GROUPES LOCAUX - Maine et Loire (49) - DOCUMENTS

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UN CAFE POUR SOCRATE

 

 de Marc Sautet , chez Laffont

 

LA DEFAITE DE LA PENSEE

 

Les philosophes de métier sont repliés sur eux- mêmes.Les spécialistes sont au bout de leur latin : désespoir de trouver des solutions techniques aux problèmes de l’humanité. Reprendre possession de la pensée, c’est commencer à reprendre le contrôle des affaires de la cité. La raison est le plus souvent présentée comme un faculté individuelle dont chacun pourrait disposer dans sa solitude : ne serait-elle pas plus une résultante correspondant à la quête en commun de la vérité sur la place publique.

 La philosophie est une mise en question de ce qui se passe pour apporter des réponses adaptées. N’est -il pas aussi faux de dire que la barbarie s’empare du monde que d’affirmer que le soleil se couche ?

 

LES LUMIERES

 

L’action des encyclopédistes au 18 siècle provoque sans conteste la déroute de l’obscurantisme : s’imposent alors massivement les performances de la technique , de la science et du labeur humain.

Les Lumières c’est le constat de la simultanéité de la révolution héliocentrique et de la révolution marhande

Voltaire qui a fait connaître Newton en Europe, avait compris que la victoire de la raison passait par celle de l’héliocentrisme sur le géocentrisme : le jour triomphe de la nuit.La victoire de l’héliocentrisme coïncide  avec l’hégémonie des relations marchandes dans la vie des nations .

La protection que la noblesse offrait à la population était devenue tellement dérisoire  que la bourgeoisie, de plus en plus forte, finit par imposer son pouvoir .

L’émergence du commerce dans l’Europe de la Renaissance, puis son hégémonie croissante constitue une véritable révolution : le seigneur prédateur qui échangeait des services cède le pas devant le marchand qui accroît la circulation de la monnaie, Voltaire amasse une fortune en spéculant.....

 Les encyclopédistes jubilent de sentir les possibilités illimitées d’exploitation de  l’énergie,  de la matière et du travail humain.Ils s’enthousiasment pour la subordination des forces productives de la nation au marché.

Des monarques comme le roi de Prusse ont su soumettre les féodaux, les attirer à la cour, monétariser les privilèges et briser les entraves de la circulation des marchandises , y compris du travail humain : plaider pour les Lumières c’est plaider pour le libre-échange, tout gravite autour de l’or par l’entremise du commerce.

 

 PETTY ET SMITH

 

En 1671, un économiste, Petty, écrit dans son “ Arithmétique politique ” : “ On gagne beaucoup  plus par l’industrie que par l’agriculture et plus par le commerce que par l’industrie. ” Copernic avait fait de la terre une planète comme les autres,  Petty fait de la terre  une marchandise comme les autres. Réaction des physiocrates comme Tycho Brahé qui s’accrochent, eux, au géocentrisme.

 Mais Petty eut son Gallilée, ce fut Adam Smith qui, dans “ La richesse des nations ” explique : 

les progrès de l’opulence sont en relation directe avec la subordination de la production des marchandises à la commande de travail par ceux qui disposent d’un capital.Le capital c’est tout simplement la somme d’argent qui permet d’acheter du travail :cette somme d’argent est généralement issue de l’accumulation réalisée dans les affaires commerciales qui s’intensifient depuis quelques siècles à la surface du globe.

Ce capital permet l’introduction d’un procédé mécanique dans le travail de l’ouvrier d’où réduction du travail humain,d’où profit . Les marchands ont subordonné la terre à l’or : ils ont acheté des terres pour en tirer le salaire du capital : le profit. 

Smith promettait la prospérité pour tous sous le règne de la loi du profit...

Mais Smith eut son Newton , ce fut MARX.

 

MARX

 

Pour Marx le temps de production excède de beaucoup le temps de reproduction, et la force qui agit dans la production des richesses n’est pas perceptible au moment de l’échange : ce n’est pas après la vente de la marchandise produite que le capitaliste se paie ...mais avant.

Sur le marché il achète une force de travail qui lui coûte l’équivalent de son entretien mais qu’il utilise autant qu’il la souhaite. Ce n’est pas du travail que l’employeur achète mais l’emploi d’une force de travail pendant un certain temps . C’est l’achat d’une force de travail au prix de sa reproduction , prix largement inférieur au prix que représente la production de cette force de travail.

Marx comme Newton sera critiqué... quoi de plus équitable que la loi de l’offre et de la demande !

 Le tourbillon des affaires autour des banques et des spéculateurs occulte le rapport réel entre celui qui travaille et celui qui en profite : au nom de la rationnalité des opérations bancaires on refusait de voir le caractère archaique de  la force motrice du système .

Pour Marx  le salarié produit d’avantage que ce que nécessite sa reproduction .Dans le Manifeste (1847) : “ Chaque crise détruit régulièrement non seulement une masse des produits déjà créés mais aussi une grande partie des forces productives déjà existantes... dans les crises on voit se répandre une épidémie sociale qui à, toute autre époque aurait semblée absurde : l’épidémie de la surproduction ”

Ce n’est pas parcequ’elle souffrait de pénurie que la société se trouvait “ subitement  ramenée à un état de barbarie momentanée ”, c’était au contraire parcequ’elle avait  “ trop de civilisation , trop de moyens de subsistance , trop d’industrie, trop de commerce ”...

Que signifie dans ces conditions de chercher à faire du profit avec le travail des autres, si ce qui est fabriqué est vendu à bas prix de part la faiblesse du marché, voire même invendu : ce qui est fatale ce n’est pas la pénurie mais le trop plein de richesses, la richesse devient la possession d’une mesure de l’échange et non le produit de l’échange en tant que tel. Actualisé , c’est la bourse qui faiblit quand le chômage recule.

 

NAISSANCE DU DEMOS

 

La démocratie athénienne a la même génèse  que la nôtre , à l’époque de Platon 30 000 citoyens pour 300 0000 habitants. La démocratie succède à une période féodale,  elle même succédant à une période de grandes invasions. Les seigneurs protègent les serfs qui les nourrissent.Peu à  peu opère une révolution marchande (industrie, commerce, monnaie ) qui n’est pas soumis aux mêmes conditions que la propriété de la terre.

Contrairement à la terre, la religion n’a aucune prise sur l’argent... c’est la monétarisation de la corvée et de la redevance qui permet au serf d’acheter la terre et sa liberté : du sol et de sa culture le centre de gravité sociale se déplace vers le marché et la ville.

Peu à peu le seigneur cède le  terrain à ceux qui le travaillent.Le plus riche sera non pas le plus courageux , mais le plus malin .

 

NAISSANCE DU LOGOS

 

Avec le négoce les nobles se laissent séduire par l’or, ils perdent leurs privilèges basés sur les services... des paysans s’émancipent : la terre devient un marchandise. L’apparition de la science grecque s’apparente à nos Lumières... au mythos se substitue le logos... la raison.

 

LA LUCIDITE DE SOPHOCLE

 

L’apogée de la tragédie grecque coincide avec celui de la démocratie. Le patriarcat a signé l’arrêt de mort de la vie communautaire où régnait l’égalité entre les hommes.

C’est la plèbe qui a défendu la cité, les priviléges doivent être abolis.Avec Périclés Athènes domine toutes les autres cités.

 

LA LASSITUDE DE SOCRATE

 

Malgré la prospérité d’Athènes un mal obscur rongeait la cité : la terre désormais s’achète et bien peu en ont les moyens.Il fut un temps ou tout était commun, où l’argent n’existait pas.Mais les athéniens pouvaient-ils renoncer à la source de revenus que leur hégémonie assurait ?

Athènes sombrait dans le malheur, quelque chose de morbide était à l’œuvre dans la cité mais quoi ?C’est en se posant ces questions que Socrate inventa la philosophie.Jeune, Socrate participe de plein- pied à la croissance de la cité(urbanisation, expansion).

Socrate entre dans la carrière de philosophe par honte de l’impérialisme d’Athènes. Sophocle avait raison, il y avait quelque chose de criminel dans la prospérité d’Athénes : le philosophe enquête sur les motivations des marchands, des artisans, des généraux...la catastrophe était imminente, la débâcle eut lieu en 404.

Le parti démocrate fut si humilié par les spartiates qu’il passa ses nerfs sur Socrate ! ! ! !

 

LA REVANCHE DE PLATON

 

Tant qu’Athènes exerce son hégémonie sur les autres cités la masse croissante d’indigents est entretenue au frais de l’état, mais ce faisant elle exporte sa maladie vers les autres états.

L’esclavage continue de s’étendre et les citoyens démunis sont exclus de la production : pour Platon la cité restera saine en réduisant l’économie marchande, en limitant la quantité  de biens produits et le désir de luxe.

Ce qui est arrivé à la démocratie grecque, nous commencons à le vivre. La prospérité des  démocraties modernes dépend du tribut qu’elles lèvent sur les nations qu’elles protégent. Ce tribut , c’est l’ “ aide au développement ” , les intérêts de la dette dépasse de très loin les sommes de plus en plus réduites alloués au pays pauvres : ce sont donc les pays pauvres qui aident les pays riches ! ! ! !

Comme à Athènes nous avons nos esclaves , ce sont les robots dont l’utilisation à des fins uniquement mercantiles peut entraîner de grands malheurs. Le grand stratège Périclés , inspirateur de l’impérialime athénien,ne vit pas le danger arrivé :

 la marchandise prodigieuse qu’était la force de travail des esclaves ( mécanique et intellectuelle ) paupérisait inexorablement les citoyens sous l’effet de la concurrence.La réponse à la paupérisation ce fut l’impérialisme athènien avec les richesses volées aux alliés contraints et, finalement la chute de la grande cité.

Si nous laissons aller les choses l’affrontement  pour nous se fera à l’échelle planétaire et il sera engendré pour les mêmes raisons qu’il y a 2 400 ans :

 le refus des nations pauvres de continuer à payer un tribut à la prospérité des nations riches, comme la cité de Délos se révoltant contre Athènes. Mais conséquemment les nations riches n’échapperont pas à une guerre intestine entre pauvres et nantis .Car le processus de paupérisation de la masse des citoyens conduira à la guerre civile. Leur passivité aura des limites comme celle des citoyens d’Athénes... le démos finit par comprendre qu’on l’abusait, lorsqu’il fut contraint d’admettre qu’il subsistait au dépens des citoyens des autres cités et qu’il devait les affronter pour préserver ses privilèges ! ! ! !

La Grèce fut vaincue, Alexandre le nouveau maître eut pour précepteur un élève de Platon .Ce précepteur avait une idée précise sur l’origine de la crise de la démocratie.... c’était la chrémastistique...  dans cette pratique, au lieu de faire jouer à la monnaie un simple rôle d’intermédiaire, on en inversait l’usage courant  “ la monnaie est principe et fin de l’échange....elle n’a pas de but qui puisse la limiter, car son but c’est la richesse et la possession de valeurs ”.Cet observateur avisé qui se mit au service de l’oppresseur passa pour un traître... il s’appelait Aristote.

La philosophie est née du désir de pénétrer cette fatale tendance, c’est ainsi qu’émerge la figure de Socrate...c’est la vocation de la philosophie  socratique de mettre la cité en alerte.

Au XVIII un disciple d’Adam Smith, David Ricardo, tirait la sonnette d’alarme : ce que va produire la mécanisation du travail ne sera pas l’harmonie, ce sera la richesse  d’un côté et la misère de l’autre.Et poutant lui-même avait dans un premier temps plaidé pour le libéralisme et contre les lois en faveur des pauvres. Pour ses pairs il passa pour un illuminé voire un renégat.Ce spéculateur fortuné avait pris la défense des ouvriers contre sa propre classe. Mais pour les hommes d’affaires anglais ce qui importait c’était d’exporter !

Tant que durera la compétition sur le marché mondial, on ne cessera d’expulser du travail humain, le scénario qu’envisageait Ricardo , celui d’une majorité de citoyens devenue totalement inutile , est à l’ordre du jour. Tout ce que les salariés des pays riches peuvent espérer c’est de vendre leur services à des tarifs équivalents à ceux des pays pauvres !

Pour favoriser l’inertie et la soumission il y eut Sophocle et la tragédie grecque, aujourd’hui il y a le spectacle électronique...mais jusqu'à quand la télévision pourra-t-elle contenir la révolte ?

A la différence de Ricardo, Marx avait envisagé un autre scénario ... l’appropriation par la classe ouvrière des moyens de production..mais Marx n’avait pas pensé que cette même classe serait expulsé du marché avant d’avoir acompli sa mission...

 

Malgré tout, un affrontement pour la possession des esclaves modernes que sont les machines n’est pas à exclure. Si les propriétaires de nos esclaves refusent de faire travailler les instruments inanimés au profit de tous ils précipiteront les nations riches dans un affrontement fatal pour la démocratie comme ce fut le cas lors de la guerre du Péloponése.

 Il se peut qu’à l’époque de Périclés le travail des esclaves n’ait pas suffit à assurer le bien -être  de chaque citoyen, mais de nos jours la productivité de nos machines est telle qu’il est tout à fait concevable que la majorité des hommes puissent ne pas travailler dans la sphère marchande sans pour autant connaître la misère.

Alors ... que les propriétaires des machines réfléchissent à leurs droits et devoirs,que les victimes se demandent si leur condition d’existence est véritablement supérieure à celle des prisonniers de la caverne décrite par Platon,

....et que les profs de philo cessent de s’enfermer dans un plan de carrière , qu’ils s’installent au sein de la cité en posant la question des questions : nos esclaves ne seraient-ils pas incroyablement plus performants que les esclaves des grecs ?

qu’ils la posent aux adultes, aux vieillards , aux enfants , aux experts , aux responsables et aux irresponsables....

 

Ce livre en appelle tout naturellement un autre .....

 

METAMORPHOSES  DU  TRAVAIL

QUETE  DU  SENS

critique  de  la  raison

économique

 

ANDRE GORZ

 

chez Galilée

 

 

 

 

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