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Antenne ASSEDIC

Infos du 12 janvier 98
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En Allemagne, le chômage sans la révolte
Date: Mon, 12 Jan 1998 10:14:59
From: Christoph Christopher.Courtois@werkstoff.uni-halle.de
To: Politix politix-lst@listsrv.mygale.org
Un nouvel extrait du site de mon journal prefere, sur la situation du
chomage en Allemagne. 


LE MONDE   http://www.lemonde.fr
    Dimanche 11 janvier 1998
          En Allemagne, le chômage sans la révolte 

  Arnaud Leparmentier 

L'AVEU. Helmut Kohl a reconnu, vendredi 9 janvier, qu'il ne sera pas
possible de diviser par deux le chômage en Allemagne d'ici à l'an 2000.
Cet engagement, pris par le chancelier en 1996, va donc rejoindre le
musée des promesses non tenues, comme les "paysages fleuris" qui
devaient orner rapidement l'Allemagne de l'Est ou les 100 000 créations
d'emploi par an annoncées pour l'ex-RDA. Les chiffres du chômage rendus
publics vendredi ont rappelé M. Kohl à la réalité. Fin décembre 1997, le
pays comptait 4,55 millions de chômeurs (11,9 % de la population
active), 20 000 de plus que le mois précédent. Si à l'ouest du pays, la
situation est stable (un Allemand sur dix au chômage), à l'Est, elle ne
cesse d'empirer : une personne sur cinq y est sans emploi.

En dépit d'un taux de chômage comparable à celui de la France,
l'Allemagne donne pourtant l'impression de connaître, jusqu'à présent,
une certaine paix sociale. Outre-Rhin, pas de grèves ni de
manifestations de chômeurs. Encore moins d'incendies de voitures dans
les banlieues. Trois facteurs au moins expliquent ce calme relatif : la
structure du chômage y est radicalement différente de celle de la France
; la qualité exceptionnelle de la protection sociale a permis de
préserver la cohésion sociale ; la politique de consensus qui y prévaut
empêche la crise de deboucher sur des affrontements.

Différence décisive avec la France, l'Allemagne ne connaît pas le
chômage massif des jeunes. Certes, le taux de chômage des moins de
vingt-cinq ans a doublé en quelques années, mais il n'est encore que de
12 %, contre 28 % en France. En dépit de difficultés d'adaptation, le
système d'apprentissage, qui permet à 590 000 jeunes d'apprendre un
métier en alternance en entreprise et dans des écoles, garantit à tous
les jeunes une formation et, le plus souvent, un emploi. Et lorsqu'un
risque de pénurie de places d'apprentissage se fait sentir, comme à
l'été 1997, la pression sociale et politique est telle que les
entreprises se sentent l'obligation morale de créer des places
supplémentaires.

Les jeunes ne vivent pas dans le dénuement. Les familles sont peu
nombreuses, les parents ont bénéficié des années de vaches grasses et
sont tenus légalement de soutenir financièrement leurs enfants. Les
parents touchent des allocations familiales jusqu'à ce que leurs enfants
aient vingt-cinq ans (en France, elles s'arrêtent à vingt ans au plus
tard). Les apprentis perçoivent une rémunération comprise entre 2 000 et
3 500 francs par mois. Les deux tiers des étudiants de l'Ouest et la
moitié de ceux de l'Est trouvent au moins occasionnellement des jobs
rémunérés pendant leurs études. Les jeunes qui n'auraient pas de soutien
familial ni de ressources reçoivent l'aide sociale, l'équivalent du RMI,
sans condition d'âge.

A l'ouest du pays, l'explosion du chômage, relativement récente, frappe
surtout les femmes, les étrangers et les plus de cinquante-cinq ans.
Dans un pays où rien n'est fait pour encourager le travail féminin - peu
de crèches, horaires des écoles et d'ouverture des magasins inadaptés -,
ce chômage élevé ne remet pas fondamentalement en cause le modèle de
société. Il n'y a pas eu non plus de régions sinistrées ; les
restructurations, dans la Ruhr par exemple, ont été moins brutales qu'en
Lorraine ou dans le Nord. Le pays n'a pas enfin de banlieues difficiles
comparables à celles de la France, de ghettos. Il est constitué de
métropoles urbaines de taille moyenne - à l'exception de Berlin et
Hambourg.

A l'Est, la situation de l'emploi est catastrophique, mais les gens ne
se révoltent pas. "  Les gens sont conscients des difficultés de leur
région. Même au chômage, ils ont un niveau de vie supérieur à ce qu'il
était dans l'ancienne RDA  ", observe-t-on au ministère du travail.
Surtout, l'Ouest a injecté à l'Est 1 000 milliards de deutschemarks
depuis 1990 - plus du tiers du produit intérieur brut des nouveaux
Länder - pour rendre socialement acceptable la liquidation de l'économie
de l'ex-RDA. Le gouvernement a subventionné jusqu'à 700 000 emplois
d'utilité collective ou de congés formation, un nombre retombé
aujourd'hui à 360 000.

Deuxième élément, le niveau de la protection sociale. Il n'y a pas de
chômeurs en fin de droit en Allemagne. Ceux qui perdent leur emploi ont
droit d'abord à l'assurance-chômage qui représente 67 % du dernier
salaire net. Cette assurance concerne actuellement 1,9 million
d'Allemands. Au bout d'un an (la durée de couverture est plus longue
pour les personnes âgées de plus de quarante-quatre ans), les salariés
touchent une aide financée par les contribuables : son montant
représente 57 % du dernier salaire et bénéficie à 1,3 million
d'Allemands. La durée de cette aide n'est pas limitée dans le temps,
mais son montant baisse de 3 % par an, jusqu'à ce que le salarié
atteigne le niveau de l'aide sociale.

L'aide sociale est garantie par la Constitution, l'Allemagne étant un
Etat social ( Sozialstaat) . Son montant, y compris l'allocation
logement, est de 2 600 marks environ (8 700 francs) pour
un couple avec deux enfants, de l'ordre de 1 700 marks (5 700 francs)
pour une femme élevant seule un jeune enfant. A l'Est, les allocations
sont environ 15 % plus faibles. Quatre millions de personnes bénéficient
de l'aide sociale, un tiers à cause du chômage, indique le ministère
de la santé. L'Etat social garantit aussi à tout le monde une couverture
médicale.

L'aide sociale n'offre pas seulement le strict minimum pour survivre. " 
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a décidé que l'aide sociale
devait permettre aux gens d'avoir une existence socioculturelle et
d'aller une fois par trimestre au théâtre et au cinéma  ", explique
Josef Hecken, directeur de cabinet de Norbert Blüm, ministre du travail.
"  La Cour a aussi interdit de réduire cette aide à quelqu'un qui
refuserait de travailler quelques heures pour la communauté qui le
finance ou un emploi d'utilité collective. Ce droit à l'aide sociale est
inscrit dans la Constitution, qui est sur ce point intangible  ",
poursuit M. Hecken, montrant ainsi la difficulté juridique qu'il y a à
réformer le système social allemand.

                           CULTURE DU CONSENSUS

Troisième élément, la culture du consensus. La recherche du compromis
est profondément ancrée dans les structures (notamment de cogestion des
entreprises) et les mentalités du pays depuis cinquante ans. Il n'y a
pas de lutte des classes dans une société où tout le monde est reparti
de zéro après 1945. Les négociations salariales se sont faites jusqu'à
présent par branche professionnelle pour ne pas introduire les conflits
à l'intérieur de l'entreprise . Les syndicats, réformistes, n'attisent
pas les conflits et tiennent leurs troupes. "  En France, vous politisez
tout et ne prenez pas en compte les réalités. Chez nous, les syndicats
se soucient de défendre la compétitivité des entreprises, car c'est elle
qui garantit les emplois. Quand je rencontre des syndicalistes français,
ils me disent qu'ils doivent défendre uniquement les salariés et que la
compétitivité est l'affaire de l'Etat ou des patrons  ", déclare Klaus
Schmitz, économiste spécialiste de la politique industrielle à la
confédération des syndicats allemands (DGB). Cette semaine, patrons et
syndicats de la sidérurgie à l'Est se sont entendus, in extremis, dans
des négociations salariales. La grève, prévue pour lundi, n'aura pas
lieu.

Si le "modèle" allemand a résisté jusqu'à présent, il donne pourtant de
sérieux signes de faiblesse. Le chômage des jeunes augmente. Les places
d'apprentissage sont plus rares. La criminalité des jeunes adultes
progresse. Nul ne sait combien de temps les habitants des nouveaux
Länder se résigneront à rester sans emploi. De plus en plus
d'entreprises remettent en cause le système de négociations collectives.
Les réserves de l'industrieuse RFA lui ont permis d'absorber l'ancienne
RDA et d'affronter la montée du chômage sans trop de douleur.
Mais aujourd'hui, le système de protection sociale est au bord de la
faillite. Il doit être profondément réformé si l'Allemagne veut pouvoir,
un jour, recréer de l'emploi et sauver son Etat social.

Mit freundlichen Grüßen,
Christophe 
http://www.mygale.org/~courtois (blagues, lois de Murphy, citations...)

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