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Re: réponse : AC de payer
Date: Thu, 22 Jan 1998 13:55:40 +0100
From: Jerome.Gleizes@univ-ubs.fr
To: ac-forum@ras.eu.org
ac-forum --------
> Je ne peux que vous inciter à lire un excellent livre sur la question de Daniel Cohen qui s'apelle : "Richesse du Monde, pauvreté des nations" (Flammarion) qui explore des pistes tout à fait novatrices du type un revenu minimum pour tout le monde (je dis bien pour tout le monde). > Je suis d'accord avec la réponse de Hervé mais la référence à Daniel Cohen peut être dangereuse. Voici donc quelques réflexions sur cet auteur : Ces analyses peuvent devenir perverses car elles supposent que les individus sont intrinsèquement bons ou mauvais (c'est du domaine de l'innée), quelles que soient leurs caractéristiques individuelles observables (diplômes, sexe, âge, race) c'est-à-dire une fois que l'on a annulé les effets de ces facteurs . Toute la vie sociale, de l'école à l'entreprise en passant par la famille, se détermine selon ce que Daniel Cohen nomme des processus d'appariements sélectifs, c'est-à-dire "des associations qui se font sélectivement entre personnes homogènes et non plus universellement . " Les meilleurs vont ensemble ; les médiocres, aussi " . Les inégalités, pour lui, ne se limitent pas à des inégalités inter-groupes : les travailleurs sans diplômes s'appauvrissent, les autres s'enrichissent. S'ensuivent des métaphores liées à la théorie du chaos sans la nommer : " De faibles écarts de performances individuelles peuvent donner lieu à des écarts de revenus considérables, lesquels peuvent être incompréhensibles quand on les observe avec trop de recul" Toute l'idée des inégalités qui se manifestent depuis le début des années soixante-dix est de la même façon exprimée dans l'un quelconque des segments du marché du travail. " Il nomme cela, la propriété fractale du phénomène inégalitaire : la plus infime partie représente le tout. En d'autres termes, quel que soit le niveau de qualification, le secteur, la tranche d'âge dans laquelle on se situe, il y aura toujours des inégalités de revenus qui ne font que refléter le postulat que l'individu est intrinsèquement bon ou médiocre (et ce quel que soit ce qu'il fait). Car des inégalités de revenus ne font que révé ler des inégalités de productivités (elles-mêmes conséquence de la Providence). Partant de ces postulats, l'enjeu de la micro-économie et des études économétriques associées est alors de révéler la productivité des individus car le risque d'antisélection est toujours présent on ne connait pas encore la carte génétique de chaque individu ! La théorie du signal a ainsi pour objectif de donner des éléments de jugements au moment de l'embauche. Un diplôme n'est plus le garant d'une qualification maisla preuve d'une aptitude à passer le cap des fourches caudines de la sélection scolaire. L'utilisation d'une nouvelle technologie n'es t plus un moyen pour faciliter une tâche mais le révélateur de la productivité d'un individu (Kramartz, 1997). Un passage par un Contrat Emplois - Solidarité n'est plus la caractéristique d'une mauvaise qualification et insertion sociale d'un individu mais celle de son incapacité à trouver une place honorable sur le marché du travail (signal négatif). >> Le second type d'hétérogénéité est celle des produits réalisés et pose le problème des échanges idiosyncratiques. L'hétérogénéité n'est pas seulement imputable aux individus mais elle peut provenir aussi des tâches dans lesquels ils sont employés et plus encore du résultat de leur acte de travail. Par exemple reprenons l'interprétation de Daniel Cohen de la théorie "O-Ring " du développement économique . L'O-ring est le nom du joint dont le dysfonctionnement a été à l'origine de l'explosion de la navette spatiale Challenger. La navette a coFBté des plusieurs milliards de dollars à la Nasa, elle a nécessité de mettre en commun le travail de plusieurs centaines d'équipe mais tout ce travail et la vie des passagers ont été perdus pour un joint qui n'a pas fonctionné de manière appropriée aux températures requises. En résumé, le moindre dysfonctionnement d'une des parties menace la production du tout. Pour Daniel Cohen, il en résulte que les niveaux de qualité, de qualificat ion, des travailleurs qui sont engagés dans le processus de production commun doivent être homogènes. " Une équipe d'ingénieurs atomistes ne peut pas se permettre d'engager un assistant de recherche médiocre, quel que soit le prix auquel il voudrait être employé. " A notre avis, il se trompe de niveau d'analyse : on ne doit pas partir de l'individu mais de l'objet car il serait présomptueux de penser qu'au moment de l'idée du projet de la navette Challenger, on connaissait à l'avance les qualités requises nécessaires à la bonne réalisation du projet, que l'on avait les moyens de distinguer l'individu médiocre de celui qui ne l'est pas et que le début du projet, on avait l'équipe qui allait le mener à bout. Dans ce genre d'activité idiosyncratique,l'expérience accumulée est souvent l'élément moteur dans la réussite du projet et la pluridisciplinarité et donc l'hétérogénéité des compétences et des vécus y contribue grandement. Il est vrai qu'en économie où l'adhocisme est fréquent, on pose souvent le résultat avant de trouver le modèle qui pourrait y satisfaire. Cet hétérogénéité de produit et des situations économiques va se traduire par une hétérogénéité des actes de travail dans une pluralité des mondes possibles. La démarche est l'inverse de celle de l'hétérogénéité entre individus. Les caractéristiques d'une personne ne vont pas déterminer la relation travail produit mais c'est le produit et le monde de production dans lequel il est ré alisé qui vont déterminer le travail nécessaire à sa réalisation. Cette relation ne peut pas être en sens unique car il y a toujours la part de la personne dans la réalisation du produit, surtout quant celui-ci est un produit idiosyncratique pur, c'est-à-dire un produit possédant une identité et lié à une spécialisation. Un produit n'est jamais posé dans notre monde mais il y a toujours une part de poèsis dans celui-ci. A l'inverse, il est rare que tout un repose sur un individu. Même la théorie de la relativité générale de Einstein n'aurait pas exister sans les travaux de Bohr ... Jérôme NB : Le bonjour à Mogniss
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