Introduction III – Les conséquences
Introduction L’existence d’un marché de l’éducation n’est pas chose nouvelle. Il suffit de citer le marché des manuels scolaires, 11 % du chiffre d’affaires de toute l’édition, celui des constructions scolaires et universitaires, celui des achats de familles pour l’équipement et la vie quotidienne de 13 millions d’élèves et d’étudiants, le ramassage scolaire… ou encore le marché de la formation continue largement occupé par le privé. Mais ce qui se passe en ce moment est sans commune mesure avec ces données. Avec le développement de la scolarisation y compris au niveau post-secondaire et la relative massification de l’enseignement supérieur, expression d’une demande sociale d’accès au savoir dans le contexte d’accélération de la production des connaissances scientifiques et technologiques et d’urbanisation accélérée de la planète, il y a aujourd’hui dans le monde 1 milliard d’apprenants (et autant d’analphabètes), dont plus de 80 millions d’étudiants, et plus de 70 millions d’enseignants de tous niveaux. La dépense publique mondiale d’enseignement est passée de 566 milliards de dollars en 1960 à 1403 en 1995 (dont 80 % pour les pays développés). Ce sont ces chiffres : 1 milliard, plus de 80 millions, 1400 milliards de $ qui nourrissent la convoitise des marchés financiers et des multinationales. Au « World Education Market » de Vancouver (printemps 2 000), les chiffres, tous plus mirobolants les uns que les autres, ont fusé : 200 millions de Chinois en âge d’être scolarisés, 268 millions d’enfants qui ne vont pas à l’école, etc… : autant de marchés potentiels et ce, alors que le marché international de l’éducation échappe encore pour l’essentiel au secteur privé, à l’exception de la formation continue et de la formation en ligne, qui démarre sur les chapeaux de roue, et joue un rôle stratégique dans le processus de marchandisation. Mais ce marché potentiel est d’accès difficile parce qu’éclaté, éparpillé en autant de micro-marchés que de pays, marqué par la diversité des contenus, par le rôle des Etats, toutes choses considérées comme des obstacles à la pénétration en grand des intérêts privés. Aux Etats-Unis, les ¾ des écoles appartiennent encore au secteur public, 90 % en Europe. Mais la dérégulation est en marche et les résistances à la mainmise du marché ne sont pas toujours à la hauteur des périls. I – Les instruments : 1) Comment l’OMC entend placer l’éducation dans l’engrenage de la « libéralisation » ? Les négociations sur les services ont discrètement repris à Genève. Selon les termes de l’ACGS(*) (Traité de Marrakech, 1995) sont concernés « tous les services de tous les secteurs, à l’exception des services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental et qui ne sont fournis ni sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs (privés) de services » (art. I-3). Cela couvre les services aux entreprises, les services de communication, dont l’audiovisuel, ceux de construction, de distribution, d’éducation, d’environnement, de santé, les services sociaux, le tourisme, les sports, les transports… Les plus proches collaborateurs du Commissaire Lamy estiment que « la santé et l’éducation sont mûres pour la libéralisation ». Un rapport d’experts produit à la demande d’un organisme privé, le CISE, affirme : « En 2010, le marché gouvernera tout, et l’éducation sera bien obligée de suivre ». Dans son évaluation de l’Union Européenne (juin 2000), l’organe d’examen des politiques commerciales de l’OMC estime que les marchés publics nationaux n’ont pas été suffisamment libéralisés. « La concurrence accrue dans ce domaine est depuis longtemps un objectif de l’UE mais les résultats jusqu’à ce jour sont décevants car il existe des rigidités structurelles ». Lamy affirme que cet organe n’a aucun pouvoir. C’est un point de vue que ne partagent pas les experts, reconnaissant au contraire que ledit organe soumet les pays à des pressions fortes via ceux des pays européens les plus acquis à la concurrence sans rivage. Pour en revenir aux rigidités structurelles, elles sont énumérées explicitement dans le document « Education services » rédigé en 1998 par le secrétariat de l’OMC : « En rapport avec l’établissement d’une présence commerciale, les barrières potentielles incluent Art. 31 : Par exemple, tout en permettant l’entrée des fournisseurs étrangers de formation sur leur marché, certains pays ne les reconnaissent pas comme universités et réservent aux institutions nationales le droit de délivrer les grades et diplômes. Dans certains cas, les étudiants inscrits dans ces établissements étrangers ne bénéficient pas des avantages sociaux tels que cartes de transport et aides financières ». « Pistes pour la discussion : L’OMC a une conception extensive, quasi-totalitaire, du « commerce ». Elle y inclut
Ainsi, en 1998, 1,7 millions de jeunes font des études dans un pays différent du leur ; on les évalue comme un marché de 60 milliards de $. « Former des étudiants étrangers, c’est former les futurs exportateurs de notre industrie… » : Quelle belle conception humaniste, que celle de l’étudiant réduit à un VRP… exprimée au colloque « Exporter les savoirs », organisée en cette année 2 000 par la Société française pour l'exportation des ressources éducatives. « L’exception des services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental » peut être contournée. En effet, dans le cadre de l'AGCS seuls sont concernés par cette exception les services «qui ne sont fournis ni sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs (privés) de services». Or, si dans la plupart des pays, l’éducation est considérée comme mission fondamentale de l’Etat et assurée majoritairement par des organismes publics, il existe aussi un secteur privé concurrent du service public. Comment peut-on soutenir, comme le font les gouvernements dont le nôtre, que la libéralisation prônée n’affecterait pas le service public d’éducation ? Dès lors qu’une entreprise privée de formation (nationale ou étrangère) se sentirait lésée au regard du dogme selon lequel « l’accès au marché et les conditions d’exercice doivent être égaux pour tous », y compris, via le « traitement national », elle pourrait porter plainte contre le service public pour concurrence déloyale. Politique-fiction ? Que non, puisque un consortium privé de formation à distance vient de déposer plainte contre le Centre National d’Education à Distance (CNED) pour position de monopole. Seul l’Organe de règlement des différends (O.R.D.) de l'OMC serait en mesure de prendre une décision … Or jamais l’ORD n’a donné raison à un Etat, y compris l’Etat américain, contre un plaignant privé (multinationale). Quant aux déclarations lénifiantes du gouvernement français affirmant qu’il est hors de question de discuter sur le service public, elles ne font que contourner le problème. Car, en même temps, la France via l’Union Européenne est parmi les 46 pays qui ont inscrit l’éducation parmi les sujets négociables, à partir de l’idée selon laquelle en faisant des offres sur les secteurs les plus vastes possibles on se ménage des possibilités de troc avec les Etats-Unis qui, eux, veulent pousser à fond la négociation sur un petit nombre de rubriques dont l’éducation et la santé. Il est donc clair que tous les secteurs de l’éducation, primaire, secondaire, supérieur et l’enseignement pour adultes, sont placés dans le champ des discussions de l'AGCS au sein de l'OMC, sous une nomenclature permettant de les inclure comme services marchands, même si, à l’étape actuelle, les enjeux essentiels portent sur l’enseignement supérieur et la formation des adultes. 2) 2ème instrument de la marchandisation : la Banque Mondiale et le FMI Il est superflu de rappeler comment les politiques d’ajustement structurel, exigeant la réduction souvent drastique des dépenses publiques pour permettre un accroissement des transferts vers la sphère privée via les versements d’intérêts et autres mécanismes, ont systématiquement frappé, en priorité, les services publics de santé et d'éducation. En Afrique subsaharienne notamment, où, rappelons-le, chaque année les sommes prélevées sur le travail des peuples pour rembourser les intérêts d’une dette illégitime sont 4 fois plus élevées que les dépenses réunies d’éducation et de santé, la Banque Mondiale a même au début des années 90, donné à sa démarche un habillage théorique en niant la nécessité d’un enseignement supérieur national, en vue de concentrer sur « l’éducation de base » les ressources restant disponibles, après prélèvement des prétendus « bailleurs de fonds ». Les dégâts et les résistances ont été tels que ses stratèges ont, au moins au niveau du discours, dû corriger le tir, notamment pendant la préparation et la tenue de la Conférence Mondiale de l’UNESCO sur l’Enseignement Supérieur (1998). Mais corriger pour transformer l’Enseignement Supérieur dans le sens d’une fuite en avant libérale, et en revendiquant explicitement un co-pilotage des politiques éducatives, notamment universitaires (cf. observations de la Banque Mondiale au gouvernement marocain en 1999). C’est dans un document intitulé « Le financement et la gestion de l’enseignement supérieur : l’état des réformes dans le monde », rédigé par le département Education de la Banque et mis en discussion lors de la Conférence en question que l’on trouve les lignes de force de la démarche : 1) Il en est du mot « réforme » surabondamment utilisé sans adjectif le qualifiant, comme du mot « transition » ou du mot « mondialisation » : toute réforme ne saurait être que libéralisante et privatisante. 2) S’agissant de la nature de l’Enseignement Supérieur, la Banque Mondiale considère " qu’ il répond à nombre de critères définis par BARR comme un bien privé se prêtant aux forces du marché" (Nicolas Barr, 1993, The economics of the welfare state). Et elle définit ensuite le pourquoi et le comment, pour chuter sur cette conclusion : « Une orientation vers le marché implique donc a) l’imposition de frais d’études et la vente des produits de la recherche et de l’instruction au moyen de subventions, de contrats et de formation des cadres d’entreprise ; b) l’intervention du secteur privé, y compris des entités qui dispensent un enseignement supérieur à des fins lucratives ou non ; c) la décentralisation régionale, soit la délégation de pouvoirs de l’Administration centrale aux régions ; d) l’autonomie des établissements, soit la délégation de pouvoirs de divers organes administratifs aux établissements d’enseignement. Une grande partie de ce qui peut ressembler au vade-mecum de l’économiste néolibéral peut aussi relever davantage de l’opportunisme que de l’idéologie. Du fait que l’évasion fiscale est de plus en plus fréquente, qu’il est par ailleurs difficile de recouvrer les impôts et que tous les Etats connaissent des besoins difficiles à concilier –instruction générale, santé publique, sécurité publique, transferts et infrastructures publiques-, le seul moyen d’échapper à des mesures d’austérité débilitantes consiste peut-être principalement à faire de plus en plus appel aux études payantes et à donner libre cours à l’initiative des responsables de l’administration et de l’enseignement dans les établissements ». 3) Evaluant les « réformes » universitaires au regard de ces critères, la Banque Mondiale dresse une sorte de palmarès en tête duquel figurent notamment la Chine et le Chili, « seul pays qui recouvre une grande partie des frais d’études et où le gouvernement a lancé, en 1981(*), une série de réformes structurelles et financières de grande envergure ». La Banque préconise aussi de « recouvrer » le coût des études supérieures en prélevant des taxes sur les diplômés, comme le font déjà plusieurs universités écossaises. Cette démarche converge de façon troublante avec les revendications exprimées par l’UNICE, la confédération patronale européenne lors de son sommet de Bruxelles (juin 2000) :
3) 3ème instrument : l’OCDE, qui, non content d’avoir été le promoteur de l’AMI, sert en fait de boîte à penser et de pépinière d’experts fournissant aux pays membres l’arsenal idéologique justificatif des « réformes » libérales à introduire dans les systèmes éducatifs, cependant qu’il propose aux gouvernements et aux responsables des programmes « d’ajustement structurel » du FMI, une méthode pour limiter l’impact des troubles sociaux consécutifs aux coups portés au niveau de vie des couches populaires et, particulièrement, aux systèmes éducatifs (document cité par Eric Toussaint dans « La bourse ou la vie »). Son dernier rapport sur l’éducation préconise « l’adaptation de celle-ci aux nouveaux enjeux économiques ». Hors de toute considération pédagogique, l’OCDE stipule que les enseignants devraient construire leur enseignement autour de l’informatique. Celle-ci devient un objectif en soi, et non un outil. L’OCDE s’aligne sur « l’European Round Table », lobby constitué par un certain nombre de multinationales basées en Europe. 4) 4ème instrument :la Commission de Bruxelles, dont la démarche d’intégration européenne se décline : libre concurrence, réduction des déficits publics, rigueur budgétaire, modération salariale, harmonisation fiscale et sociale, libre circulation des capitaux et des marchandises (pour les hommes, voir Schengen), ouverture des marchés, fin des monopoles publics, maîtrise des dépenses sociales… Certes, et les autorités françaises le répètent, il n’y a pas de politique éducative commune puisque les traités ne le permettent pas, seulement des politiques intergouvernementales, comme celle qui cherche à harmoniser les niveaux de diplômes universitaires (3-5-8). Mais, d’une part, il y a une vive pression au sein du collège des commissaires pour étendre leurs prérogatives dans cette direction et, d’autre part, les conclusions du sommet européen de Lisbonne (printemps 2000), autant que les plus récentes déclarations du Ministre Lang (qui va plus loin qu’Allègre dans ce domaine) réclament attention et vigilance. Dans un mémorandum en préparation sur « la formation tout au long de la vie » (« Lifelong learning »), concept dont Jacques Delors est le père, on retrouve tous les thèmes chers au patronat transnational : - « compétences de base », individuelles et soumises à évaluation individuelle, substituées à la notion de reconnaissance collective des qualifications sur la base d’un niveau de formation identifiable et sanctionnable par un diplôme ; le mot « compétences » n’est employé, et la notion mise en œuvre que de manière unilatérale, intégrant les discriminations envers les femmes, les travailleurs les plus âgés ou les moins qualifiés, mais écartant les réelles potentialités dont la notion est porteuse si on la définit comme « savoirs en action acquis au cours de l’expérience professionnelle » (Yves Schwartz, revue « Formation permanente », 1997) ; la définition réductrice de la « compétence » sert de support aux deux concepts jumeaux :
Au sommet de Lisbonne, les Ministres ont clairement signifié (rappelle opportunément Nico Hirtt, animateur de l’appel « Pour une école démocratique ») « la volonté d’utiliser l’enseignement pour stimuler l’émergence d’un marché multimédia dans le cadre de la concurrence avec les Etats-Unis. Pour rivaliser, l’Europe doit former le cyber-consommateur. A partir de là, toujours selon N.H, l’enseignement sert à la fois à ce que le consommateur acquière les bons réflexes pour acheter sur le réseau, et pour apprendre à apprendre sur Internet ». Mais apprendre quoi ? Avec quels contenus ? Comme le dit Viviane Reding « pour que l’Europe économique soit acceptée, il faut passer par la jeunesse » donc par sa mobilité et son intégration idéologique. A cette conception instrumentaliste, nous opposons une vision humaniste de la formation et l’exigence d’une Europe ouverte et mondialement solidaire. Les Ministres ont réclamé avec insistance la mobilité des étudiants, dont ils ont une vision à la fois idéologique (« acquérir une conscience européenne ») et économique (euro-flexibilité géographique de la main-d’œuvre en fonction des stratégies de délocalisation/relocalisation poursuivies par les multinationales). Tout ce qui précède conduit à souligner le rôle et les responsabilités des autorités françaises, comme le rappelle opportunément la revue de l’Institut de Recherches de la FSU « Nouveaux regards » (supplément au n° 10, été 2000) : « Nos gouvernants pèsent lourd en Europe. Ils sont au Conseil d’Administration de la Banque Mondiale, du FMI. Ils siègent dans les instances de l’OMC. Ils ont donc la possibilité d’infléchir le cours des choses ». Et puis, surtout, il y a le projet de « réforme » de l’article 133 du Traité d’Amsterdam, à l’ordre du jour du sommet de Nice : La réforme proposée étendrait au commerce des services donc à celui de l’éducation et à la propriété intellectuelle la procédure de vote à la majorité qualifiée en vigueur sur ces questions. Cela retirerait à un gouvernement, et donc aux citoyens qui peuvent faire pression sur lui, toute possibilité de bloquer certaines initiatives ultra-libérales qui soutiendrait une majorité « qualifiée » d’Etats, y compris sur l’éducation. Ce qui a été possible à l’OCDE, où un seul Etat, la France, a fait capoter l’AMI, ne le serait plus au Conseil européen. II – Les processus Nous abordons ici ce qui se passe au quotidien pour instiller dans la vie du système éducatif une conception, un mode de fonctionnement et des références tendant à sa « bonne gouvernance » conçue comme sa gouvernance par le marché (1). 1. En France Il faudrait notamment mettre le projecteur sur le Groupement d’Intérêt Public « Edufrance » créé par C. Allègre pour vendre de la formation supérieure dans le monde, création justifiée par son auteur ainsi : « La coopération de développement, c’est dépassé ». Allègre explique que les Américains vont arriver partout sur le marché de l’éducation et qu’il faut donc leur porter la concurrence sur ce même marché… ce qui demande évidemment moins d’efforts que de protéger le service public et de promouvoir des coopérations de solidarité et de développement. En février 1998, ce même Allègre déclarait aux Echos : « Nous allons vendre notre savoir-faire à l’étranger et nous nous sommes fixés un objectif de deux milliards de chiffre d‘affaires en trois ans. Je suis convaincu qu’il s’agit du grand marché du XXIème siècle ». Il est vrai que la France est le 2ème exportateur mondial de services éducatifs (et le 3ème exportateur d’armes…). Edufrance vient de passer un accord avec la Banque Mondiale pour développer un programme de formation à distance pour les pays francophones essentiellement destiné aux décideurs, parlementaires et journalistes, sur des sites au Bénin, en Côte d’Ivoire et Sénégal, comprenant séances de dialogue avec « hauts responsables », cours et séminaires. Mais il y a beaucoup d’autres initiatives à travers lesquelles se banalise la marchandisation de l’enseignement supérieur. Parmi les plus récentes, en France, citons :
Parmi nos travaux, nous pourrions envisager la rédaction d’un lexique consacré aux connotations idéologiques données à toute une série de mots « neutres » en apparence. 2. A l’échelle mondiale La marchandisation au quotidien se met en place à travers toute une série d’actions concrètes, dont les plus poussées ont lieu au Royaume-Uni, en Australie et aux Etats-Unis. a) Les gouvernements vendent au privé des écoles publiques L’Etat de Floride (Etats-Unis) donne des bourses aux élèves quittant, pour le privé, de « mauvaises écoles publiques ». L’Etat de Maryland vend des écoles publiques à la « Edison School incorporated » la plus importante société de « management » scolaire qui possède déjà 79 écoles dans 16 états avec plus de 38000 élèves. 96 écoles sont sur la liste de celles dont l’Etat pourrait se débarrasser. En faisant payer les mêmes droits d’inscription que le secteur public, cette société pense gagner 50 millions de dollars sur 5 ans. L’équipe pédagogique des écoles vendues ne fera plus partie de l’éducation publique et devra faire acte de candidature auprès de Edison School incorporated pour conserver son emploi. En somme, les enseignants seront mis en vente comme n’importe quelle autre marchandise. Au Royaume-Uni, la première école publique gérée par une entreprise privée ouvre à Guilford dans le Surrey. L’accent y est mis sur l’apprentissage des nouvelles technologies : 100 ordinateurs, un cybercafé, élèves incités à envoyer leurs devoirs par Email. L’autre axe fort est la discipline : entrées et sorties contrôlées par caméras de surveillance et cartes magnétiques ; chaque élève signe un contrat par lequel il s’engage à respecter le règlement intérieur. Le « A level » examen final britannique est remplacé par un « international baccalaureate ». Il ne reste qu’1/4 des enseignants de l’ancienne école, qui doivent faire acte de candidature pour être repris. Le Ministre britannique de l’éducation, D. Blunkett veut vendre les collèges « en situation d’échec » des centres-villes. Les nouveaux propriétaires engageront les enseignants, décideront des salaires, pourront ne pas suivre les programmes nationaux. Les milieux d’affaires ont accueilli très favorablement cette initiative. Un entrepreneur milliardaire a déjà mis 12 millions de livres sur la table. Selon un responsable, « ce qui marchera survivra ». En attendant, les collectivités locales se sentent dépossédées de leur rôle éducatif. Lors d’une récente conférence placée sous l’égide du « Conseil des Ecoles indépendantes », on a estimé que d’ici 5 à 6 ans, 1/3 des écoles sera dirigé par des compagnies privées alors qu’aujourd’hui 1/7 des élèves est dans ce cas. b) La chasse à l’étudiant étranger solvable procurant aux Universités des ressources permettant à l’Etat de réduire ses subventions. En Australie, c’est devenu la première source de rentrée de devises et les subventions d’Etat ont pu ainsi passer de 90 à 60 % du budget des universités. Au Canada, à Toronto, la part du financement public est passée, en trois ans, de 50 à 35 % du budget. c) Les contrats d’exclusivité entre des autorités scolaires et des fournisseurs de produits de consommation aux élèves. Ainsi, en Californie, le district scolaire de Sacramento a passé un tel contrat avec Pepsi (2 millions de dollars sur 5 ans) au terme duquel les 77 établissements du district ne devront vendre que des produits Pepsi et les associations de parents d’élèves seront tenues de ne se fournir que chez Pepsi pour leurs réunions. Toute publicité pour une autre boisson sera interdite. De même, si une leçon doit recourir à un produit similaire à ceux distribués par Pepsi, le cours devra y faire référence. Notre réaction rapide sur les « Masters de l’Economie » doit se poursuivre et s’appliquer à toutes les tentatives analogues, d’autant que le CIC entend bien persévérer. Où en est le rapport d’Inspection Générale diligenté par le Ministre ? Quelles décisions concrètes ? d) Les transformations dans les missions assignées à l’éducation. Comme le décrit fort bien Ricardo Petrella, dans sa contribution écrite à notre réunion, l’éducation pour la ressource humaine prend le pas sur l’éducation pour et par la personne humaine. On transforme l’éducation en un lieu où l’on append une « culture de guerre » (mieux réussir que l’autre, la concurrence, la guerre économique) plutôt qu’une culture de vie (vivre ensemble avec les autres dans l’intérêt général). Du coup, la logique marchande et financière du capital privé tend à s’imposer de plus en plus directement dans la définition des finalités et des priorités de l’éducation. Si cela a commencé dans les écoles de commerce, cela tend à gagner de proche en proche à l’aide d’un vocabulaire approprié : « marché de l’éducation », « marché des produits et services éducatifs », « entreprises éducatives » (cf. Vancouver, et bien des aspects du salon français de l’éducation, dominés par les multimédia). L’envahissement par les multimédias a des effets mystificateurs, conduisant à croire que l’éducation est devenue fondamentalement une affaire de mutimédias. e) Les transformations dans sa gestion pour l’aligner sur une gestion entreprenariale (manageriale) sous couvert de décentralisation. L’Etat se désengage non sans maintenir et renforcer son pilotage pour veiller à ce que le cap libéral soit bien pris et conservé. On ne crée pas davantage de démocratie, davantage de participation des communautés concernées, bien au contraire, car on délègue des pouvoirs reconcentrés, accrus, personnalisés, à telle ou telle autorité gestionnaire locale. Ainsi, en France, l’autonomie des universités publiques tend à être dévoyée, afin de faire échapper les établissements aux règles du service et du contrôle publics pour les faire évoluer plus facilement vers une gestion concurrentielle managériale déréglementée, conduisant à une privatisation rampante. Cette dérive s’opère sans qu’il soit besoin de nouveaux textes législatifs, mais à travers de nouveaux modes de répartition des crédits d’Etat, une altération de la fonction présidentielle malgré son caractère électif, l’incitation au localisme, etc…. f) C’est l’Etat qui organise lui-même la dérégulation et la déréglementation, ouvrant la voie à la mise en concurrence, poussant les direction d’établissement à mettre en œuvre une démarche de recherche de « rendement » utilisant différentes techniques d’évaluation tournées vers le renforcement de l’interaction avec le monde de l’entreprise et la promotion de la pertinence économique des cours proposés sur le marché de l’emploi. L’octroi d’une plus grande autonomie des établissements et la promotion de l’esprit d’entreprise sont mis en perspective par rapport à la réduction, jugée inéluctable et irréversible, des ressources publiques. On instaure, ou on incite les établissements à instaurer des systèmes de salaire au rendement. g) C’est en somme le modèle thatchérien qui gagne du terrain un peu partout. Bien avant les années 75, les « think-tanks » ultra-conservateurs (Heritage Foundation, Société du Mont Pèlerin), en menant leur combat contre le « Welfare State » et l’« égalitarisme », avaient en même temps perçu les évolutions naissantes : explosion de nouveaux champs scientifiques (sciences humaines, de l’information, de la vie) susceptibles de conduire à des révolutions de la production au moment où s’amorçait le démantèlement des industries traditionnelles et où émergeaient les nouvelles technologies issues du développement scientifique. A problèmes réels, réponse musclée : universités et centres de recherche (ces derniers partiellement ou totalement privatisés) placés en concurrence, à la merci d’agences d’objectifs ; équilibre ou hiérarchie entre les disciplines déterminées par des critères économiques ; précarisation des emplois, notamment pour les jeunes. Cette « adaptation » là a été dévastatrice. Mais ce fonctionnement est aujourd’hui en point de mire de presque tous les systèmes d’enseignement et de recherche européens et américains, et la conception qui le sous-tend règne à Bruxelles depuis belle lurette. La France y a peu ou prou échappé jusqu’à Allègre, qui a pris un tournant radical dans la conception de la recherche publique et de l’enseignement supérieur : réduction du rôle apparent et des moyens de l’Etat, intégration prioritaire des « besoins du marché » dans la définition des objectifs de recherche publique et des nouveaux cursus (licences pro, mastères), conjonction intime des centres de recherche publics et privés. Certes la relation entre recherche fondamentale et innovation technologique, production et diffusion des connaissances, le rôle de la science dans l’économie ont totalement changé et posent des problèmes nouveaux. Mais y a-t-il à ces problèmes une réponse unique qui serait celle du marché ? Faut-il rappeler que notre critique de ces processus plaçant le système éducatif sous logique et influence marchande et sous la coupe du privé, ne signifie aucunement la négation de la mission de formation professionnelle qualifiante des établissements d’enseignement, ni la dérobade devant l’évidente nécessité de liens interactifs entre le monde de l’éducation et les activités économiques ? Mais quels types de liens ? Dépendance ou coopération ? A notre avis, il est indispensable que le système éducatif reste maître d’œuvre de ses relations avec le monde de l’économie, ce qui exige un financement public dominant, et un fonctionnement démocratique et transparent des institutions éducatives, qui doivent rendre des comptes sur leur action à la société tout entière et à ses représentants élus. Ce qui est caractéristique et grave, c’est la convergence entre patronat et une partie des réformateurs universitaires pour inscrire toute réforme éventuelle dans la démarche marchande de pensée unique. Au Président du patronat allemand, Hans Olaf Henkel, réclamant plus de concurrence entre les établissements d’enseignement supérieur allemands, proposant d’instaurer des concours d’entrée pour les étudiants, des droits universitaires (qui n’existent pas dans les universités allemandes) et le salaire au « mérite » pour les enseignants, et prétendant que cette concurrence et notamment l’instauration de concours d’entrée, améliorera la qualité de l’enseignement et la situation des universités allemandes et celle des établissements d’enseignement secondaire. (« Un engagement des entreprises dans l’éducation et la formation des jeunes est nécessaire mais pas suffisant. Les établissements doivent être réformés en s’orientant vers le principe de concurrence économique »), fait écho Joseph Briscall, ancien Président de la Conférence des Recteurs européens, qui dans un rapport au gouvernement espagnol, (ayant provoqué protestations et manifestations chez les étudiants), propose
h) Le financement : collecter des fonds privés et augmenter les droits d’inscription sont présentés comme les seules solutions. On tente partout d’élever les droits d’inscription, en le justifiant au nom de « l’équité ». Il serait certes réducteur de considérer les droits d’inscription comme le seul, voire le principal facteur de handicap pour les étudiants d’origine modeste. Dans le contexte américain, où ces droits montent couramment jusqu’à 20000 dollars par an, cela pèse beaucoup plus qu’en Europe. Quand, au nom de l’ « équité », concept cher à Alain Minc, on appelle au relèvement de ces droits sous couvert de faire payer les étudiants issus de familles à hauts revenus, ou de « responsabiliser » les étudiants en leur faisant mesurer le « prix » de leurs études, on raisonne en fait comme si la formation était uniquement un bien privé dont l’acquisition fournit à son détenteur une « plus value » sur le « marché du travail ». On évacue deux notions essentielles : 1) la formation comme investissement social, 2) la nécessité de réformes fiscales reposant sur la progressivité des prélèvements pour augmenter les recettes de l’Etat et, ainsi, lui donner les moyens de financer à hauteur des besoins le service public d’éducation, y compris à travers l’amélioration et l’extension des systèmes de bourses, et sans exclure la mise à l’étude du salaire étudiant, jeune travailleur intellectuel en formation. III – Les conséquences 1) Les résultats de l’éducation s’inscrivent dans la durée. C’est un investissement, mais à « rentabilité » différée, qui craint les coups d’accordéon et réclame au contraire anticipation et régulation à moyen terme. Or, aussi bien le développement du privé lucratif que la soumission du public aux critères marchands entravent toute anticipation, et soumettent le fonctionnement du système au temps court, le temps du marché. 2) Conséquences sur la démocratisation des études. Toutes les recherches sérieuses constatent que le nombre d’étudiants issus des milieux défavorisés chute lorsque des droits d’inscription sont instaurés ou augmentés, et que le nombre d’étudiants obligés de travailler monte en flèche. Ainsi au Royaume-Uni : 10 % d’étudiants de couches modestes en moins ; de 5000, le nombre d’inscrits à mi-temps passe à 218000 ; ¼ des étudiants travaillent désormais plus de 40 h par semaine ; Aux Etats-Unis, la dette moyenne d’un étudiant en médecine à la fin de ses études atteint 90000 dollars. On voit même apparaître des discriminations officielles par l’argent. Ainsi en Australie, depuis 1998, les étudiants acceptant de payer l’intégralité du coût de leurs études –ce qu’ils n’ont normalement pas à faire- sont admis avec des notes inférieures aux étudiants qui ne paient que les frais universitaires normaux. Dans une école d’ingénieurs de Melbourne, on accepte les premiers avec 82 % de bonnes réponses aux tests, tandis qu’on exige 90 % des étudiants « normaux ». En Israel, pour « doper » les résultats scolaires, les autorités promettent de coquettes sommes aux élèves et aux professeurs en fonction de leur « rendement ». Au Royaume-Uni encore, les 1000 professeurs qui, dès cette rentrée, bénéficieront du programme de « rémunération variable » (au rendement) se verront offrir gratuitement un ordinateur avec accès à Internet ! 3) Conséquences sur les finances publiques Tout comme au Chili, le gouvernement fédéral brésilien encourage le développement d’établissements privés. Mais ceux-ci, gouvernés par le seul critère de rentabilité, n’hésitent pas à fermer si la rentabilité diminue, obligeant les gouvernements des Etats fédérés à absorber les élèves laissés en panne. Il faudrait aussi mentionner les dégrèvements d’impôts et autres privilèges fiscaux. La « marchandisation » de l’Education coûte cher aux finances publiques et à la société. 4) Appauvrissement de la diversité des cursus Citons l’exemple de la Belgique : Environ 1000 instituts privés de formation assurent 1200 sessions de cours. 22 % des programmes vendus concernent l’informatique, 13 % les langues vivantes, 2 % les matières scientifiques fondamentales. Comme le constate la directrice de la formation chez Berlitz : « Il y a sur le marché des centaines de produits de formation, ils sont tous les mêmes ». 5) Conséquences sur les contenus et l’évolution des savoirs : La logique de marché conduit à diffuser les savoirs commercialisables et non les autres. Il en résulte un appauvrissement réducteur et des menaces sur des champs disciplinaires entiers, encore aggravés lorsqu’on importe des cursus clés en mains bâtis dans un autre contexte (ex. des programmes américains de gestion vendus aux universités indiennes, et totalement inadaptés aux besoins du pays, ou encore du projet de cours de sciences économiques « mondial » bâti par une université états-unienne avec le concours de quelques universités latino-américaines). C’est en ce sens que les universités virtuelles peuvent être la meilleure ou la pire des choses. Leur orientation est un enjeu des luttes A l’atelier « savoirs » tenu aux rencontres internationales de Saint-Denis en juin 99, nous avons identifié l’ensemble des conséquences de la marchandisation des savoirs
Cette modélisation, visant à créer le consensus autour de la pseudo-égalité : avenir de la l’éducation = E éducation = marché, appauvrit la pensée, empêche l’interactivité, la créativité, la poétique (comme l’avaient démontré à Saint-Denis les syndicalistes argentins de la CTERA). 6) Quelques réflexions sur la place des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication Le système éducatif est directement interpellé par le développement des technologies interactives de réseaux, composantes majeures de la société de l'information et de la communication qui est en construction. Au-delà de la nécessité pour chacun de maîtriser ces nouveaux outils, se pose la question du nouveau rapport au savoir qu'elles induisent et de l'évolution du rôle de l'enseignant (ex : comment passer de l'information à la connaissance ?). Ces TIC ouvrent des perspectives nouvelles et efficaces en matière de processus d'acquisition des savoirs (ex : travail coopératif entre groupes géographiquement distants) mais heurtent un système éducatif qui reste globalement structuré autour de la parole du maître et du livre. De plus , il faut éviter que le cyberespace ne se transforme en une jungle où les seules lois qui s'imposeront seront celles des minorités qui auront maîtrisé les flux d'information et les instruments de leur diffusion. Or la situation actuelle révèle une inégalité massive - Afrique : 9% de la population du monde ; 0,1% des internautes, (un ordinateur pour environ 5000 personnes) Donc le premier problème est celui du fossé : les TIC peuvent contribuer à réduire les inégalités, ou à les aggraver : exigence de nouvelles solidarités Nord Sud, annulation de la dette, fin des ajustements structurels. Le deuxième problème est la nécessité pour les enseignants de s'approprier les NTIC afin de concevoir des enseignements virtuels qui leur soient propres et de ne pas subir des contenus et des mises en forme élaborées dans un tout petit nombre d'universités d'un tout petit nombre de pays. Il faut donc faire front contre une double hégémonie - celle, financière, des multinationales cherchant à asseoir leur domination sur cette nouvelle mine d'or qu'est la communication Qui est garant de la qualité ? de la certification délivrée ? Quel cadre juridique pour ne pas rendre les enseignants otages de multinationales productrices (brevets, royalties, licences) ? Pour que ces nouveaux outils soient ceux de la mise en œuvre de pédagogies nouvelles, et non ceux du mercantilisme, de la rentabilité à court terme, de la concurrence, de l'individualisme et du fichage, il convient, pour maîtriser et dépasser cette contradiction, de contribuer à une conscientisation socio-économique des utilisateurs. Cela rend nécessaires d'inclure cette dimension critique dans la formation des enseignants afin que les projets d'usages et les intentions pédagogiques soient au service du projet d'éducation et non pas un alibi pour des finalités industrielles ou commerciales et des contenus uniformes et pauvres. Les enjeux économiques sont tellement présents qu'une forte culture critique doit être soutenue pour garantir des usages conduisant à une plus-value éducative et culturelle avant la plus-value marchande : ce qui doit commander, ce sont les exigences de libération et d'épanouissement des êtres humains. Les outils nouveaux n'effacent pas les anciens, et il faut raisonner en termes de complémentarité et non de substitution. Je pense à la conception à donner aux universités virtuelles et à la nécessité de penser d'abord le projet puis l'outil pour le projet, et non l'inverse. IV – Résistances et propositions 1. Courbe ascendante des actions syndicales et citoyennes pour d'autres choix éducatifs et budgétaires. Nous citerons l'Argentine où, en décembre 1999, à l'appel du principal syndicat enseignant, la CTERA, une forte grève s'est opposée à l'annonce d'une baisse de salaires et d'une hausse des retenues sociales et fiscales pour financer le remboursement des intérêts de la dette extérieure. Le gouvernement a dû reculer. En juin 2000, c'est tout le mouvement syndical qui s'est dressé contre l'annonce d'"économies" reposant sur une baisse de 12 à 15% des salaires pour 140 000 fonctionnaires gagnant plus de 1000 pesos (1000 dollars) par mois, et contre le projet d'écarter les syndicats de la gestion des œuvres sociales. En Espagne, le monde étudiant s'est mobilisé, en mars 2000 contre le rapport Briscall, déjà cité, avec d'importantes manifestations à Madrid et Barcelone. Le 9 mai 2000, 8 à 10 000 étudiants californiens ont manifesté pour qu'une partie de l'excédent fiscal (13 à 16 milliards de dollars) soit alloué à l'éducation. Nous avons recensé des actions et grèves d'étudiants et d'enseignants dans 47 pays des différents continents au 1er semestre 2000, à la fois contre les menaces d'augmentation des droits d'inscription et pour obtenir les moyens d'enseigner et d'étudier décemment (postes, crédits, œuvres sociales). La très longue grève des étudiants de l'UNAM à Mexico, soutenue notamment par le syndicat universitaire FNSU, par la Fédération Internationale Syndicale de l’Enseignement, et par de nombreuses organisations étudiantes dans le monde, est particulièrement représentative des inquiétudes des nouveaux publics engagés dans les études. Elle a touché d'abord les "préparatoria", instituts de 2ème cycle du secondaire préparant à l'université des filles et des garçons de 15 à 17 ans, qui se sont d'ailleurs donnés des formes d'organisation inédites, autogestionnaires et très démocratiques. Leurs revendications : libre accès au supérieur, gratuité, démocratisation de la gestion (le recteur de l'UNAM est choisi par l'Etat fédéral, alors que dans la plupart des autres universités mexicaines, il est élu dans le cadre d'une véritable autonomie). La portée universelle de ces revendications et les formes d'action choisies expliquent le vaste soutien international dont bénéficient depuis un an les étudiants de l'UNAM et leur comité général de grève (CGH). 2. Dans ce contexte, la grande question est : « Comment donner aux contenus et aux modalités de la formation une valeur émancipatrice, incluant qualité, construction des qualifications, apprentissage de l’esprit critique, de la citoyenneté ? » On est bien là au cœur de la démarche d’ATTAC. Car si l’association n’a pas plus à élaborer un projet éducatif qu’un projet de société, ni à promouvoir tel projet éducatif, tel projet de société, il est dans notre rôle - d’aider à comprendre la marchandisation de l’enseignement pour la combattre plus systématiquement, afin de gagner en efficacité dans les campagnes en cours et les débats locaux ; - de lui opposer une conception citoyenne de l’éducation comme partie intégrante de notre démarche pour aider les citoyens à se réapproprier les espaces perdus par la démocratie. Comment le feraient-ils s’ils n’agissaient, notamment, pour s’approprier les savoirs et faire en sorte qu’ils soient mieux partagés ? Trois enjeux distincts mais très liés :
Il en découle plusieurs exigences de lutte : renforcer et rénover le service public ; lutter pour l’égalité dans l’accès aux savoirs ; mais aussi faire évoluer les modalités de cet accès, afin qu’elles tiennent mieux compte des aspirations des « apprenants », jeunes et adultes, dont le droit à la parole critique doit être reconnu ; agir sur les contenus, à l’instar de la récente initiatives d’étudiants et d’enseignants-chercheurs en sciences économiques, etc… ATTAC doit aider à faire converger et à fédérer souplement dans l’action l’ensemble des mouvements et initiatives sociaux et citoyens pour briser le carcan de la marchandisation de l’éducation. Dans l’esprit de la Charte d’ATTAC et de l’appel de Morsang, nous poserons donc la question de la responsabilité publique dans le développement de l’éducation (quel service public ?) et des voies à explorer pour développer et rénover le système éducatif (y compris l’éducation des adultes). - En liaison avec notre groupe global/local, nous avons à examiner le rôle des différentes collectivités territoriales face à cette marchandisation - Comment, à la veille de Dakar 2000, mieux inscrire la place de l’éducation dans les campagnes pour l’annulation de la dette. Quelles coopérations internationales ? - Comment ancrer notre démarche dans les lieux éducatifs, c’est-à-dire aider au développement de l’action des comités ATTAC des universités et aider à en créer dans les lycées ? - Quelle expression de l’Association (déclaration ? livre ?) - Et comment travailler (thèmes, équipes, méthodes, échéances, …), en visant à la constitution d’un véritable réseau fonctionnel ?
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