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Résistances contre la pauvreté et les conséquences des politiques d'ajustement structurel Par: José
Dirceu Source:
Sommet des Sept Résistances. (Lyon, 1996) Le revenu du G7 est le revenu de l'hypocrise. Ici, on discute pour savoir comment sauver la Banque mondiale mais pas comment sauver les êtres humains. Comment peut-on obliger nos pays à appliquer ces politiques qui sont là pour octroyer des prêts et non pour résoudre le problème de la dette extérieure ? Je crois que le plus important est que je puisse transmettre à tous ceux qui sont ici la réalité de l'ajustement néo-libéral au Brésil qui est, comme tout le monde le sait, un pays industriel développé: la dixième économie industrielle du monde. Il a un grand territoire, des richesses naturelles et a obtenu, après la deuxième guerre mondiale, les plus forts taux de développement économique, mais certainement pas de développement social. Ces dernières années, le Brésil comme toute l'Amérique latine, s'est trouvé prisonnier des mesures d'ajustements structurels et économiques imposées par le FMI, la Banque mondiale et le consensus de Washington. Je veux démontrer les conséquences de cette politique. En premier lieu, je vais parler de la dette extérieure de notre pays. en 1980 l'Amrique latine devait 241 milliards de dollars. Aujourd'hui, elle a une dette de 582 milliards de dollars. Mais, pendant ces quinze dernières années, nous avons payé 440 milliards de dollars d'intérêts. Et la dette qui était de 241 milliards est aujourd'hui de 582 milliards. Vous pouvez avoir une idée de ce qui aurait pu être amélioré dans les infrastructures relatives aux domaines de la santé, de l'éducation, des équipement urbains avec ces 440 milliards de dollars. Les banques internationales, le système financier international appuient ces transferts financiers du Sud vers le Nord en faveur du G7. Le Brésil a 60 millions de travailleurs économiquement actifs. On a 10 millions de chômeurs actuellement. Le gouvernement, la Banque et les grands capitalistes disent que le problème principal du Brésil est le coût de la main d'oeuvre. Or la moitié des travaillerus brésiliens n'a pas de sécurité sociale. Cela fait donc 25 millions de personnes qui n'ont pas de travail légal. Et l'on dit que, pour que le Brésil se développe, il faut précariser les conditions de travail ! On veut maintenant, au Parlement, adopter une loi qui instuarera le travail temporaire sans droits sociaux, sans protection juridique. L'ouverture de l'économie, les privatisations, la réforme de l'administration publique, les taux d'intérêts élevés, la sur-évaluation de la monnaie ont provoqué la destruction d'une grande partie denotre industrie textile, industrie des jouets, industrie automobile, industrie du cuir et une grande partie de l'agriculture traditionnelle. C'est cela qui a provoqué un demi million de chômeurs dans l'agriculture, un million de chômeurs dans la construction civile. Le pays en ce moment paye, seulement en intérêts de la dette interne (d'un montant égal à celui de la dette extérieure) 150 milliards de dollars, presque un tiers des dépenses publiques. Et dans tout cela, qui gagne 30 milliards de dollars de taux d'intérêts? 500 familles, 2 ou 3000 groupes économiques. Le gouvernement a récemment aidé 5 ou 7 banques. Il a créé pour cela un programme de presque 20 milliards de dollars. Parallèlement, il n'y a pas de ressources pour la santé, pour l'éducation, pour la rénovation des infrastructures du pays. La structure fiscale du Brésil est une structure injuste, régressive. Le gouvernement a réduit les taux des impôts directs et a augmenté les impôts indirects, sur la consommation, sur le travail. Ce que l'on a en réalité, c'est une situation de sous-emploi, d'exclusion sociale, de destruction de toute protection sociale. Au Brésil 77% des travailleurs ruraux n'ont pas de contrat d'embauche. Avant, ils pouvaient prendre leur retraite après un certain nombre d'années de travail sans avoir à payer de contribution mensuelle supplémentaire. Maintenant, c'est seulement en payant les contributions que l'on peut toucher la retraite. On s'achemine vers la privatisation des fonctions de l'Etat dans la santé et l'éducation. De plus, le salaire minimum dans l'industrie au Brésil est de 2,65 dollars. Ils disent que c'est le montant des salaires qui constitue le gros problème au Brésil et non le niveau des taux d'intérêts, la structure fiscale ou le manque d'investissements. Pour qu ele Brésil entre dans le marché mondial, il faut baisser le coût du travail, il faut baissser les dépenses sociales, il faut réduire l'Etat. On parle d'Etat minimum. Dans ce pays, sachez que 10% de la population possède la moitié du revenu national, 16 millions de personnes détiennent la moitié des richesses du pays et la moitié du pays détient à peine un sixième du revenu national. Si vous voyez les données mondiales, au Brésil, les 10% les plus riches ont un revenu 40 fois supérieur au 40% les plus pauvres. Le rapport en Allemagne est de 5 fois; de 10 en Argentine. On voit que la dette, le chômage, les bas salaires, l'absence de structure de protection sociale constituent un ensemble qui agrave sans cesse l'exclusion sociale. Le plus grave c'est la terre. Nous avons ici aujourd'hui elias Araujo du Mouvement des Sans-Terre, le principal mouvement qui lutte pour la réforme agraire au Brésil. Pour que vous ayez une diée, 5 millions de travailleurs brésiliens n'ont pas de terre. Les grands propriétaires détiennent 166 millions d'hectares inexploités avec lesquels on pourrait installer un demi million de familles et créer plus d'un million et demi d'emplois. Mais le même gouvernement qui donne à la banque 15 à 20 millions de dollars n'a pas de ressources pour financer la réforme agraire. Pire: le gouvernement permet l'impunité, les assassinats, les crimes des polices locales: les "pistoleiros" (milices privés des grands propriétaires). Colombia l'année dernière (l'eldorado du Carajas), comme vous avez dû l'apprendre en Europe, a connu des dizaines et des dizaines d'assassinats de travailleurs. Mais au parlement, les propriétaires terriens, qui ont des représentants qui contrôlent la majorité, ne permettent pas qu'on applique des lois pour l'exécution de la réforme agraire, pendant que le chômage augmente et que la misère gagne les peuples. Le pays mène une politique économique dictée par le G7, par les organismes internationaux. Le gouvernement brésilien n'a pas de politique d'emploi. Le chômage croit avec cette politique néo-libérale, l'absence de réforme agraire, l'accélération de la récession, les baisses des exportations, les baisses de constructions civiles et principalement la crise de l'agriculture. Il n'y a pas de sécurité de l'emploi, il n'y a pas de réduction du temps de travail, il n'y a pas d'interdiction pour les heures supplémentaires, il n'y a pas de protection face aux licenciements. Au contraire, le gouvernement dit qu'il faut réduire le coût du travail. Il prône la précarisation des conditions du travail. Il vaut faire adopter par le parlement une loi sur les grèves qui condamne les syndicats à payer une amende de 500 000 dollars par jour de grève quand cette grève n'a pas été autorisée. En fait, c'est l'interdiction du droit de grève au Brésil. C'est pour cela que nous voulons développer l'idée que nous ne pouvons pas penser au développement en Amérique latine sans un changement de l'économie mondiale. Si nous n'obtenons pas l'allégement du paiement de la dette extérieure, il nous faut aller à la Cour internationale de La Haye comme je l'ai proposé au parlement brésilien. Il faut qu'il y ait une décision de la Cour estimant que la dette extérieure est immorale et qu'il faut donc organiser un moratoire international. Il n'y a pas d'autre issue pour un pays comme le Brésil et pour l'Amérique latine qui a déjà transféré 400 milliards de dollars en 15 ans. Il faut une profonde réforme agraire au Brésil qui distribue des terres à 1 ou 2 millions de personnes, une politique d'augmentation constante des salaires. Nous vons un salaire minimum au Brésil de 100 dollars par mois et c'est seulement 17% de la valeur du salaire minimum d'il y a 30 ans. Si on n'arrête pas cette concentration des revenus dans les mains de quelques personnes avec une réforme fiscale profonde, si on ne change pas la structure des revenus du pays avec une révolution dans les mentalités, avec unnouvel Etat où prédomine l'aspect providentiel sur l'aspect régalien, nous ne réussirons pas le développement économique et social nécessaire. On peut développer l'appétit des banques, l'économie d'exportations et les investissement des multinationales et le Brésil peut connaitre un nouveau miracle économique, comme dans la décénie 1970, mais on porduira de la misère, du chômage, de l'exclusion. Le revenu du G7 est le revenu de l'hypocrise. Or ici, à Lyon, on est entrain de discuter de la succession présidentielle en Russie, du terrorisme en Arabie mais non pas du terrorisme officiel en Tchétchénie. Ici, on discute pour savoir comment sauver la Banque mondiale mais pas comment sauver les êtres humains. Comment peut-on obliger nos pays à appliquer ces politiques qui sont là pour octroyer des prêts et non pour résoudre le problème de la dette extérieure ? Il n'y a pas une discussion sur le revenu mondial du travail car pour changer la politique de l'emploi, il faut changer le sens du développement mondial. Car maintenant, ce qui se dit même en Europe, c'est qu'il faut en finir avec l'Etat providence, avec la protection sociale, que le coût du travail est élevé et qu'il faut précariser, comme ils l'ont fait en Argentine et en Espagne où le chômage a augmenté avec cette politique. Nous devons rendre compatible la révolution scientifique et technologique avec le développement social et ne pas accepter l'idée que le marché, que la compétitivité, que le développement technologique provoquent inévitablement du chômage. Non, ce n'est pas vrai. Le modèle économique, la structure sociale et économique de la Banque et du grand capital, voilà ce qui crée du chômage, rogne les bénéfices et les droits sociaux et non pas la troisième révolution ni la globalisation. Si c'était la vérité, ce serait le Japon qui aurait le plus fort taux de chômage. Ce serait le pays des plus bas salaires du mùonde. Pourquoi ce n'est pas vrai? Parce qu'il y a eu au Japon une politique active de l'emploi, de protection des droits sociaux bien qu'il soit un Etat capitaliste. C'est très important pour nous autres car nous devons proposer un modèle alternatif de développement économique et social. Il n'y a pas d'alternative dans le système actuel pour l'environnement, la paix, la faim en Amrique latine et en Afrique. Au contraire le néoliberalisme, la politique du G7 vont entrainer l'humanité dans une tragédie. Nous autres, qui sommes ici aujourd'hui, partageons une éthique de la solidarité internationale, nous avons hérité de la philosphie humaniste, nous vons l'éthqieu de la justice et de l'égalité sociale. Nous devons préserver une sécurité pour cette éthique face à l'éthique de l'individualisme, de la compétitivité, du profit et de la loi du marché parce que l'humanité sait distinguer, comme elle l'a prouvé par le passé, entre l'oppression et la liberté, entre l'inégalité et l'égalité, entre la solidarité et la haine, le chauvinisme, le racisme et le nationalisme. C'est pour cela que nous croyons que ce sommet de la résistance est une graine qui donnera un arbre. |