<< Retour - Back

 

Invitation à l'action - Préparation de la 4e conférence ministérielle de l’OMC au Qatar

Source: Réseau Foi et Justice Afrique - Europe
174, rue Joseph II B-1000 Bruxelles - Belgique Tél. 32-2 234 68 10, Fax 32-2 231 1413 aefjn@village.uunet.be http://www.aefjn.org

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) va tenir sa 4e Conférence ministérielle à Doha (Qatar) du 9 au 13 novembre 2001. L’objectif de cette conférence ministérielle, organe de décision suprême de l’OMC, est d’élaborer une déclaration ministérielle fixant les politiques auxquelles tous les membres de l’Organisation souscriront pour les deux années à venir.

L’enjeu majeur de Doha est de parvenir à un consensus sur un nouveau cycle de négociations en faveur de la poursuite de la libéralisation du commerce, tout en répondant aux inquiétudes des pays en développement et des pays les moins avancés. 

A l'heure actuelle, les représentants de l’OMC, la Commission européenne, d’autres pays industrialisés et quelques économies émergentes sont convaincus de la nécessité de donner le coup d’envoi à un nouveau cycle OMC à Doha. Un premier “ avant-projet d’ordre du jour ” en vue de la réunion de Doha, publié le 26 septembre, reflète le consensus croissant en termes de nouvelles négociations. Ces négociations futures devraient porter sur les procédures de règlement des conflits, la clarification des relations entre le commerce et l’environnement, la libéralisation des services et l’accès au marché des produits non-agricoles, l’extension de la portée des droits de propriété intellectuelle, du commerce électronique et un cadre multilatéral de règles pour les flux d’investissement.

De nombreux pays en développement et pays moins avancés rechignent encore à convenir d’un nouveau cycle de négociations commerciales. Ces derniers mois, l’OMC et l’Union européenne ont organisé des “ consultations régionales ” destinées à rallier les pays en développement à l’idée de la nécessité d’un “ nouveau cycle ”. Depuis la première semaine d’octobre, un deuxième texte est disponible sur la table (informelle) de négociations, consacré entièrement aux problèmes que rencontrent les pays en développement dans la mise en œuvre des accords et décisions existantes. L’union européenne promet “ flexibilité pour les pays en développement ” et “ respect des engagements pour un développement durable ”. Cependant, les pays en développement, le groupe africain en particulier, exigent des engagements clairement établis dans la déclaration ministérielle définitive de Doha en novembre prochain. Ce deuxième texte a fait l’objet de négociations majeures au cours des semaines précédant la Conférence ministérielle de Doha.

L’AEFJN, comme bon nombre d'ONG et de gouvernements des pays en développement, s’est opposée au “ nouveau cycle ” car elle soutient que les accords actuels de l’OMC ne bénéficient pas aux pays moins avancés. Toutefois, de nombreux éléments semblent indiquer que si les pays en développement obtiennent des garanties suffisantes de flexibilité pour la mise en œuvre des règlements de l’OMC et si les questions relatives au développement durable sont dûment abordées, les opposants pourraient s’entendre sur un nouveau cycle de négociations commerciales. 

L’AEFJN vous invite à prendre contact avec votre gouvernement, l’OMC et l’Union européenne en leur demandant que, avant tout accord sur un nouveau cycle de négociations commerciales, trois garanties d’importance vitale pour les pays africains soient clairement stipulées dans la déclaration ministérielle finale de Doha (Qatar). 

1. Un nouveau cycle de négociations commerciales pour l’OMC ?

L’AEFJN s’est opposée à un nouveau cycle de négociations commerciales de l’OMC, affirmant que celui-ci entraînerait une charge non supportable pour la plupart des pays d’Afrique. En lieu et place, l’AEFJN a demandé que soit entreprise une analyse exhaustive de l’impact des accords commerciaux actuels sur la société et le développement dans les pays africains avant de considérer la poursuite de la libéralisation du commerce. (Voir les documents de travail de l’AEFJN sur le nouveau cycle de négociations de l’OMC et sur l’impact de l’OMC sur les économies africaines, Plan d’action 2000 et 2001).

Qu’est-ce que l’OMC ?

- Créée en 1994 seulement, au terme d’un processus de négociations de 8 ans portant sur un certain nombre d’accords multilatéraux de libéralisation du commerce (l’Uruguay Round), l’OMC compte aujourd’hui 142 États membres (le dernier en date étant la Chine, 28 autres pays négociant leur adhésion).

- Les États membres de l’OMC acceptent la totalité des accords commerciaux de l’OMC en tant que législation normative et contraignante pour les politiques commerciales nationales. 

- Régulateur suprême du commerce international, l’OMC est l’organisation multilatérale la plus puissante au monde et influence directement la vie des êtres humains partout dans le monde. 

De Seattle en 1999… à Doha 2001 !

- À mesure que le commerce se développe, certains membres de l’OMC dotés d’économies fortes plaident pour la tenue d’un nouveau cycle de négociations destinées à inclure des éléments de commerce bien au-delà des accords initiaux sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), à savoir les télécommunications, investissements, assurances, droits de propriété intellectuelle, etc. 

- Les économies moins avancées s’opposent à un nouveau cycle, affirmant que suite à des difficultés et retards dans la mise en œuvre, les accords de “ l’Uruguay Round ” n’ont pas du tout produit les bénéfices escomptés dans les domaines de la réduction de l’accès aux marchés, du transfert des technologies, de la croissance des capacités et du développement.

- En novembre 1999 à Seattle (États-Unis), les économies fortes ont voulu obliger les autres membres à convenir d’un nouveau cycle de négociations sur les politiques mondiales du commerce. Menés par le groupe africain, de nombreux pays en développement ont bloqué la Conférence ministérielle de Seattle ! 

- Tout au long des années 2000 et 2001, l’administration de l’OMC a facilité une série de négociations, divisant le problème majeur en une série de problèmes mineurs, avec des groupes d’États membres toujours plus importants, élaborant ainsi progressivement un consensus. 

- L’Union européenne a donné un nom au nouveau cycle proposé : il s’agit du “ cycle axé sur le développement ”, montrant ainsi ses dispositions à inclure les problèmes des économies moins développées.

Demandes des pays en développement susceptibles d’être examinées selon le 1er avant projet de déclaration ministérielle pour la Conférence de l’OMC de Doha, au 26 septembre 2001

- Transparence : Affirmation d’une transparence accrue et de la participation effective de tous les membres aux procédures ;

- Agriculture : un organe de négociations pour les réformes dans les domaines de l’accès aux marchés, du soutien national et de la concurrence à l’exportation.

- Accès au marché des produits non-agricoles : objectif de réduction et de suppression des tarifs douaniers.

- Aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce : l’ADPIC poursuivra les négociations en prenant en considération la Convention sur la diversité biologique et la protection des connaissances traditionnelles.

- Commerce et investissements : vise à mettre en place un cadre destiné à garantir des conditions transparentes, stables et prévisibles pour les investissements transfrontaliers à long terme, en particulier les investissements étrangers directs, en tenant compte des intérêts des pays d’origine et de destination.

- Règles de l’OMC : pour assurer la compatibilité des règlements de l’OMC avec les accords commerciaux régionaux. 

- Résolution des conflits : accepter de négocier des amendements éventuels du système.

- Commerce et environnement : approfondir la compréhension des relations entre le système de commerce multilatéral et les accords environnementaux multilatéraux (AEM).

- Petites économies : convenir d’un programme de travail pour intégrer totalement les petites économies vulnérables dans les systèmes de commerce multilatéraux.

- Dettes et finances : examiner les relations entre le commerce, les dettes et les finances, afin de contribuer à une solution durable au problème de l’endettement externe des pays moins avancés.

- Transfert des technologies : accepter d’examiner les étapes susceptibles d’accroître les flux de technologie vers les pays en développement.

- Renforcement des capacités : répondre aux requêtes d’assistance technique afin d’aider l’intégration du commerce dans les plans nationaux de développement économique et les stratégies de réduction de la pauvreté.

- Pays moins avancés : l’OMC devrait prendre en compte le Programme d’action des Nations Unies pour les pays moins avancés adopté en mai 2001.

- Accès aux médicaments : va rédiger une déclaration distincte sur les relations entre la propriété intellectuelle et la santé publique.

Le premier “ avant-projet de Déclaration ministérielle ” (JOB(01)/140 du 26 septembre 2001)

En préparation à la Conférence de Doha, un premier avant-projet de déclaration définitive comporte un certain nombre de promesses en matière de développement des capacités, de flexibilité de mise en œuvre, d’accès accru au marché, d’endettement, de dumping et de santé publique.
Les promesses sont toutefois vagues et susceptibles d’être retardées ou interprétées !

L’AEFJN demande aux gouvernements africains de ne pas renoncer à leurs exigences : obtenir un langage plus clair et des engagements fermes dans la déclaration ministérielle finale, avant de convenir d’un nouveau cycle de négociations commerciales !

L’AEFJN demande à l’Union européenne et aux États membres de soutenir leurs partenaires des pays ACP afin de garantir que la poursuite de la libéralisation du commerce constitue un moyen réaliste de développement durable pour les pays d’Afrique.

2. Accord sur les droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et la menace pour la sécurité alimentaire, les droits des fermiers et la santé publique

Dans le contexte des accords de l’OMC, l’AEFJN a centré ses activités sur l’accord relatif aux droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et plus spécifiquement sur l’impact de la BREVETABILITE BIOLOGIQUE. Les brevets sur les plantes, les semences, les organismes vivants et les processus dérivés présentent un intérêt particulier pour les pays africains car ils constituent une menace pour la sécurité alimentaire, les droits des fermiers et la santé publique. (voir le plan d’action 2001 de l’AEFJN “ Incidence des politiques économiques mondiales sur les économies africaines ”).

Il existe à l’heure actuelle plus de 9.000 brevets sur les cultures de base, chacun accordé pour une période de vingt ans ; 44 % de ces brevets sont détenus par 4 multinationales seulement ! Puisque la plus grande partie de la capacité mondiale dans le domaine des recherches en biotechnologie est concentrée aux Etats-Unis, au Japon et en Europe, les sociétés de biotechnologie établies dans ces pays sont devenues depuis lors les principaux titulaires de brevets et acquièrent un contrôle toujours plus étendu au niveau mondial sur les industries cosmétiques, pharmaceutiques et de production des semences destinées à l’agriculture ! Les pays en développement estiment que tous les règlements qui favorisent cette évolution constituent une menace pour leurs systèmes de sécurité alimentaire, les droits des fermiers et la situation des populations nationales sur les plans de la santé et de l'alimentation.

Comment est-on arrivé à breveter les organismes vivants ?

Les brevets sont accordés dans le but d’encourager la recherche et de protéger les inventions. 

Jusque dans les années 1970, les découvertes naturelles n’étaient pas brevetées, elles étaient simplement considérées comme des aspects de la réalité déjà présents dans la nature, faisant partie intégrante du patrimoine commun de la société. Les industries pharmaceutiques et agronomiques engagées sur la voie de la biotechnologie ont fait pression afin que soient reconnus les gènes, cellules, séquences d’ADN et autres formes de vie présentes dans la naturelle, non au titre de simple “ découvertes ”, mais comme des “ inventions ”. Ils ont de cette manière estompé la différence fondamentale entre les découvertes et les informations scientifiques de base, qui devraient faire l’objet d’un libre échange, et les produits et processus réellement inventés qui méritent la protection d’un brevet. 

En 1987, l’industrie, consciente des bénéfices potentiels des brevets biologiques, a convaincu les États-Unis de protéger par des brevets les semences, les tissus végétaux et les organismes animaux génétiquement modifiés. Vers la fin des années 1980, les multinationales ont également fait pression en vue d’obtenir l’inclusion des droits de propriété intellectuelle (DPI) dans l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) négocié au cours de l’Uruguay Round. 

Lorsque l’OMC reprit en 1996 le GATT, l’accord relatif aux droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) était l’un des nombreux accords signés par les États en vue d’obtenir l’adhésion à l’OMC. L’une des clauses de cet accord accorde aux brevets une durée de 20 ans !

À l’exception des pays moins avancés membres de l’OMC qui disposent d’un délai supplémentaire (jusque 2006), l’ADPIC stipule que, pour janvier 2000, tous les États membres devaient avoir adopté une législation protégeant toutes les inventions (produits et processus !) brevetées dans les autres pays membres de l’OMC. En septembre 1999, l’Union européenne autorisa le dépôt de brevets concernant les cellules humaines, les plantes et les animaux transgéniques, s’alignant donc sur les États-Unis et les autres pays industrialisés. Pour la plupart des pays africains, qui ne disposaient d’aucune législation de protection des DPI ou presque, son élaboration a entraîné une mobilisation considérable de ressources (temps, capacités, etc.) à laquelle les pays n’étaient guère préparés.

Pour la première fois, les pays en développement ont pleinement réalisé que les titulaires de brevets sur les plantes et animaux contrôleront en majeure partie la nourriture, l’agriculture et les systèmes de santé publique. Ils savent par ailleurs qu’ils ne sont pas du tout préparés pour faire face à cette situation.

Loi modèle africain en matière de DPI

L’ADPIC n’impose cependant pas de système spécifique de protection des DPI. Chaque pays peut appliquer son propre système, tant que celui-ci est acceptable et applicable au niveau international. Divers systèmes existent, tels ceux de l’Office américain des brevets (US Patent and Trademark Office) ou l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Tous deux limitent les droits des fermiers et des communautés d’innover, de développer, d’échanger, de stocker ou de vendre des semences, ou empêchent les tiers de fabriquer, utiliser, proposer à la vente ou importer les produits et processus brevetés sans le consentement et le paiement de royalties au titulaire du brevet.

Le 34e conseil ministériel de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en juin 1998 soulignait avec appréhension que les systèmes de brevets occidentaux ne respectaient pas la diversité biologique africaine, les connaissances et technologies des communautés locales et indigènes. Les pays africains ont adopté au grand désarroi des industries occidentales un système de protection des DPI rendant compte des problèmes africains propres : la loi modèle africain pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs, et pour la régulation de l’accès aux ressources biologiques (LMA). 

Quelques éléments de la loi modèle africain pour la protection de la propriété intellectuelle et les brevets

- Les organismes vivants et leurs éléments constitutifs ne peuvent être brevetés.

- Les plantes, animaux et micro-organismes ne peuvent être brevetés. 

- Les processus naturels qui produisent des plantes, des animaux et d’autres organismes vivants ne peuvent être brevetés.

- Les innovations des communautés fermières indigènes et locales ne peuvent être utilisées sans autorisation et partage des bénéfices, conformément à la Convention sur la diversité biologique.

- Les pratiques agricoles traditionnelles sont garanties, droit de stocker et d’échanger des semences inclus.

- Les droits et pratiques anti-concurrentielles menaçant la souveraineté alimentaire des peuples dans les pays en développement doivent être supprimés.

Cette proposition de législation de protection des DPI bénéficie d’un large soutien parmi les pays en développement, qui considèrent la Loi modèle africain comme un système alternatif de protection de la propriété intellectuelle, conçu pour s’adapter au contexte et aux besoins spécifiques des pays en développement et concrétisant les droits des communautés, fermiers et populations indigènes. Par conséquent, les pays en développement affirment que la loi modèle africain est un système de protection des DPI répondant aux critères de l’accord ADPIC, un système “ Sui Generis ” de droits acceptable sur le plan international et effectivement applicable. 

Il n’est pas étonnant que les pays industrialisés exercent toutes sortes de pressions sur les pays en développement afin que ceux-ci fassent peu de cas de la Loi modèle africain, soutenant ainsi le système américain de brevets ou le système UPOV, favorables aux compagnies multinationales agricoles et pharmaceutiques.

L’ADPIC, la LMA et la conférence de l’OMC à Doha

Une révision de l’accord est prévue dans le cadre de l’accord ADPIC. Conscient des implications économiques et sociales du problème des brevets et fidèle à la Loi modèle africain, le groupe africain a mis tout le poids de la législation de protection des DPI dans les négociations relatives à un éventuel nouveau cycle de négociations commerciales, afin d’obtenir à Doha la promesse d’une révision complète de l’accord ADPIC. S’ils n’obtiennent pas un ordre du jour satisfaisant pour la révision de l’accord ADPIC, les pays africains pourraient bien s’opposer à un nouveau cycle ! 

L’AEFJN invite les gouvernements africains et l’Union européenne à exiger que la déclaration ministérielle de Doha garantisse la révision complète de l’ADPIC, tenant compte des propositions formulées dans la Loi modèle africain pour la protection des droits de propriété intellectuelle, en vue de garantir le droit à la santé et à la nutrition des peuples africains.

3. Brevets et accès aux médicaments pour tous

Avant l’accord ADPIC de 1994, les pays avaient davantage le loisir d’exclure des secteurs des règles de brevets dans les lois nationales. 50 pays environ (pays développés et en développement) ont soustrait les produits pharmaceutiques de la protection des brevets. Depuis l’accord ADPIC, les pays membres de l’OMC n’ont plus la possibilité de le faire. L’impact du système des brevets tel qu’il est proposé dans l’accord ADPIC de l’OMC sur les systèmes de santé publique et la disponibilité des médicaments dans les pays africains est évident. L’AEFJN a par conséquent joint ses forces cette année à la campagne pour l’accès aux médicaments abordables pour tous, lancée par “ Médecins Sans Frontières ” et “ Oxfam ”. (voir campagne de l’AEFJN “ Médicaments pour tous en Afrique ! ” dans “ Forum pour l’action ” N°31, avril 2001) 

Dans les pays moins avancés, la moitié de la population ne dispose d’aucun accès aux médicaments de base. Les pays en développement représentent trois quarts de la population mondiale et pourtant moins de 10 % du marché pharmaceutique mondial. Les pays en développement soulignent avec insistance que, bien qu’ils endossent les coûts supérieurs du niveau élevé de protection de la propriété intellectuelle, ils ne tirent aucun bénéfice des recherches et du développement pharmaceutiques que les nouvelles règles applicables aux brevets internationaux visent à encourager. Si les lacunes sur le plan des infrastructures et de la commercialisation font partie intégrante du problème de l’accès aux médicaments vitaux, les brevets contribuent bel et bien maintenir la situation des médicaments indispensables, produits de luxe réservés aux riches car les prix et la commercialisation sont contrôlés par les titulaires de brevets pour une période de 20 ans.

En juin et en septembre, le groupe africain de l’OMC a lancé au Conseil de l’ADPIC une discussion spéciale consacrée aux brevets et à l’accès aux médicaments. Ces débats reposaient sur le droit inaliénable à une bonne santé et donc sur l’accès aux médicaments indispensables et vitaux, ainsi que sur un principe essentiel : les brevets doivent bénéficier à l’inventeur et à toutes les personnes qui ont besoin d’accéder à l’invention. En effet, l’invention n’est pas une finalité en soi mais un instrument public destiné à concrétiser le mieux-être de la société dans son ensemble. Les pays africains exigent donc des garanties : la santé publique et le bien-être des citoyens africains doivent précéder les droits des brevets et ne donner lieu à aucune pression légale ni menace de sanctions commerciales. 

Au cours de la discussion spéciale consacrée aux brevets et à l’accès aux médicaments lors du Conseil ADPIC de septembre à Genève, un accord a semblé possible : une déclaration spéciale distincte serait élaborée lors de la Conférence ministérielle de Doha en novembre, qui aborderait l’accès aux médicaments indispensables pour traiter les pandémies, HIV/SIDA par exemple !

L’AEFJN invite les gouvernements africains à exiger que la déclaration de Doha garantisse qu’aucune mesure de l’accord ADPIC ne pourra empêcher les États membres de prendre des mesures destinées à protéger la santé publique. Les États pourront donc soustraire des médicaments à la protection d’un brevet pour des raisons humanitaires ou de santé publique, dans le but de contrer ou de contrôler des épidémies et de garantir que les pauvres ont accès aux médicaments essentiels pour le traitement des maladies liées à la pauvreté.

L’AEFJN demande à l’Union européenne de ne pas bloquer le processus de clarification et d’amendement de l’accord ADPIC, indispensable pour que tous puissent accéder aux médicaments en Afrique.

Agissez avec l’AEFJN ! 

Pendant les semaines qui précèdent la 4e Conférence ministérielle de Doha, Qatar, du 9 au 13 novembre 2001 :

Contactez les journaux locaux et stations de radio ;

demandez-leur d’écrire ou de parler de nos préoccupations.

Ecrivez aux membres locaux du Parlement, ministres du Commerce, de l’Agriculture et de la Santé, à l’OMC et au Commissaire au Commerce de l’Union européenne. Faites-leur part de vos attentes, c.-à-d. une déclaration ministérielle de Doha qui respecte et garantisse les droits des peuples africains à la santé et à la nutrition.

Vous pouvez vous inspirer de la lettre modèle ci-dessous.

Lettre modèle pour la Conférence ministérielle de l’OMC – Qatar 2001

Madame, Monsieur,

En qualité de membres du Réseau Foi et Justice Afrique – Europe et de (nom de votre institut/diocèse/groupe d’action en faveur de la justice, etc.) travaillant en Afrique et désireux de promouvoir l’enseignement social de l’Eglise catholique, permettez-nous d’exprimer par la présente nos inquiétudes quant à l’éventuel nouveau cycle de négociations sur la libéralisation du commerce, à convenir lors de la 4e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce à Doha (Qatar) du 9 au 13 novembre.

Conscients que les préoccupations des pays moins avancés d’Afrique ont été entendues lors des négociations préparatoires de la 4 Conférence ministérielle, nous sollicitons votre concours. Nous vous demandons de tout mettre en œuvre pour que la déclaration ministérielle définitive de Doha comporte les éléments suivants :

1. Un langage et des engagements clairs, garantissant aux pays en développement la flexibilité nécessaire dans le cadre de la mise en œuvre des règlements de l’OMC et respectant les engagements en matière de développement, comme convenu dans la Déclaration de Bruxelles de la 3e Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés de mai 2001.

2. Des garanties relatives à la révision en profondeur de l’accord ADPIC, tenant compte des propositions effectuées dans le cadre de la Loi modèle africain pour les droits de propriété intellectuelle et de la Convention internationale sur la diversité biologique. L’objectif est de garantir les droits humains inaliénables à la santé et à la nutrition pour tous les Africains.

3. Une clause spéciale selon laquelle aucune disposition de l’accord ADPIC ne peut empêcher les États membres de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé publique. Les États pourront par exemple soustraire des médicaments à la protection d’un brevet pour des raisons humanitaires ou de santé publique, dans le but de contrer ou de contrôler des épidémies et de garantir à chacun un accès aux médicaments essentiels pour le traitement des maladies liées à la pauvreté.

Nous espérons vivement que vous prendrez nos préoccupations à cœur et nous vous en remercions d’avance. Nos prières et notre soutien vous accompagnent tout au long de votre mission lors de cette conférence cruciale.

Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments les plus chers.

M. Mike Moore - Directeur général de l’OMC - Rue Lausanne, 154 - CH 1211 Genève-21 - Mike.More@wto.org

M Pascal Lamy - Commissaire au commerce - Rue de la Loi, 200 - B-1049 Bruxelles - Pascal.Lamy@cec.eu.int

Nous vous remercions pour votre concours à cette action !

AEFJN – Bruxelles, 3 octobre 2001

haut