pouvait l'être, remplissage de caddies avec de
l'alcool et de la bouffe. A partir de cette place, j'ai commencé à
ressentir l'impression que j'étais dans une zone autonome "sans loi, ni
droit". Le mouvement s'est déplacé vers la Via Canevari en passant un
pont, pas mal de personnes (une soixantaine), en plus des cagoulés vêtus
de noirs participaient à la casse systématique : panneaux de
signalisation, voitures (...). Arrivés au carrefour après le pont, 3-4
tambours noirs tournaient en rond sur le carrefour jouant des airs
funèbres avec des gens autour tenant des drapeaux noirs avec des
symboles de type tête de mort et autres symboles que j'ai eu du mal à
identifier : cela ressemblait à des dessins issus des pochettes de CD de
hard metal et autres megadeath (voire autres).
Une voiture a commencé à bruler à 10 mètres d'une station de service,
sur la place, les petits groupes détruisaient tout, puis s'en sont pris
à un magasin d'équipements moto, en ressortant avec des casques,
chaines, équipements cuirs, d'autres élevaient des barricades du côté de
Via Canevari (direction Nord) puis y mettant le feu.
Les pompiers sont intervenus au bout de 20 minutes (le risque
d'extension de l'incendie des voitures à la station de service était
grand), nous étions survolés en permanence par un gros hélicoptère des
carabinieri. Au plus fort de la casse, 100 personnes se trouvaient sur
la place dont pas mal d'observateurs et de journalistes qui ont été
parfois violentés par les cagoulés vêtus de noir. Ces mêmes groupes (5-6
de 6-7 personnes, faites le calcul) avaient la faculté de disparaitre
dans la montée des rues du côté de Corso Monte Grappa et d'autres
réapparaissaient subitement entrainant d'autres personnes masqués mais
en civil (tenue de ville, je devrais dire) avec elles. Au bout de trente
minutes je décidais de faire demi-tour après avoir rencontré des
camarades sur place, qui comme moi, observaient ce qui se passaient en
essayant de comprendre.
A deux cents mètres de la place (côté gare de Brignole), des centaines
de flics armés jusqu'aux dents patientaient et observaient la scène de
destructions massives. Pas plus que ça, l'hélicoptère était toujours
présent et les petits groupes cagoulés vêtus de noirs se sont évaporés
au même rythme que les tambours, comme ça comme par enchantement...
(j'ai pas tout compris !!!).
De retour au carrefour de Corso Torino et Via Tolemaide, j'aperçus le
cortège des Tutte Bianche s'approchant. En situation de repli, je me
glissais dans les rues parallèles où le cortège déborda rapidement dès
l'entrée en contact au carrefour, le contact des Tutte Bianche avec la
police fut violent et rapide, les débordements dans les rues parallèles
amenèrent les manifestants à bloquer la Via GT Invrea avec des poubelles
depuis la place Alimonda. L'assaut de la police fut très violent : les
cars de flics nous chargèrent à plusieurs reprises pour permettre
l'évacuation des flics pris en tenaille par les manifestants des deux
côtés. Il y a eu quelques blessés légers mais ça aurait pu être pire,
les ambulances n'ont pas cessé de passer sur cet axe pendant toute
l'après midi. Les lacymos ont fini par gazer tout le quartier jusqu'au
repli des Tutte Bianche, puis la police a avancé et dans la rue
parallèle où je me trouvais ils n'ont pu progressé, bien au contraire,
nous avons pu remettre d'aplomb le matériel de protection des Tutte
Bianche et ils sont redescendus sur l'avenue, enfonçant assez rapidement
la ligne de protection des flics jusqu'au carrefour de la Via GT Inrea
et le Coso Torino à quelques centaines de mètres de la zone rouge.
La police nous arrosa copieusement de gaz mais les manifestants
n'arrêtaient pas de reculer et de retourner "au front" ne lachant pas un
mètre. Les jeunes déssoudaient les bordures de trottoirs pour les briser
ensuite et les laner sur la police, les conteneurs de verrre servianet
de "munitions" contre l'avancée des flics.
En fin d'après midi, nous nous sommes pas rendu compte assez rapidement
que les Tutte Bianche s'étaient mis en repli reculant de plusieurs de
centaines de mètres sur la Via Tolemaide jusqu'au carrefour de la Via
Montevideo. Nous nous retrouvions pris en tenaille par la police et
toujours arrosés à chaque minute qui passaient par les lacrymos. Le
repli se fit brutalement par un mouvement de masse qui laissa quelques
personnes isolés sur la place Alimanda face à une arrivée massive de
flics protégés par des véhicules légers et blindés. Nous avons fui vers
la Piazza Tommasseo et c'est à ce moment-là que le drame est arrivé, la
police était présente de façon massive sur la Piazza Alimanda et n'a pas
hésité à abattre Carlo alors qu'elle était toute puissante. Il s'agit
bien d'un assassinat (aux dernières infos le policier-assassin aurait 20
ans), Carlo en avait 23...
La police a pratiqué le tir tendu pendant près de 20 minutes et c'est de
peu que j'ai échappé à une grenade en plein visage, tout le monde n'a
pas eu la même chance, hélas. La charge fut très lourde, la tenaille
s'est refermée sur nous sur la Piazza Tommaseo, les flics arrivaient en
rangs serrés depuis le Corso Buenos Aires également. Nous avons fui dans
un triste bordel sur les pentes du parc, les lacrymos tombaient des
arbres... Pas mal de personnes sont restées bloquées sur la place en
raison du gaz et de la charge des flics. Nous avons contournés la zone
de répression pour nous réfugier au centre de convergence, harassés par
tant de violence et de haine de la part de police...
C'est le soir que nous avons eu confirmation de la mort de Carlo et une
vive colère s'est fait ressentir au centre de convergence, certains
italiens voulaient repartir en ville où des combats avaient encore lieu
à certains points. Le lendemain ne pouvait se satisfaire d'une
manifestation "bon enfant", la colère tenaient beaucoup d'entre nous au
ventre. Nous avons pu rentrer assez tardivement au campement de Sciorba
par bus après que le maire soit intervenu au centre de convergence du
GSF, après aussi s'être fait pris à parti : "assassino...." et quelques
bouteilles de bierre.

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La journée de samedi,
journée de tous les dangers
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Le cortège s'ébranlait depuis une trntaine de minutes à l'angle du Corso
Torino et du Corso G Marconi où au bout (limite zone rouge) une masse
assez compacte et impressionnante de flics s'étaient mis en place.
Rapidement, un certain nombre de personnes se sont mis en position,
harcelant avec bouteilles et cailloux les flics qui ont très rapidement
lancé des lacrymos, pendant ce temps-là quelques personnes détruisaient
les vitrines proches, incendiant poubelles et tout autre matériel
récupéré ici et là. La police avança de plus en plus rapidement, entrant
dans le centre de convergence jusqu'à couper le cortège (première
coupure), ils ont investis le centre par la mer et l'entrée principale
(témoignages de passages à tabac, une jeune femme a été gravement
blessée). La police aurait pu rester en position défensive, les 150-200
personnes qui les harcelaient ne seraient pas allées plus loin (trop de
forces en face), pourtant les flics se sont avancés au pas de charge,
gazant au maximum tout le bord de mer. Nous avons fui pour recoller la
fin de manifestation coupée dans les gaz. Au premier carrefour, pensant
avoir réussi à échapper au champ de bataille enfumé, une nouvelle vague
de flics arrivaient en véhicules par la Via Cecchi et nous ont chargé au
pas de course (même avec 20 kilos de matos sur le dos ils courent...),
coupant de nouveau la manif qui avait bifurqué plus haut. Nous sommes
restés bloqués avec des pacifistes qui avaient ceinturé leur cortège,
nous empêchant d'y entrer pour nous protéger. Fin de la journée après
avoir rejoint la fin de manif et être remonté à pied jusqu'au campement
de Sciorba.

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Ce que j'en pense
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* Le début d'après midi passé avec les cagoulés vêtus de noir :
Ils étaient très peu nombreux (quelques dizaines), agissant avec une
"tranquilité déconcertante", amenant à eux d'autres personnes pour
casser, ils parlaient essentiellement italien, allemand et français
(pour ce que j'ai entendu), étaient violents et SUREMENT PAS anarchistes
(à mon sens, cela n'avait rien à voir avec l'anarchisme, il faut le
répéter), ils balançaient des tracts et flyers au nom du "TIKB
revolutionary communists leage of turkey" et se revendiquent comme
marxiste-léniniste. D'autres parlaient aux flics et n'étaient pas
habillés en noirs, seulement un foulard devant le visage et repartaient
rapidement sur les lieux de la casse pour y participer "sauvagement" car
il n'y a pas d'autres mots pour décrire ce que j'y ai vu : pillage
d'épicerie en particulier. Même entre eux c'était pas évidemment : ils
se sont battus sur une place après avoir bien bu l'alcool pillé dans
l'épicerie, ont agressé la presse les filmant masqués. Possible qu'il y
ait eu des groupes autonomes anti-K avec eux mais pas pour les mêmes
raisons "politiques", utilisant juste le vecteur pour agir sur les
symboles capitalistes, pas pour le pillage. La police était au courant
des actions de pillages depuis midi et n'est pas intervenu à aucun
moment, j'ai vu une délégation avec ce qui doit servir de préfet à Gênes
qui évaluait les dégâts à 100 mètres des exactions en cours... Là on
peut rire !!! L'hélicoptère survolait sans cesse les "festivités" et
quelques centaines de flics auraient pu les neutraliser. Je pense plutôt
que ces activistes, que je considère comme fascistes, étaient plutôt à
la solde des services de renseignements et de l'état italien (comme tous
les états...). Ce n'était pas des jeunes de banlieux, des anarchistes,
des "pilleurs" ordinaires, le champ était libre, ils agissaient comme
meneurs des troupes, étaient organisés, rapides et se baladaient en
toute tranquillité... Assez déconcertant, j'ai trouvé avec quelle
sérennité ils brûlaient et détruisaient... Le matin même des anarchistes
attaquaient la prison au coktail molotov et là j'y trouve beaucoup plus un
symbole politique, pas dans le pillage d'une épicerie ou l'incendie
d'une bagnole... Y'a pas eu que des mercedes et des bm incendiées...

* Sur la manif de désobéissance civile :
Déjà c'est pas évident de qualifier la violence et la non-violence,
est-ce que d'aller au contact avec les flics, comme les Tutte Bianche,
c'est de la non-violence ? , je n'en suis pas convaincu. Jusqu'où peut
aller la désobéissance civile ?
Le contexte social italien est trop souvent occulté lorsque l'on parle
du contre-G8 à Gênes : depuis plusieurs mois les centres sociaux sont la
cibles de descentes policières, des militants sont interpellés avec un
canif dans la poche, passés à tabac, les menaces fascistes contre tous
les groupes d'extrême gauche n'ont pas attendu berlusconi au pouvoir,
quant aux anarchistes italiens, ils subissent depuis des décennies la
violence de l'état italien... L'Italie c'est aussi la misère sociale
(tout comme en Espagne, en Grèce...), suffit de passer quelques jours à
Naples pour s'en rendre compte, avec des militants qui essayent
d'organiser les précaires napolitains dans une ville où plus d'un
million de personnes vivent dans la misère, dans la quasi ignorance du
reste du monde (de l'europe).
Cet après midi passé avec les italiens en parallèle avec le cortège des
Tutte Bianche est assez riche ; il s'agissait bien d'un intifada de la
base qui en assez de crever la dalle et d'être soumis à un diktat qui
affame et fait crever pour finir. On ne peut songer à un seul moment que
chacun pouvait manifester dans le calme et encore moins dans le
lendemain après l'assassinat de Carlo, à moins d'occulter la réalité de
la vie quotidienne de millions de personnes en Italie et ailleurs...

"La première violence est celle de l'état, du capitalisme...
Pas celle des pierres et des banques détruites..."

Aux affameurs : "nous resterons debout et déterminés"

Pour nous empêcher d'entrer dans la zone rouge, ils ont utilisé tous les
moyens. Pour casser notre mouvement, ils n'ont pas hésité à manipuler et
criminaliser... à tuer, emprisonner et blesser. Il faut pas l'oublier.

stéfan