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L'intelligence collective au service des mouvements sociaux.
Date: Thu, 22 Jan 1998 23:35:36
From: olivier.blondeau@internatif.org (Olivier Blondeau)
To: antenneassedic
Les réseaux mondiaux d'interconnexion d'ordinateurs capables d'échanger des informations en temps réel sont-ils exclusivement l'outil de l'accélération de la mondialisation dans un cadre ultra-libéral - si ce n'est mafieux- comme beaucoup le prétendent ? La constante montée en puissance de l'activité d'internautes à l'interface avec les mouvements sociaux en France, depuis le mouvement de Novembre-Décembre 1995, inflige un démenti cinglant à cette prophétie millénariste. Liste de diffusion de courrier électronique, Web, conversation en temps réel sur l'IRC, voire visioconférence,...toutes les techniques disponibles sur le réseau sont aujourd'hui mobilisées pour tenter de contribuer, à la publicité et au développement de ces mouvements. Sans exagérer l'effet réel de cette activité, il est d'ores et déjà possible d'affirmer qu'Internet est en passe de devenir un des outils incontournables des luttes en France et en Europe. A l'image de la figure des sans-papiers et de leur téléphone portable et contrairement à ce que pourraient penser tous les sectateurs bien intentionnés du réseaux, les exclus sont loin, d'être les derniers à s'approprier ces techniques. Les organisateurs des Marches Européennes Contre le Chômage par exemple affirment qu'ils n'auraient jamais pu supporter les frais financiers occasionnés par l'organisation et la coordination à l'échelon européen de cette initiative sans le courrier électronique. Autre exemple : les relais militants dont dispose aujourd'hui l'antenne ASSEDIC virtuelle lui permet de concurrencer, en rapidité et en extension et malgré son caractère encore lacunaire, n'importe quelle agence de presse. Ses bulletins quotidiens d'information sont aujourd'hui diffusés et lus dans de très nombreuses villes de France; son canal IRC #antenneassedic lui permet de tenir des Assemblée Générales, des conférences de presse, de "forcer les blocus imposés" par les forces de l'ordre comme à l'École Normale Supérieur ou de commenter en temps réel l'intervention du Premier Ministre au Journal Télévisé. Connue de tous, l'activité des Sans-papiers sur Internet est emblématique : Appels à manifester ou à protester pour libérer un sans-papier venant d'être arrêté, messages de solidarité, demande d'information ou d'assistance juridique, ... sont diffusés simultanément à plusieurs milliers d'abonnés en France et dans le monde. Son site d'archivage multimédia est traduit en 10 langues. Il rassemble toute l'histoire de la lutte des sans-papiers, recense toutes les informations utiles à la régularisation et établi des lien hypertexte vers des sites amis ou gouvernementaux. Effet de mode diront certains. Ce n'est pas si sûr. Au-delà de la simple description monographique de cette présence des mouvements sociaux sur Internet, il est possible d'avancer l'idée que cet activisme est avant toute chose un symptôme qui s'inscrit dans un contexte de crise de la notion d'espace public et de renouvellement des formes d'engagement. L'espace public, et singulièrement la politique, sont, pour des raisons très diverses liées à leur économie interne et aux évolutions de la société, aujourd'hui victime d'un discrédit relatif. A moins d'en rester à une analyse creuse sur la montée de l'individualisme ou sur l'incurie apathique des masses, force est de constater qu'une nouvelle forme de rapport entre le social et l'individualité est aujourd'hui en train de se chercher et trouve une de ses expressions sur Internet. A la logique traditionnelle de l'engagement qui faisait du militant ou du citoyen un appendice du "Grand Oeuvre", tend à se substituer une nouvelle figure du militant, comme individualité insérée dans des réseaux divers, mouvants, à temporalité réduite et souvent informels. Cette figure culmine dans le mouvement contre la Loi Debré dans lequel on a pu assister à une prolifération d'initiatives individuelles s'articulant à des réseaux fondés sur la proximité. Rejetant toute forme de délégation de pouvoir et de centralisme, voire de récupération, il a la volonté de garder "de bout en bout" la maîtrise de ses paroles et de ses actes. Si l'espace public n'est pas rejeté a priori (voir l'utilisation très spectaculaire des médias par les mouvements sociaux), il est de moins en moins considéré comme un espace de discussion rationnel. Comme le montre Patrice Flichy dans son Histoire de la communication moderne, "l'évolution sociale actuelle est sans doute moins celle de l'hypertrophie de l'espace privé (qui se scinderait en micro-espaces individuels) que peut-être la mise en mouvement d'espaces privés au sein d'un espace public réaménagé où l'individu est à chaque instant ici et ailleurs ; seul et relié aux autres". En favorisant un mode d'organisation réticulaire, décentralisé à l'infini et quasiment accessible à tous, contre les carcans et les pesanteurs pyramidales, Internet n'est-il pas une des formes, expérimentale peut-être, parmi tant d'autres, qui permet d'articuler de manière originale espace privé et espace public. La prolifération de pages personnels et de e-zines sur le Web en est l'exemple le plus éclairant. Mais Plus proche de notre questionnement, la "militance" des internautes, étroitement attachés à la notion d'"intelligence collective", exprime avec une acuité toute particulière cette volonté d'inscrire leur individualité, leur savoir et leur sensibilité dans un travail collectif maîtrisé et utile, au service des grands enjeux de civilisation. Mais au fait, Internet n'a-t-il pas été créé pour ça ? olivier.blondeau@internatif.org http://www.mygale.org/09/mvtsoc/
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