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Les paradis fiscaux
Le cas de l'Andorre

Ariège (09)

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Le groupe Local ATTAC 09 étudie les paradis fiscaux Cela nous intéresse, car un de ces paradis est notre voisin : l’ANDORRE… 15 millions de visiteurs par an vont en Andorre. Supposons que chacun « économise » 100 F de taxes en achetant dans la principauté tabac, alcools etc. Cela représente 1,5 Milliards de F de recettes fiscales en moins pour l’état. C’est beaucoup, mais c’est bien peu !

Des mécanismes plus pervers permettent de dissimuler (légalement) des revenus parfois douteux qui nous coûtent encore plus cher…

et Andorre, ce n’est pas le pire !

Voici les premiers éléments d’un dossier d’information que nous entendons « enrichir … »

Dans un livre « Les paradis Fiscaux », Grégoire DUHAMEL donne une évaluation des paradis ; l’extrait ci-dessous concerne  ceux qui ceinturent la France

Les critères utilisés sont : existence de comptes à numéro, Secret bancaire,
Duty free, importance des établissements financiers, avantages fiscaux,
 existence de trusts (intermédiaires pour masquer une identité)

Notes extrêmes:Iles CAIMAN 17/20 ; Dominique 9/20

 

ANDORRE

BELGIQUE

JERSEY

LUXEMBOURG

MONACO

SUISSE

NOTE /20

12

15

15

16

15.5

15.5

Qui sont les utilisateurs des paradis fiscaux ?

(Pourcentage de la masse totale)

35%  Entreprises multinationales

30% Particuliers

35% Fonds d’origine criminelle

Le mécanisme de transfert de bénéfices:

Pour échapper à l’imposition sur les bénéfices, certaines firmes créent des filiales dans les paradis fiscaux pour utiliser le « transfert de bénéfice »

Une société A, en France, a créé une filiale B dans un P.F.

En France le taux d’imposition est par exemple de 30% des bénéfices

A vend un bien de valeur 100 à un client C

Si elle effectue la vente directe, elle paie 30 d’impôt,

son bénéfice est 70.

A préfère vendre à B le bien pour 60  , elle paie 18 d’impôt.

B revend le bien à la valeur 100  à C, sans impôt

Pour l’ensemble (A etB), la vente  a rapporté 100-18

son bénéfice est 82

Aux Etats Unis, le régime FSC (Foreign Sales Corporation) incite les entreprises à créer des filiales  dans les paradis fiscaux pour bénéficier du mécanisme décrit ci-dessus ; C’est ainsi que BOEING se trouve indirectement subventionné de quelque  100 millions de dollars par an …Le tribunal de l’O.M.C. a jugé (en juillet 99) que cette utilisation des FSC devait cesser . Les Etats Unis n’ont pas l’intention, bien au contraire, de se plier à cette décision.

Résumé de trois documents sur les Paradis Fiscaux

Un livre : « LES PARADIS FISCAUX »

L’auteur, Grégoire DUHAMEL, s’efforce de justifier les bonnes raisons que peuvent mettre en avant tous ces malheureux riches qui paient trop d’impôts…

Quand on aura épuisé les possibilités d’évasion que prévoit la fiscalité française, il restera à envisager le « Départ à l’étranger » :

 Départ effectif ; ou mieux, utilisation de sociétés écran, d’un compte numéroté, de sociétés « prestataires de services » etc.

Le livre donne ensuite le palmarès des paradis fiscaux

2) Un document ATTAC : « LA NUISANCE DES PARADIS FISCAUX »

de François LILLE (Association SURVIE) d’octobre 99.

Il dénonce les trois fléaux des paradis fiscaux :

Evasion fiscale ;

Blanchiment de recettes d’activités illégales ;

Corruption .

Un quatrième fléau s’y ajoute d’après l’auteur : le rôle, considéré comme légitime et respectable, ( c’est  le terme d’un récent rapport de l’ONU!) des centres financiers offshore au sein du système mondial.

Les FONCTIONS CRIMINELLES de ces Paradis sont largement sous-estimées :
les groupes mafieux y exercent aussi des activités « normales » ; tandis que des groupes non-mafieux (entreprises, états, partis, individus) peuvent s’y livrer à des activités délictueuses.

Les FONCTIONS FINANCIERES sont difficiles à expliciter : Blanchir de l’argent sale ... mais aussi  noircir de l’argent « normal » (financements occultes, caisses noires, trafics d’armes.)

Pour les combattre, l’auteur donne quelques pistes :

La mondialisation libérale forcenée favorise la gestation des paradis fiscaux .

Le droit et la justice anti-corruption sont à développer à l’échelle de l’Europe et à l’échelle des Nations Unies.

« Lorsque le droit local se renforce, les espaces de non-droit se valorisent ».

Mais il ne faut pas se contenter de lutter contre l’évasion fiscale ;il faut aussi maîtriser la « DEMANDE » qui provient essentiellement des pays riches (G8). L’auteur insiste : c’est un problème politique à poser au niveau le plus élevé.

3)« La corruption et ses circuits financiers »

 article des « Notes bleues de Bercy » N0 167 du 16 au 31/11/99

Cet article présente un séminaire tenu du 30 mars au 1er avril 99, à l’initiative du gouvernement français ; séminaire d’experts des Nations Unies consacré à la lutte contre les circuits financiers internationaux de la corruption .

Les problèmes liés aux paradis fiscaux y sont bien identifiés (secret bancaire, droit laxiste, coopération judiciaire insuffisante ...)

Mais les « recommandations » (on est encore loin des « décisions »)  résultant de cette réunion sont bien vagues et timorées ; elles vont dans cinq directions :

La réglementation bancaire « à améliorer »

La coopération internationale « à développer »

Le droit commercial  «élaboration de règles types »

Le fonctionnement interne des autorités judiciaires, « à améliorer »

La portée du « secret professionnel » des avocats, notaires, experts-comptables ... « à clarifier »

Ces « recommandations » devaient être « adoptées » par l’ONU  à l’automne 99 .

N. B. Il existe un organisme de l’OCDE contre le blanchiment de l’argent sale ; Le GAFI (Groupe d’Action Financière contre le blanchiment de l’argent sale). Il vient de publier une liste très édulcorée de paradis…

ETATS,  MAFIAS ET TRANSNATIONALES

Comme larrons en foire.

D’après un article de Christian DE BRIE (Observatoire de la mondialisation) Le Monde Diplo avril 2000

L’association de ces trois partenaires est un système cohérent, intimement lié à l’expansion du capitalisme moderne.

Trois facteurs facilitent cette collusion 

La libéralisation des mouvements de capitaux (complète depuis 1980)

La dématérialisation des transactions financières (technologies nouvelles aidant) ;

Les paradis fiscaux (dont la « fiabilité » s’est accrue).

Les opérations rendues possibles se retrouvent dans tous les domaines (de l’armement à l’agroalimentaire) ; elles correspondent à d’énormes détournements de fonds dont aucune comptabilité n’est tenue. Le pouvoir d’état les rend possibles (en paralysant par exemple les enquêtes) ; les bénéficiaires, en échange, « financent la démocratie » des partis politiques ; ils ne répugnent pas à avoir recours aux organisations criminelles (allant du « syndicat jaune » au « contrat » sur un intermédiaire gênant.)

Les banques et grandes entreprises sont avides de capter (après les avoir blanchis) les profits du crime organisé, incluant, parmi les nouveaux trafics : espèces protégées et organes humains, piratage informatique, déchets nucléaires etc.

Quelques ordres de grandeur des profits annuels estimés :

Trafic de drogue       500 milliards de $

Piratage informatique              200

Contrefaçons            100

Fraude au budget de la C.E     10 à 15

Trafic d’animaux      20

Au total, plus de 1000 milliards de $      (20 % du commerce mondial)

Après déduction des « charges » (corruptions, pertes, saisies, réseaux d’écoulement, avocats, courtiers etc.) il reste environ

350 milliards de $ blanchis et réinvestis : à peu près Un milliard de dollars par jour !

Le rôle du pouvoir politico-bureaucratique est de donner l’illusion d’une lutte permanente, et internationale contre la criminalité financière :

Le sommet de l’Arche (à Paris 1989), après beaucoup de tapage, n’a rien donné . Le combat des juges italiens (opérations mains propres) ou des sept juges européens à Genève (1996) restent sans écho : pas question de démanteler les paradis fiscaux, ; il faut 18 mois pour qu’une demande d’entraide judiciaire fasse l’aller-retour entre Paris et Genève. Sous la houlette de la démocratie américaine, la plus corrompue de la planète, se développe un secteur de service pour l’aide à la criminalité financière (exemple, Transparency International, correspondante de la CIA, publie un indice annuel des pays corrupteurs et corrompus.)

« La course effrénée aux profits et à l’accumulation de capital, par tous les moyens, se traduit par le vol généralisé du produit du travail des hommes et des richesses communes, entraînant la corruption des mœurs des classes dirigeantes. Aux barons voleurs succèdent les princes pillards. »

UN PARADIS FISCAL : L’ANDORRE

Parmi les 42 paradis fiscaux inventoriés par le FORUM DE STABILITE   FINANCIERE crée au début de 1999 par les pays du G7, et dont le siège est à Bâle, (le monde du 29 mai 2000), l’Andorre est classée dans la catégorie II, c’est à dire là où la réglementation sur les produits fiscaux est «souple ».

Il faut cependant garder à l’esprit que le FSF n’a pour but que de permettre un fonctionnement contrôlé de la spéculation internationale et non de moraliser ce hold-up permanent.

Un autre point qu’il convient de garder à l’esprit, c’est que l’Andorre en tant qu’Etat existait bien avant la spéculation due à la mondialisation.

Sans remonter l’histoire jusqu’aux Contes de Foix, il faut garder à l’esprit que la population résidente sur ce  petit territoire de 468Km² (1/10 de la superficie du département de l’Ariège), est passée en 33ans de 1960 à 1993 de 8400 à 65 200 habitants.

La petitesse du territoire, son isolement dû à une difficulté d’accès, son absence de richesse intérieure l’on contraint à trouver des solutions pour assurer sa survie.

Il ne faut donc pas comparer les raisons qui ont amené ce pays à trouver des moyens d’existence avec la création d’asiles financiers qui n’ont pour seul but que le blanchiment de l’argent ou le refuge de capitaux glanés plus ou moins licitement.

L’Andorre, paradis fiscal

Le secteur financier andorran est constitué essentiellement par 7 entités bancaires  (dont deux sont regroupées) tandis que le reste des entreprises de ce secteur ne représentent que 24%.

CREDIT ANDORRA

BANCA INTERNATIONAL D’ANDORRA – BANCA MORA

BANC AGRICOL

BANCA REIG

CAIXA DE PENSION

BANCA PRIVADA D’ANDORRA

Elles concentrent leur activité en fonction bien spécifique – en particulier et surtout la gestion de patrimoine- avec la restriction que leur impose la loi à savoir de ne pas accepter en direct des dépôts privés.

D’une manière générale, on peut considérer, qu’au cours des dernières années, le négoce bancaire a suivi une augmentation régulière ; ainsi de 1990 à 1997 le montant total des actions des sociétés bancaires passe de 33,6 à 69 milliards de francs.

Sans entrer dans une succession de chiffres, on notera que sur les trois dernières années, de 1994 à 1997, si les investissements sont passés de 6,4 à 7,62 milliards de francs, les portefeuilles de valeurs sont  eux passés, de 3,4 à 6,22milliards de francs.

Autres facteurs d’enrichissements non négligeables, dus eux aussi à un faible taux de taxation, les importations de :

Boissons et alcools 5,39%

Tabacs 11,33%

Appareils électriques, d’image et son 14,8%

Parfums et produits de beauté 6,17%

Optique et photo 4,53%

Articles de sport 5,09%

Certes, les Andorrans ont une consommation propre mais qui entre pour très peu dans ces chiffres dont le montant total est passé  sur une période de 10 ans de 1987 à 1997, de 1,3 à 2,92 milliards de francs.

Si l’on revient sur la définition de paradis fiscal on peut dire qu’Andorre en est un sur le plan de la faible taxation des produits bancaires, de l’incitation à l’investissement dans le domaine du tourisme et de la construction qui y est liée.

Les produits de luxe ou à forte valeur ajoutée sont également peu taxés et constituent un appoint non négligeable de devises.

Pour terminer cette approche très succincte il ne faut pas oublier qu’un tiers des résidents sont andorrans, que la plupart des salariés sont étrangers, que si les taxes sont légères, la protection sociale l’est aussi et que les produits de base, la viande, les produits frais, sont plus onéreux qu’en France.

Actuellement une pression conjointe de la France et de l’Espagne incitent l’Andorre à modifier sa réglementation fiscale.

L’ARCHIPEL PLANETAIRE DE LA CRIMINALITE FINANCIERE

Extraits des articles de Christian De Brie et J.M. De Maillard, Le Monde Diplomatique, avril 2000.

95 % des paradis fiscaux sont d’anciens comptoirs des colonies britanniques, française, espagnoles, néerlandaises, restés indépendants des puissances tutélaires, et dont la souveraineté fictive sert de cache-sexe à la criminalité financière.

Les places financières- la City de Londres en particulier – travaillent avec l’argent des paradis fiscaux : Grande-Bretagne, Luxembourg, Pays-Bas s’opposent à toute tentative européenne de taxation et de contrôle des mouvements de capitaux.

Une bonne formule qui a fait ses preuves : faire gérer par une fiduciaire suisse un compte ouvert dans une banque luxembourgeoise par une société panaméenne.

En mesure d’imposer des plans d’ajustement structurels draconiens à des dizaines de pays, de placer des états sous embargo (Iran, Irak, Cuba) les puissances et les organismes qu’elles ont créé (OMC, FMI, G7, BM) trouveraient dans le démantèlement de ces sanctuaires du crime, une tâche à la hauteur de leurs immenses prétentions à imposer partout la « transparence » !

Il faudrait reconnaître que la communauté internationale a le droit d’imposer aux états gangsters, ainsi qu’à leurs complices publics et privés les règles minimales d’un état de droit. Mais il faudrait alors renoncer aux formidables profits que procure l’exploitation éhontée du marché de la loi.

Ceux qui, par de simples jeux d’écriture, ont la capacité d’exporter ou d’expatrier leur patrimoine ou leurs activités dans ces trous noirs de l’économie et de la finance mondiales n’agissent que grâce à la complicité de leurs propres états d’origine.

Les déclarations des chefs d’états et de gouvernements, psalmodiées comme une litanie rituelle lors de chaque sommet international, ne débouchent sur rien, car personne ne veut toucher à l’essentiel.

La répression menée distraitement contre des pratiques qu’on encourage par ailleurs conduit, dans les meilleurs des cas, à codamner au hasard quelques boucs émissaires qui, sans aucun doute le méritent pleinement, mais qui qui servent d’alibi à tous les autres qui ne seront jamais inquiétés.

Pour en savoir plus, lire

« LES PARADIS FISCAUX  ou la finance sans loi »

par le Conseil Scientifique d’ATTAC ; Ed. Mille et une nuits  (10 F)

MECANISME DE DEFISCALISATION DES BENEFICES D'UNE SOCIETE

La fraude fiscale est dénommée "sport national" dans de nombreux pays, y compris en France. Elle consiste à soustraire frauduleusement des revenus, recettes et patrimoines à l'impôt.

En revanche, l'évasion fiscale peut demeurer dans les limites de la légalité : afin de préserver leurs capitaux, la plupard des particuliers disposant de patrimoines conséquents, ainsi que les sociétés locales et d'envergure nationale ou internationale, sont tentés par l'optimisation de leur situation fiscale. Ils profitent des carences des dispositifs fiscaux pour exposer un minimum de leurs revenus à l'impôt, sans toutefois utiliser de manoeuvres frauduleuses.

D'autres vont plus loin dans les procédés employés : afin de profiter des structures sociales et des services rendus par la collectivité sans supporter l'impôt correspondant, ils mettent en place des dispositifs visant à faire ressortir leurs bénéfices et patrimoines dans un Etat où l'impôt est très bas, voire inexistant, et leur permettant d'utiliser sans risque les fonds ainsi défiscalisés.

Cet exemple montre par quel dispositif une société française peut défiscaliser une partie de ses bénéfices, en utilisant officieusement une société relai sise au Royaume Uni et une société offshore américaine.

Imaginons qu'une société française dénommée société F, opère dans le secteur du commerce des emballages de luxe.

La société F achète les produits en Espagne pour un montant de 20 et les revend en France pour un montant de 140, avec une marge bénéficiaire de 120. Selon un schéma traditionnel, la société F est alors redevable de l'impôt sur les sociétés ainsi que des autres impôts y afférent, soit un taux d'imposition d'environs 36%.

Cette société souhaite voir diminuer la pression fiscale sur les bénéfices réalisés.

A cette fin, une société fiduciaire d’envergure internationale et experte en gestion de la fortune lui propose de modifier le circuit d'achat pour revendre :

            - en interposant une société écran située sur le territoire européen, dans un pays où la pression fiscale est basse ;

            - en transférant par cette société écran une part importante des bénéfices vers une société offshore, en toute franchise d'impôt.

1) Une société A est créée en Angleterre.

Elle achète les produits en Espagne à la place de la société F et pour un prix identique de 20. Elle facture ensuite ces produits à la société F pour un montant de 120, sans que les marchandises ne transitent réellement par l'Angleterre. La société F peut alors les revendre 140. Il reste à la société A un montant de 100.

Conséquences :

La société F déclare seulement un bénéfice de 20 qui, compensé par les charges liées au commerce européen, n'engendrera qu'un impôt minime.

2) Une société O est créée dans un Etat qui offre des exemptions d'impôt et de charge aux sociétés domiciliées sur son territoire et dont l'activité se déroule hors territoire. C'est le client français qui détient officieusement le capital de cette société.

La société A a confidentiellement conclu avec la société O un contrat de prestation de services et lui a délégué ses droits de commerce. La société O refacture 95% du chiffre d'affaire réalisé par la société A, soit un montant de 95.

Ces sommes remontent ainsi au sein de la société O, sans faire l'objet d'une quelconque imposition. Elle distribue ensuite ces sommes à l'unique actionnaire de la société, qui peut les verser sur un compte bancaire également ouvert dans une place offshore. La société O peut aussi détenir un compte bancaire ouvert à son nom.

Conséquences fiscales :

La société A déclare aux services fiscaux anglais les 5% de bénéfices qu'elle a conservés, pour lesquels un taux d'imposition progressif s'appliquera, soit un taux de 20% à compter d'un bénéfice de 300.000 livres sterling et jusqu'au taux maximum de 31% pour des bénéfices dépassant 1.500.000 livres sterling.

Ainsi, pour un bénéfice de 120 :

- la société F versera 20 X 36% = 7,2

- la société A versera au maximum 5 X 31% = 1,55

- l'associé de la société O percevra personnellement un montant de 95 en franchise d'impôt.

Pour assurer la crédibilité du montage, les sociétés A et F possèdent un numéro d'identifiant de TVA intra-communautaire, ce qui leur permet d'appliquer à leurs transactions un taux de TVA nul. Ainsi, le commerce entre les deux sociétés se place officiellement dans le cadre européen et n'est pas de nature à éveiller les soupçons des autorités ni des services fiscaux.

Pour optimiser ce montage juridique et financier, le droit européen est largement utilisé, comme celui des Etats :

- C'est la 11ème directive européenne (89/666/CEE) qui permet à toute personne de l'Union Européenne de constituer une société dans un pays européen de son choix sans obligation d'y demeurer. Cette disposition est très utile pour créer des sociétés écrans.

- Le Royaume Uni jouit d'une fiscalité parmi les plus basses de l'Union Eupopéenne et reconnait les sociétés offshore, ce qui facilite les transferts des capitaux vers d'autres sociétés situées sur un territoire non soumis à impôt. Le principe du portage étant reconnu au Royaume Uni, la mise en place d'un directeur et d'actionnaires officiels permet de garantir l'anonymat au véritable investisseur.

- La société offshore peut sièger dans un paradis fiscal insulaire connu, mais également dans l'Etat de Delaware, sur le territoire américain. Dans cet Etat, une "limited liability company", société à responsabilité limitée, permet à un associé, même unique, non résident américain, de bénéficier de remontées de sociétés situées partout ailleurs dans le monde, en toute franchise d'impôt, à condition de ne pas avoir une activité commerciale aux USA.

Dans ce cadre juridique, la société n'est soumise à aucune obligation de déclaration fiscale ou administrative ni à la tenue d'une comptabilité.

Afin de garantir l'anonymat de la véritable direction, un Directeur peut être nommé pour exécuter les instructions, sans que le client français n'apparaisse officiellement.

Alors que le gérant d'une société française est responsable des dettes fiscales de sa société pendant dix ans après la cessation de son activité, les responsabilités de l'investisseur sont limitées par les difficultés d'aboutissement de tout recours international à l'encontre d'une société offshore.

Ce montage demande un investissement de départ puis représente un coût de fonctionnement : des sociétés internationales offrent de créer la société relai et la société offshore pour un montant de 50.000 à 70.000 Francs environs, selon l'implantation de la société offshore, puis de les faire fonctionner pour 20.000 Francs annuels. Ces sociétés fiduciaires spécialisées fournissent les directeurs, ouvrent les comptes bancaires et accomplissent toutes les formalités nécessaires à la gestion des sociétés.

Ces experts en sociétés écrans présentent un tel montage comme totalement sécurisé et moins aléatoire que les mécanismes de fraude fiscale limités au territoire national, tels que la minoration du chiffre d'affaire déclaré au fisc, le travail au noir ou les salaires versés sans travail effectif.

LA REINTRODUCTION DE CAPITAUX EN FRANCE

Les personnes qui détiennent des capitaux provenant d'activités illicites cherchent à utiliser ces fonds au grand jour tout en jouissant d'une sécurité maximale.

Les mécanismes de défiscalisation des bénéfices sont alors utilisés en sens inverse, de manière à introduire ces fonds par l'intermédiaire d'activités économiques légales, sans que l'on puisse identifier leurs origines criminelles. Le but recherché n'est plus l'exposition minimale des revenus à l'impôt, mais le blanchiment de capitaux que l'on soumettra volontairement à l'impôt, comme garantie d'intégration dans le circuit économique officiel.

Ce mécanisme suit un montage identique à celui qui est proposé par un cabinet juridique pour introduire sur le territoire français des fonds provenant d'un héritage réalisé à l'étranger.

Lorsque des fonds provenant d'un héritage réalisé à l'étranger entrent sur le territoire français, l'imposition sur la succession est automatique et relativement lourde.

Pour introduire ces biens financiers en France et afin de pouvoir les utiliser couramment en toute quiétude tout en évitant l'impôt sur les successions, certains cabinets et sociétés fiduciaires conseillent à leurs clients de s'inscrire au Registre du commerce pour exercer en France une activité commerciale et à ce titre, de facturer à une structure étrangère des prestations de services ou des commission. Une activité de conseil ou de prospection pour le développement de services est suffisamment immatérielle pour être adaptée à cet objectif.

Ainsi, la réintroduction des capitaux intervient sous la forme de revenus commerciaux qui correspondent à une activité officielle et justifient le train de vie adopté. Bien entendu, pour assurer une certaine crédibilité vis-à-vis du fisc, ces revenus sont passibles de l'impôt sur le revenu, mais selon un taux d'imposition moindre que celui qui frapperait une succession.

Seules des structures créées à cette fin sont succeptibles de recevoir les factures fictives et d'effectuer les paiements. Un montage juridique et financier approprié combinera une société sise dans un Etat européen et une société offshore domiciliée dans un paradis fiscal:

- La société européenne sollicite l'entreprise française pour une prestation de service et règle la facture correspondante pour un montant de 95.

- Cette même société européenne envoie une facturation à la société offshore pour un montant de 100 et encaisse les sommes provenant du compte du client situé sur une place financière offshore.

- La société européenne restitue un montant de 95 au client français et conserve la différence de 5 afin de préserver la crédibilité de l'opération.

La société européenne peut être une BV-ruling néerlandaise, déjà constituée et utilisée comme société écran par une pluralité de clients. Cette société bénéficie d'une convention de ruling négociée avec les autorités néerlandaises et grace à laquelle les sommes réintroduites à partir du compte du client par l'intermédiaire de la société offshore sont officiellement renvoyées vers la France.

Cette solution reste temporaire car le système de ruling négocié comprend des échéances limitées. En outre, afin que le montage demeure crédible, la société française se doit de varier ses entrées financières et ne peut se contenter de cette unique source.

L'entreprise française peut choisir un partenariat avec une société anglaise, société écran créée à cet effet, avec des avantages identiques à ceux de l'exemple précédent, mais sans que le client français n'apparaisse dans le capital.

Des sociétés fiducaires proposent soit la mise à disposition de structures existantes moyennant un droit d'entrée et un poucentage sur les sommes défiscalisées, soit la création des sociétés écrans selon les besoins du client. Ce sont elles qui gèrent directement ces structures, ce qui comprend la fourniture des actionnaires et administrateurs. L'absence de liens juridiques et fiscaux entre le client et ces sociétés a cependant pour corrolaire un défaut de maîtrise du client sur ces structures.

La société offshore injecte alors les fonds à partir du compte ouvert dans un organisme bancaire situé dans une place offshore et offrant toutes les garanties d'anonymat à ses utilisateurs. Ce compte est alimenté par virements électroniques non contrôlés et dont l'origine est couverte par le secret bancaire.

Cet exemple montre comment un montage combinant des sociétés offshore, européenne et française peut être utilisé afin de minorer l'impôt encouru sur des capitaux introduits en France.

Or ce sont des montages comparables qui sont utilisés pour introduire en France des capitaux provenant d'activités illicites, ainsi que des fonds issus de la corruption, réinjectés dans des activités économiques légitimes afin d'être utilisés au grand jour et en toute impunité en raison de la difficile traçabilité des fonds ainsi réhabilités.

LA COMMISSION DES FINANCES DE L’ASSEMBLEE NATIONALE NOUS PARLE DES PARADIS FISCAUX …

Une table des matières de 10 pages résume le volumineux rapport (427 pages) intitulé

« LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L’EVASION FISCALES ;

RETROUVER L’EGALITE DEVANT L’IMPOT »

Rapport d’information N° 1802 Commission des Finances de l’Assemblée Nationale ;
8 septembre 1999 ; RAPPORT DE Jean Pierre BRARD, Député »

Nous donnons ici un aperçu du chapitre II qui s’intéresse aux paradis fiscaux. Les nombres entre parenthèses renvoient aux numéros de pages du rapport.

Le rapport dénonce dans la première partie de ce chapitre 2 les PARADIS FISCAUX (PF) et les REGIMES FISCAUX PREFERENTIELS (RFP),  « des lieux de « flibuste » fiscale où la fraude et l’évasion fiscales croisent les produits financiers de la grande criminalité organisée. »(47)

Une liste de paradis fiscaux et territoires off-shore est donnée(50), ainsi que les critères  de définition d’un Paradis fiscal (52 à 66):

L’absence d’impôt ou une faible fiscalité directe, pour les non-résidents tout au moins

L’absence de coopération avec les autres états en matière fiscale pour la lutte contre la fraude fiscale  et l’évasion fiscales (c’est le cas de l’Andorre)

Un secret bancaire très protégé, qui n’est levé que dans des cas très rares et pour les seuls cas de blanchiment d’argent ou d’infractions pénales lourdes

Des formalités de création et de gestion de sociétés assez réduites

La possibilité de constituer aisément des trusts (définition p. 60)

Un droit de sociétés et des trusts garantissant l’anonymat des propriétaires ou bénéficiaires réels

Une coopération pénale assez limitée

La présence complémentaire d’une zone franche, parfois.

« Le développement des P.F. a atteint son paroxysme avec l’abandon du keynesianisme et la vigueur du néolibéralisme dans les années 1980 et 1990 » . Le développement de la finance criminelle représenterait 300 à 500 milliards de dollars, équivalent d’un tiers du PIB de la France (70).

Le rapport décrit les mécanismes qui permettent « l’épanouissement de la fraude et de l’évasion fiscale », par des procédés classiques (pages 71 à 77) et bénéficiant d’une large publicité dans la presse (The Economist ; l’International Herald Tribune) et certains sites Internet (le rapport en donne des exemples dans ses annexes) …Le rôle joué par les cartes bancaires (77), la création de sociétés écrans, de trusts (88), de produits dérivés (89) est également détaillé .

Les mêmes circuits servent pour les capitaux d’origine criminelle et la fraude fiscale . On nous renvoie à l’ouvrage de Jean de Maillard, « Un monde sans loi : la criminalité financière en images »(Stock 1998) pour plus de précisions .

Notons tout de même l’allusion discrète à des « opérations susceptibles d’être réalisées dans des paradis fiscaux à des fins ni fiscales ni criminelles », mais qui permettent des « contournements » de la loi y compris par des Banques Centrales !(93,94).

Au cas où vous seriez tentés d’utiliser la délocalisation d’actifs que permettent les paradis fiscaux, sachez tout de même que les coûts de gestion privée bancaire sont tels qu’ils ne deviennent  « intéressants » que pour une fortune de plusieurs dizaines de millions de francs (99), et que  « l’insécurité juridique » ou les escroqueries peuvent provoquer des déboires tels, que seul l’attrait de l’anonymat peut les contrebalancer.

Pour ce qui concerne les RFP (régimes fiscaux préférentiels ) pour les entreprises (108), le rapporteur dénonce comme « illégitimes » les ZFU (Zones Franches Urbaines) et le régime des « quartiers généraux des groupes multinationaux »! Mais il passe très vite et s’étend plus longuement sur les régimes créés dans d’autres pays : Pays-Bas, Belgique, Suisse, Luxembourg (115 à 126) . Le Forfait suisse pour les personnes physiques (128) ; Les FSC, Foreign Sales Corporationns des américains (129) , le « sandwich » néerlandais (130) sont également détaillés. Et « dénoncées » les situations de régimes fiscaux de fait (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Campione) .

Dans la deuxième partie du chapitre, le rapporteur préconise  «  le DEMANTELEMENT des PARADIS FISCAUX et des REGIMES FISCAUX PREFERENTIELS »(140).

Il faut, dit-il, soutenir les actions menées au plan Communautaire et International qui vont en ce sens :

Dans le domaine du droit pénal, au niveau de l’OCDE, du G7, par la diplomatie internationale… 
Il faut « Convaincre les centres off shore de se doter  de règles permettant de déceler et d’agir contre les produits de la corruption … et s’assurer que le secret bancaire et les dispositions fiscales  n’entravent pas la coopération internationale contre la délinquance financière » (146)
 Il faut contrer les « juridictions non coopératives » ; le GAFI (Groupe d’Action financière Internationale contre le blanchiment des capitaux) identifie les pratiques à combattre (149) ; une « obligation de déclaration de soupçon » devrait leur être opposée.
La taxe Tobin « rendrait délicat le recours aux paradis fiscaux » (143)

Dans le domaine du droit  fiscal, les actions au niveau de l’UE sont essentielles en vue « d’aboutir à un espace fiscal et judiciaire transparent ».
 La concurrence fiscale est dommageable, on en parle depuis longtemps …
L’établissement d’un « code de bonne conduite en matière de fiscalité des entreprises » doit être mené à bien par un Groupe de travail de la Commission  d’ici …le 31 décembre 2002 ! (155-157)
Il faudrait ensuite « garantir un minimum d’imposition effective des revenus de l’épargne sous forme d’intérêts à l’intérieur de la Communauté » , alors que13 pays sur 15 pratiquent des exonérations totales ou élargies pour les non-résidents !(158). Le rapporteur « juge qu’un taux de 25% serait satisfaisant ». Une directive devait être préparée avant le Conseil Européen de décembre 99 ; il semble qu’il y ait du retard… bien que le rapporteur pense qu’il faudrait aller plus loin . Les travaux de l’OCDE, semblables, offrent un cadre plus large ;  (166-171), l’OCDE a sorti une liste des PF en mai 2000.

La complémentarité des approches pénale et fiscale est soulignée (175)
 par exemple en regard de la « percée » des pratiques de blanchiment (mafias russe et italienne). Les difficultés juridiques et pratiques(exemple, de nombreux pays excluent la fraude fiscale des infractions !) sont importantes (180).La fiabilité des mécanismes antiblanchiment  est insuffisante au niveau mondial (182) : par contre en France, l’administration fiscale aurait les moyens de détecter la « grande fraude » (184),mais certaines dispositions juridiques (exemple la « règle du double », ou l’étanchéité entre l’administration fiscale et Tracfin) « donnent une véritable prime aux grands fraudeurs » (185). Sur le plan européen, la création d’une « convergence fiscale » sans écran (levée du secret bancaire par exemple) est encore soulignée (188).Un tableau montre l’état des divergences actuelles et des propositions précises sont faites pour arriver à plus de convergence (188 à 193).. Le rapporteur propose enfin de supprimer l’aide aux pays recensés comme paradis fiscaux.

QUE FAIRE CONTRE LES PARADIS FISCAUX ?

Dans la troisième partie du chapitre II , le rapport BRARD fait des propositions.

Elles peuvent constituer une plate-forme  tout à fait valable pour ATTAC !

« LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L’EVASION FISCALES

RETROUVER L’EGALITE DEVANT L’IMPOT »

Rapport d’information N° 1802 Commission des Finances de l’Assemblée Nationale ;
8 septembre 1999 ; RAPPORT DE Jean Pierre BRARD, Député »

Moderniser la capacité d’action des contrôleurs du fisc,
Par une série de dispositions touchant les obligations de déclaration de certains contribuables ayant des comptes à l’étranger(201, 203), ou certaines cartes de paiement (202)
Pour les entreprises,  les charges et transactions donnant lieu à versement dans un paradis fiscal ou au profit d’une personne bénéficiant d’un régime fiscal privilégié, prévoir une déclaration spécifique  (206) ; supprimer la déductibilité des intérêts d’emprunts et de certaines charges dans les PF (208).
A noter que le nombre des vérifications de comptabilité (45000 par an) est « trop faible eu égard aux enjeux ».
Supprimer l’article L.80C du livre des procédures fiscales, qui annule un redressement opéré à la suite de l’intervention d’un agent d’un état étranger ! (209) .
Améliorer la formation et le recrutement des agents du fisc
(210)

Accroître et améliorer le réseau des conventions fiscales
Avec les P F qui ont des conventions avec le Royaume Uni et les Pays Bas, ainsi que Monaco, ce serait facile (212). Ensuite, il faut améliorer qualitativement et quantitativement les Conventions d’ASSISTANCE ADMINISTRATIVE (215): (l’Andorre, par exemple n’a pas de convention avec la France…), développer un réseau d’attachés fiscaux et douaniers (218). Certaines conventions fiscales, anciennes, ne résistent plus à la fraude et l’évasion liées à la  mondialisation ; il faut les revoir avec la Suisse (220), le Royaume Uni , le Luxembourg (221), Monaco (222) ;des dispositions restrictives rendent inopérantes les conventions d’assistance  actuelles.

Développer et améliorer le réseau des conventions judiciaires, ainsi que les modalités de traitement de la fraude fiscale.
Il faut plus de conventions d’entraide judiciaire et de conventions d’extradition ; il n’y en a qu’une trentaine (226 et tableau 229 à 231). Il faut surtout que la fraude fiscale soit reconnue comme une infraction de droit commun dans des PF comme la Suisse, le Luxembourg, le Liechtenstein !(235). C’est à cause de cette situation, particulièrement choquante que l’opinion publique a  « l’impression que de nombreuses procédures auxquelles la presse donne un large écho se traduisent par l’impunité totale de personnes mises en cause »(238). Les informations transmises à l’occasion de l’entraide judiciaire doivent en outre être utilisables sans restrictions pour la sanction des infractions fiscales(239).
Enfin, il faut articuler l’application des conventions fiscales et judiciaires pour «maîtriser les éléments de calendrier et de procédures complexes afin de garantir la capacité d’action de l’administration fiscale et de la justice qui reposent sur une grande réactivité, compte tenu de la rapidité d’exécution des fraudes économiques et financières modernes »

GROUPES LOCAUX