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Réhabiliter l'ONU

Yvelines Sud (Jean Marc PUJADE-RENAUD)

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Declaration and Agenda for Action
Strengthening the United Nations for the 21st Century

POUR LA PROMOTION ET LA DEFENSE DES DROITS SOCIAUX, ECONOMIQUES ET CULTURELS

Fin août 1944, le gouvernement américain pouvait s’estimer fort satisfait des acquis de la conférence de Bretton Woods. Il avait réussi à imposer ses vues pour un système commercial et financier international basé sur une monnaie unique, le dollar, et une expansion des échanges internationaux de biens, services et capitaux qui de toute évidence allaient lui assurer la suprématie mondiale.

Le système, via le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM), était basé sur le principe : un dollar- une voix, et les statuts des Institutions Financières Internationales (IFI) interdisaient à ces dernières une quelconque disposition pouvant freiner l’expansion du commerce international (on se rendit compte plus tard que cela pouvait empêcher la mise en route vers le développement des pays les plus pauvres).

Bien sûr le GATT allait être beaucoup plus limité que l’institution souhaitée par les USA pour gérer le commerce international, mais rapidement il est apparu que le libre échange pouvait progresser beaucoup mieux qu’entre les deux guerres mondiales.

Bien sûr les desseins géopolitiques des USA étaient partiellement entravés par la guerre froide. Mais patiemment cet état est arrivé à ses fins avec une victoire géopolitique en 1990 et cinq ans après une victoire de stratégie commerciale avec la création de l’OMC.

Par contre, 10 ans après Bretton Woods, les acteurs néo-libéraux politiques et économiques, dans différents états dont les USA, étaient fort peu satisfaits par la place institutionnelle prise par l’ONU et les différentes organisations nées sous tutelle de l’une des deux instances démocratiques (un état- une voix) de l’ONU : l’Assemblée Générale et le Conseil Economique et Social (ECOSOC).

Ces organisations nombreuses et diversifiées, avaient été définies et mises en place dans le but de couvrir tous les domaines utiles sur les plans éthique, humanitaire, économique et financier, social, culturel…Citons par exemple :

- parmi les quinze « organisations » créées par et rapportant à l’AG de l ‘ONU : le HCR, l’UNICEF, la CNUCED, le PNUD, le PNUE et plusieurs autres pour l’habitat, la situation des femmes, la démographie, la formation, la recherche, l’alimentation...

- Parmi les quatorze « agences spécialisées », agences internationales autonomes mais rapportant à l’ECOSOC : la FAO, l’OIT, l’UNESCO, l’ONUDI, l’OMS, ainsi que….la BM et le FMI !

Pendant plus de 30 ans les forces néo-libérales, avec les USA en bonne place, n’ont eu  de cesse de tout faire pour marginaliser la majorité de ces institutions, dans certains cas en les étranglant financièrement y compris pour le budget de l’ONU elle-même (1)- la bataille contre l’UNESCO a défrayé les chroniques pendant des années- mais en soutenant la prise d’indépendance totale de la BM et du FMI et l’augmentation systématique des pouvoirs de ces deux IFI. Dans d’autres cas en soutenant la création d’autres institutions complètement indépendantes de l’ONU : par exemple l’OCDE, et depuis 1995 l’OMC, inacceptable dans ses règles de fonctionnement actuelles qui en font le plus bel exemple de structure non démocratique (elle est juge et partie, et les pays les plus riches parviennent, par menaces et intimidations, à extorquer les voix de pays dominés.)

Sous la tutelle de l’ONU et de façon équitable pour les populations, l’ONUDI devait promouvoir et harmoniser le développement industriel, la CNUCED codifier le commerce international dans le but qu’il favorise le développement, le PNUD fournir assistances techniques et formations pour le développement et assurer une coordination entre toutes les institutions devant favoriser celui-ci, le PNUE conduire toutes les formes d’actions protégeant l’environnement, la FAO contribuer à l’augmentation de la production agricole et à l’autonomie alimentaire des pays ou des régions, l’UNESCO, en plus de ses prérogatives pour l’éducation, les sciences et la culture, promouvoir le développement par des projets économiques, sociaux et culturels, l’OIT établir des règles pour le respect des travailleurs, les conditions de travail, les droits syndicaux (mais elle n’a aucun pouvoir contraignant)

Aujourd’hui, il est affligeant de constater deux faits en parallèle :

- l’impuissance dans laquelle sont cantonnées la majorité de ces organisations. (les rapports annuels du PNUD et de la CNUCED en sont réduits à évaluer et à chiffrer les échecs et les dégâts). Cependant une marge de manœuvre plus large est accordée aux organismes considérés comme humanitaires : HCR, UNICEF, OMS.

- L’importance du rôle pris par le FMI et la BM avec la protection des gouvernements des pays les plus riches.

Quel droit a le FMI d’être simultanément un banquier, un syndic de faillite, un tribunal économique et social, le seul organisme à pouvoir imposer des politiques économiques et des restructurations financières et sociales à tout pays de son choix et ceci sans contrôle ou arbitrage de quelque institution que ce soit ?

On est dans une situation de non-droit car aucune procédure d’appel juridique n’est possible (comme c’est aussi le cas avec l’OMC et comme c’était le cas dans le projet AMI).

Il y a là un complot permanent contre la démocratie.

Seule une véritable tutelle des instances démocratiques de l’ONU ( AG et ECOSOC) et une volonté d’application des exigences éthiques de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) peuvent permettre l’harmonisation et l’efficacité du travail de la trentaine d’organisations sous tutelle de l’ONU, y compris le FMI et la BM.

Mais cela demande une véritable révolution des mentalités au niveau des états membres de l’ONU.

Réhabiliter l’ONU est un passage obligé pour réhabiliter la démocratie dans les relations internationales.

(1) Comment serait-il possible d’accepter les retards de paiement par les USA de ses cotisations à l’ONU, alors que, pendant des décennies on a contraint par la force, les plans d’ajustement structurel, les pays les plus pauvres à rembourser au delà du supportable ?

CONSTRUIRE UN DROIT INTERNATIONAL DANS LES DOMAINES ECONOMIQUES, SOCIAUX, ET CULTURELS.

Le droit, comme la démocratie, n’est pas un modèle unique et figé. L’histoire nous a montré que la démocratie, même si elle se base sur des principes pouvant être reconnus comme universels, se construit selon une progression dépendant du vécu des peuples et des communautés et avec des règles concrètes pouvant évoluer et se compléter. De même le droit se construit peu à peu dans différents domaines (civique, politique, économique, social, culturel) et à différentes échelles (locale, nationale, internationale).

Pour ces deux concepts, il s’agit d’une recherche et d’un devenir permanents.

Au cours des derniers siècles, le droit à l’intérieur d’états souverains s’est construit progressivement avec l’adoption de constitutions, la reconnaissance de la séparation des pouvoirs et aussi la reconnaissance des droits civiques et sociaux pour les individus et les groupes.

Mais l’internationalisation en cours depuis 2 siècles et qui s’est accélérée à partir de 1944 (l’ONU et ses nombreux organismes se sont crées à cette époque), remet en question le fragile équilibre qui pouvait être reconnu comme à peu près acquis dans les états considérés comme démocratiques.

Les Etats ont concédé progressivement des parts de pouvoirs et ont vu se réduire des domaines d’initiatives qui leur étaient propres, sans que se mettent en place les systèmes de régulation et d’arbitrage internationaux nécessaires. Ce type de dérive a eu lieu principalement dans le domaine des mécanismes économiques et financiers internationaux, certains organismes s’étant octroyé des prérogatives excessives, sans respect de règles de séparation des pouvoirs (le même organisme devient juge et partie) et en ignorant les conséquences humaines et sociales.

C’est le cas de la Banque Mondiale et du FMI qui, en principe, sont sous la tutelle du Conseil Economique et Social de l’ONU, ce qu’ils ignorent superbement avec la protection et la complicité du G7.

C’est le cas de l’OCDE, du projet AMI (mort-né en 1998), de l’OMC adoptée en 1994 par les représentants de 135 pays dont plus des trois-quart n’avaient pas lu ou compris le contenu des règles qui leur étaient imposées.

On peut dire que l’on a assisté à des processus, soit de grignotages, soit de coups de force, présentés comme la seule « modernité-efficacité » possible, avec la volonté de marginaliser les organismes de l’ONU qui avaient été créés pour traiter les grands problèmes : faim, agriculture, éducation, santé, industrie, droit au travail, commerce, équilibre du développement. (voir le document « Réhabiliter l’ONU » )

C’est un non-droit international qui se construit depuis 20 ans

Est-il encore possible de construire un ordre juridique international et sur quelles fondations ?

Dans ce but, les seules bases à caractère général à notre disposition, sont :

-L’ONU, prise au niveau de son Assemblée Générale (seule instance suprême démocratique pour les nations et les peuples), de son Conseil Economique et Social et des organismes spécialisés qui sont sous leur tutelle.

-La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH, adoptée par l’ONU en 1948), seule garante des droits des états, des peuples, des personnes et de tous types de communautés humaines (complétée par celle pour le droit des enfants).

On doit alors constater que ces deux bases universelles ont progressivement généré un ensemble de cours de justice et de tribunaux internationaux habilités soit à traiter des « droits politiques et civiques » des états et des personnes, soit à poursuivre des crimes de guerre ou contre l’humanité :

Cour Internationale de Justice (La Haye 1946), pour les différends entre Etats.

Cour de Justice des Communautés Européennes (Luxembourg), également entre Etats.

Cour Européenne des Droits de l’Homme (Strasbourg), la seule à permettre un recours des personnes face à des Etats.

Tribunal Pénal pour l’ex-Yougoslavie.

Tribunal Pénal pour le Rwanda.

Cour Pénale Internationale (en cours de constitution depuis le 17/7/98). Mais dans l’ensemble, ces organismes ont un champ d’intervention limité aux pays qui les ont reconnus (ratification…). Ceci est illogique, en premier lieu pour la Cour de La Haye, instaurée par l’ONU, et qui devrait donc s’imposer à tous les états membres de l’ONU (parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité, seul le Royaume Uni l’a reconnue !)

En revanche, ces deux bases générales n’ont toujours pas réussi à instaurer un système international pour les « droits économiques et sociaux ». Par exemple l’OIT émet des « recommandations », mais elle est sans pouvoir de contrainte. Les pouvoirs économiques et financiers transnationaux ont donc largement le champ libre.
Face à cette lourde carence, des organisations de la société civile (OSC), au Nord comme au Sud, font des propositions assez diversifiées. On peut citer : 

-une Cour Internationale de Justice Economique et Commerciale, bien entendu indépendante de l’OMC.

- une Cour Internationale de Justice Sociale, pouvant sanctionner les non-applications des règles de l’OIT, mais aussi pouvant poursuivre pour « terrorisme social » (esclavage, assassinat de délégués syndicaux, etc.…), comme on poursuit les crimes contre l’humanité.

-un Observatoire des mouvements financiers internationaux. Il pourrait se consacrer au départ au relevé et à l’analyse des transferts (dons, prêts et remboursements) au niveau des états, des IFI et du Club de Paris, domaines dans lesquels l’opacité est importante à ce jour. On peut imaginer d’étendre son champ de compétence : Club de Londres, conditions de privatisations et de rachats d’entreprises par des sociétés étrangères, pratiques de spéculations financières, etc.…

-un Tribunal (ou Cour) international d’arbitrage pour les dettes. Les créanciers, les débiteurs et les Organisations de la Société Civile (OSC) pourraient se porter partie civile et ce Tribunal pourrait émettre des avis ou porter des jugements contraignants en utilisant les données de l’Observatoire (ainsi il ne serait pas juge et partie). Il pourrait, par exemple, travailler dans les domaines suivants :

-Pouvoir de déclaration d’insolvabilité quand le niveau de service de la dette porte atteinte à la survie des populations.

-Juger de la validité des conditionnalités émises par les IFI et user d’un droit de veto ou d’imposer des adaptations.

-Estimer des niveaux de service de la dette compatibles avec la mise en route d’un développement durable.

-Décider si des dettes sont illégitimes (ex : projets sans utilité pour les populations et ayant essentiellement profité à des fournisseurs du Nord ; soutien à des dictatures ayant désorganisé leurs pays sur les plans économiques et sociaux ; crédits pour achats d’armements utilisés pour des répressions politiques ou sociales) ;

-Pouvoir de jugement sur des détournements financiers pour profits personnels : traduction des corrompus et des corrupteurs devant une justice internationale ; pouvoir de contraindre toutes les banques à ouvrir leurs comptes et d’imposer les rapatriements financiers au profit des populations spoliées.

Un tel « système de droit » ne peut se mettre en place que s’il y a un sursaut de volonté politique de la part d’une large majorité des états membres de l’ONU et une réforme en profondeur de cette organisation. Deux axes d’activité, existants à ce jour, peuvent contribuer à la gestation de ce nouveau droit :

- Les orientations concrètes proposées par les grandes conférences thématiques organisées par l’ONU ( en particulier pendant la décennie 90).

- Le Comité des Droits Economiques Sociaux et Culturels, créé en 1985 par l’ONU (ratifié par 145 pays), mais sans pouvoirs effectifs autres que de « suggestions ».

Ce nouveau Droit ne pourrait être fort que s’il s’impose à tous les Etats membres de l’ONU et si ces Etats ont la capacité de contraindre les entreprises, en particulier les transnationales, à l’appliquer. Il y a donc nécessité de réhabiliter l’ONU, au moins vis à vis de ces problèmes. (cf supra)

Jean Marc PUJADE-RENAUD

Groupe ATTAC 78 SUD

 

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