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TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIERES

Débats à la Chambre des Communes, 28 octobre 1998 & 2 février 1999.


 

Extraits du Journal des débats, 28 octobre 1998

 

Le président suppléant (M. McClelland) : Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina-Qu'Appelle, NPD) propose:  

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait faire preuve de leadership et décréter une taxe sur les transactions financières de concert avec tous les pays de l'OCDE.

—Monsieur le Président, j'ai consulté tous les partis et, si je ne m'abuse, il y aurait consentement unanime concernant la motion suivante:

Je propose:  

Qu'on modifie la motion en retranchant les mots "tous les pays de l'OCDE" et en les remplaçant par ce qui suit: "la communauté internationale".

Le président suppléant (M. McClelland): Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

(L'amendement est adopté.)

Le président suppléant (M. McClelland): Le débat porte maintenant sur la motion telle qu'amendée.

L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le Président, je remercie les députés d'avoir accepté à l'unanimité cette modification qui traduit un plus large consensus au Canada et à la Chambre.

L'objectif de la motion d'aujourd'hui, qui est une des rares motions d'initiative parlementaire sur lesquelles nous pouvons voter, est de lancer un débat sur une nouvelle idée qui, à bien des égards, est déjà vieille. Elle a été mise de l'avant pour la première fois par James Tobin, prix Nobel d'économie de 1992. Il avait en effet proposé dès 1981 que l'on impose une très petite taxe sur les transactions en devises comme moyen de réglementer ou d'ordonner le marché international des opérations en devises. Cela doit se faire de concert avec la communauté internationale, car un pays ne pourrait pas à lui seul imposer une telle taxe. Cette mesure mettrait un peu d'ordre dans la situation mondiale que l'on connaît aujourd'hui.

Le deuxième objectif de la motion est d'utiliser les recettes pour établir un fonds de développement international qui servirait à financer de nombreux projets partout dans le monde. Je reviendrai à cet aspect tout à l'heure.

Il est maintenant temps de commencer à étudier de nouvelles façons d'oeuvrer pour le bien commun, et pas seulement au Canada, mais partout dans le monde. M. Tobin a lancé cette idée il y a déjà quelques années. Il s'agit d'imposer une très petite taxe sur les transactions financières en devises. Partout dans le monde, le chiffre de 0,1 p. 100 est avancé, ce qui représente un dollar pour chaque tranche de 1 000 $. Si vous achetiez un appartement en copropriété de 100 000 $, cette taxe représenterait 100 $.

J'aimerais donner à la Chambre une idée de l'ampleur du projet envisagé. Dans les années 1970, les échanges mondiaux en devises s'élevaient à environ 17 milliards de dollars par jour. Aujourd'hui, ils atteignent 1,3 billion de dollars. C'est un chiffre si gros que l'on peut difficilement imaginer ce qu'il représente. On peut comparer, par exemple, le commerce mondial de produits et de services qui, chaque année, 365 jours par année, représente 4,3 billions de dollars et les échanges monétaires, qui se chiffrent à 1,3 billion de dollars par jour. C'est beaucoup d'argent.

Les conséquences de cela, c'est que beaucoup de gens ont le sentiment que les États-nations ont cédé une grande part de leur souveraineté à ceux que nous appelons parfois les gars en bretelles rouges, qui font des spéculations sur les devises dans le monde.

Il est très opportun de traiter de cette question en ce moment, car une bonne partie du monde est en récession et beaucoup de gens prédisent une dépression mondiale. Nous en avons vu les conséquences énormes sur les devises étrangères et l'effet sur notre propre monnaie. Nous avons été témoins des problèmes en Asie du Sud-Est et en Thaïlande, problèmes qui se sont répandus à d'autres pays de cette région du monde, au Japon, à la Russie, qui est maintenant pratiquement sans gouvernement et dans un état de chaos total. Les problèmes se répandent également au Brésil et dans certaines régions de l'Amérique latine.

Une grande partie de ces problèmes est attribuable au mouvement rapide de capital à court terme qu'on cherche à placer pour en maximiser le rendement. Cela se fait en appuyant sur un bouton d'ordinateur; des milliards de dollars sont échangés, je le répète, au rythme de 1,3 billion de dollars par jour.

Notre pays est-il impuissant devant cela? Voulons-nous plutôt affirmer notre souveraineté et tenter, de concert avec les autres citoyens du monde, de trouver un moyen pour ramener un peu d'ordre dans l'agitation que connaissent actuellement les marchés financiers internationaux? À mon avis, la réponse est oui.

Le gouverneur de la Banque du Canada a comparu devant le Comité des finances hier soir. Le ministre des Finances y a également comparu hier soir. Tous deux ont dit qu'il fallait tenter de ramener un peu d'ordre sur les marchés financiers mondiaux. C'est une idée à laquelle nous devrions songer, je crois, pour tenter d'atteindre cet objectif.

Une des conséquences des bouleversements technologiques et de la mondialisation dont nous sommes témoins aujourd'hui a été la disparition du pouvoir de l'État-nation. À mon avis, personne ne pourrait le contester. Mais cette situation offre à la race humaine de nouvelles possibilités en ce qui concerne sa façon de se gouverner. Je crois que nous devrons maintenant commencer à faire sur le plan international bien des choses que nous avions l'habitude de faire sur le plan national, chaque pays individuellement en tant qu'État-nation, car les frontières disparaissent de plus en plus.

Quand on observe l'offensive contre les programmes sociaux partout dans le monde, quand on observe les problèmes environnementaux dans le monde, quand on observe le manque de souveraineté réelle sur le plan de la politique monétaire d'un pays à l'autre, je pense qu'on se rend compte qu'il faut prendre des mesures communes avec d'autres pays. Cela ouvre une toute nouvelle et intéressante perspective sur le monde de demain où, quelle que soit la couleur de leur peau, quelle que soit la région du monde où ils habitent, tous conjugueront leurs efforts pour le bien-être et des objectifs communs.

Une façon de le faire consiste à prélever pour la première fois une taxe minime sur les opérations financières partout dans le monde. C'est une avenue que nous devrions explorer. L'heure consacrée aux initiatives parlementaires est justement le bon moment pour le faire parce que nous pouvons tous voter librement sans tenir compte de la discipline de parti ou des consignes de nos whips. Cette motion n'oblige pas le gouvernement à agir. Elle dit que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait faire preuve de leadership et décréter une taxe sur les transactions financières, de concert avec la communauté internationale.

Le ministre des Finances a fait des déclarations publiques dans lesquelles il se disait intéressé en principe au concept de la taxe Tobin. Il s'est penché très sérieusement sur la question en 1995, lors de la conférence du G7, à Halifax. Il a demandé que l'on fasse des études sur ce concept.

L'une des raisons pour lesquelles le ministre des Finances est devenu plutôt pessimiste quant à l'adoption d'une telle taxe au cours de l'année qui vient de s'écouler, c'est qu'il ne pensait pas que l'idée serait retenue à cause de la position du gouvernement de la Grande-Bretagne et de celui de l'Allemagne, deux grands pays européens.

Or, depuis un an, ces deux gouvernements ont changé. En Grande-Bretagne, ce sont maintenant Tony Blair et le Parti travailliste qui sont au pouvoir, alors qu'en Allemagne, M. Schroeder et les Sociaux-démocrates ont été élus il y a trois semaines. Dans les deux cas, ces gouvernements sont prêts à examiner la possibilité d'appliquer la taxe Tobin et à déterminer si on peut s'entendre sur une méthode permettant de faire de cette taxe une composante réalisable du nouvel ordre mondial et de la nouvelle vision mondiale.

Cela pourrait être excitant pour notre pays et pour notre Parlement. Nous devrions demander au ministre des Finances de jouer le rôle de chef de file relativement à cette question très importante pour le monde de demain.

Comme je l'ai dit, cette question a déjà été débattue. L'idée a été lancée par M. Tobin, l'économiste qui a remporté le prix Nobel. On en a parlé en octobre 1987 lors de la débâcle boursière qui a frappé le monde entier. On en a aussi parlé en 1984 lorsque le peso mexicain s'est effondré, entraînant une importante fuite de capitaux qui a causé beaucoup de difficultés et de pauvreté chez les Mexicains ordinaires.

Encore une fois, ce débat a été ravivé par l'excès de capitaux partout dans le monde à la recherche d'un refuge sûr et de profit, même si la majeure partie de cet argent s'en va aux États-Unis. Voilà une autre raison qui fait que nous devrions examiner cette possibilité.

Je veux donner trois exemples de la taxe Tobin. Tout d'abord, je dirai à mes collègues hautement préoccupés par les questions fiscales qu'il s'agit d'une taxe très minime. On parle actuellement d'une taxe de 0,1 p. 100, et elle serait peut-être même inférieure à cela. Cela n'aurait pratiquement aucune incidence sur les investissements à long terme dans le monde, les investissements à long terme dont les pays développés et les pays en développement ont tous besoin. La taxe serait si minime qu'elle n'aurait aucun effet sur les investissements à long terme.

Par contre, elle aurait un effet dissuasif pour ce qui est de la spéculation à court terme, c'est-à-dire l'argent qui est investi dans un marché pendant quelques minutes, quelques heures ou quelques jours et qui est retiré ensuite de ce marché après des gains à court terme. Cet argent se promène partout dans le monde, et les marges de profit sont très faibles. Cela a pour effet de créer d'importantes distorsions dans des économies nationales comme celles du Mexique, du Brésil ou encore de la Russie, comme nous le voyons aujourd'hui. Cela a même un effet sur nous, rendant notre dollar plus faible qu'il ne devrait l'être, à cause de tout cet argent qui cherche refuge aux États-Unis.

Une telle taxe n'aurait aucune incidence sur les investissements à long terme, mais elle rétablirait un semblant d'ordre dans la communauté internationale et dans le monde des hommes aux bretelles rouges qui s'amusent avec les devises comme si le monde était un gigantesque casino, sans se soucier de l'effet de leur jeu sur les travailleurs de chaque pays.

Une telle taxe apporterait plus de stabilité aux exportateurs, aux importateurs, aux investisseurs et au gouvernement pour ce qui est de la planification des budgets, des politiques gouvernementales et des politiques monétaires des États-nations partout dans le monde. Elle apporterait plus de stabilité parce que la grande volatilité de l'économie casino serait tempérée dans une certaine mesure.

Enfin, comme je l'ai dit, cette taxe réduirait le pouvoir des spéculateurs et accroîtrait celui des gouvernements nationaux de faire plus de choses dans leur pays et d'exercer un plus grand pouvoir par l'entremise d'organismes et d'organisations internationales. C'est la principale raison pour ladite taxe Tobin, la taxe sur les transactions internationales.

La deuxième raison de cette motion, c'est de recueillir des fonds pour financer des projets valables un peu partout dans le monde. C'est l'objectif secondaire, mais il est très important. Il arrive souvent que se produisent des catastrophes mondiales et que nous ayons du mal à recueillir des fonds pour y faire face. Il y a actuellement aux États-Unis un important débat afin de déterminer ce que les Américains devraient verser aux Nations Unies pour leur permettre de continuer à fonctionner, un débat entre les républicains et les démocrates, entre le bureau du Président et le Congrès.

Je me souviens de la catastrophe de Tchernobyl, l'explosion du réacteur en Ukraine, et du temps qu'il nous a fallu pour trouver les fonds nécessaires pour les secours aux victimes et la décontamination. L'argent pourrait servir à de nombreux projets de développement dans le monde.

Je pense à toute la question des emplois, de l'économie et des millions de personnes qui se retrouvent sans travail à cause de ce qui se passe dans bien des régions du monde. Une partie de cet argent pourrait servir à la création d'emplois. Une partie pourrait servir au maintien de la paix, à l'enlèvement des mines, à la recherche médicale, au financement des projets environnementaux et à la recherche environnementale. Cet argent pourrait servir à beaucoup de choses.

Pour vous donner des exemples, une taxe Tobin de 0,1 p. 100 sur les transactions en devises étrangères permettrait de recueillir 176 milliards de dollars américains en dollars de 1995. C'est énorme. Une taxe Tobin de 0,003 p. 100 rapporterait assez d'argent pour financer les opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans le monde. Elle pourrait financer le projet de déminage lancé, en grande partie, par notre ministre des Affaires étrangères. Il y a beaucoup de causes valables à appuyer dans le monde.

Cette initiative pourrait mener notamment à la création d'un village planétaire, axé sur le bien commun de toutes les nations, et au renforcement des organisations internationales. Les Nations Unies deviendraient un important gouvernement mondial et partageraient certaines responsabilités avec les gouvernements nationaux du monde entier. Il pourrait y avoir une force internationale permanente du maintien de la paix. Nous pourrions réaliser bien des choses.

Comment cette taxe serait-elle appliquée? Il y a plusieurs possibilités. On pourrait réformer le Fonds monétaire international pour le charger de cette mission ou encore réformer la Banque mondiale à cette fin. J'opte plutôt pour la création d'une agence financière internationale qui gérerait la perception de la taxe Tobin.

Qui percevrait cette taxe? Les gouvernements nationaux la percevraient dans le monde entier.

Le temps est venu pour notre pays de songer à jouer un rôle de leadership dans un domaine tout à fait nouveau, à chercher à remettre de l'ordre dans le chaos qui règne de nos jours. Cela transcende les frontières politiques. Je ne partage pas toujours l'avis de mes collègues des autres partis, du Parti réformiste ou du gouvernement. Cependant, je discute avec des députés du Parti réformiste, du Parti libéral, du Bloc québécois et du Parti progressiste conservateur et je constate que tous nos électeurs sont inquiets.

Les gens se sentent démunis et désespérés devant les fluctuations du marché boursier et la chute de notre dollar. Ils ont eu la frousse au mois d'août lorsque le dollar a commencé à plonger et que le taux d'escompte a été relevé à deux occasions. Ils s'inquiètent de la situation au Brésil. La Thaïlande était un des pays qui connaissaient le plus de succès il y a environ un an. On citait en exemple les tigres de l'Asie qui géraient bien leur économie en n'enregistrant presque aucune dette. Tout à coup, tout s'est mis à s'écrouler comme un château de cartes.

Une voix: Cela a fait baisser la valeur de mes actions.

L'hon. Lorne Nystrom: Cela a probablement fait baisser la valeur de certaines actions du député. Je suis convaincu que le député de Souris—Moose Mountain sera un défenseur enthousiaste de la motion.

Cette motion redonnerait une certaine souveraineté aux peuples par l'intermédiaire de leurs gouvernements nationaux et des organisations internationales. Il ne faut pas laisser régner la loi de la jungle où quelques personnes armées d'ordinateurs font des opérations sur les marchés de contrat à terme, sur les marchés des changes et sur les marchés boursiers du monde. Le projet proposé aurait des répercussions senties dans la vie de beaucoup de gens.

Je demande à la Chambre de prendre la motion très au sérieux. On ne demande pas au Canada d'agir seul. Évidemment, il ne le pourrait pas. On ne demande pas au Canada d'agir avec le Zimbabwe, le Pérou et cinq ou six petits pays. On demande que le Canada agisse de concert avec la communauté internationale. Pour que cela fonctionne, il faut que les États-Unis, la République d'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, de même que beaucoup d'autres grands pays membres de l'OCDE et du G7 participent.

Le changement n'est possible que si nous y mettons des efforts. Le Canada est un pays très respecté dans le monde. Le Canada devrait commencer à parler de l'idée avec les nouveaux gouvernements d'Europe. L'an dernier, la France a élu un nouveau gouvernement socialiste dirigé par Lionel Jospin. Il y a de nouveaux gouvernements en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Maintenant qu'il y a de nouveaux gouvernements dans le monde, nous pouvons peut-être faire des progrès. Si nous n'agissons pas, nous serons de plus en plus impuissants à exercer le pouvoir et la souveraineté que doivent posséder tous les peuples de la terre.

J'attends la suite du débat avec impatience et j'espère que tous mettront leur esprit de parti de côté pour appuyer une idée pour laquelle le monde est mûr.

M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de commencer en disant que nous partageons les préoccupations du député concernant l'instabilité des marchés financiers et c'est d'ailleurs pour cela que nous sommes en mesure d'appuyer sa motion.

L'instabilité financière menace la prospérité de tout un chacun et je pense que les gouvernements ont la responsabilité d'envisager toutes les options possibles pour éliminer ce problème. La taxe Tobin est l'une des options possibles.

Soyons clairs. Le Canada exerce déjà un leadership international dans le cadre d'une vaste stratégie en vue de s'attaquer aux causes de l'instabilité des marchés financiers et nous réussissons très bien à travailler en collaboration avec nos partenaires à la recherche de moyens pratiques pour améliorer le fonctionnement des marchés internationaux, et pour prévenir et gérer les crises.

Nous préférerions tous un monde où les marchés fonctionneraient toujours bien, un monde où les taux de change se comporteraient toujours de manière compréhensible compte tenu de notre situation et de nos politiques économiques, un monde où les fluctuations des taux de change contribueraient toujours à promouvoir une croissance solide et la création d'emplois pour nos concitoyens. Mais les marchés financiers ne sont pas des créatures parfaites. Ils ne fonctionnent pas toujours bien. Ils sont grégaires. Ils se laissent influencer par les rumeurs. Parfois ils ignorent les principes les plus fondamentaux et trop souvent ils manquent la cible.

Les taux de change fluctuent parfois de façon erratique et ces fluctuations erratiques peuvent entraîner des problèmes économiques qui ont des répercussions sur la compétitivité, forçant les autorités à intervenir, contre leur gré, pour défendre leur devise.

Le défi qui se pose à nous est de trouver la meilleure façon de régler ces problèmes que les économistes appellent les imperfections du marché.

Les partisans de la taxe Tobin avancent qu'une taxe de ce genre mettrait du sable dans les rouages du monde financier international en prélevant un tout petit pourcentage sur toutes les opérations de change internationales. Selon certains, cela découragerait la spéculation et stabiliserait les marchés financiers sans gêner indûment le commerce ou les investissements à plus long terme.

D'autres sont attirés par les recettes que générerait une telle taxe et qui, pensent-ils, permettraient de financer beaucoup de programmes valables.

Les arguments qui entourent les mérites de la taxe Tobin sont certainement intéressants; ils ont fait l'objet de nombreuses discussions de la part d'économistes et d'autres intéressés. Je suis certain que le débat n'est pas prêt de s'arrêter.

Toutefois, de notre point de vue, le plus important n'est pas tant de savoir en théorie quels seront les bienfaits d'une telle taxe, mais bien si elle est applicable dans la pratique. Et il semble très peu probable que la taxe Tobin puisse être imposée sur une échelle telle qu'elle soit aussi avantageuse que le soutiennent ses partisans sans que certains pays soient gravement pénalisés.

Pourquoi? Parce que, pour vraiment réussir à stabiliser les marchés ou à hausser les revenus, la taxe devrait être appliquée à l'échelle mondiale, et, avec la technologie moderne des communications et de l'informatique, des transactions peuvent être menées partout dans le monde et passer d'un endroit à l'autre en un clin d'oeil. Si la taxe Tobin n'est pas universelle, les transactions de même que les revenus et les emplois qu'elles génèrent iront tout simplement là où la taxe n'est pas imposée.

En fait, le Canada a exploré l'idée au Sommet de Halifax, où il est apparu clairement qu'un certain nombre de pays du G7 étaient résolument contre. Leur position n'a pas changé même si, comme l'a signalé le député, certains ont changé de gouvernement.

Mais, même si tous les pays du G7 ou tous les pays industrialisés étaient d'accord, cela ne suffirait pas à assurer le succès de la proposition. Il faudrait que tous les pays soient d'accord. Des pays seraient toujours tentés de ne pas participer, se transformant ainsi en centres financiers extraterritoriaux. Aucun député, je crois, n'appuierait une politique qui ne ferait qu'encourager la création de centres bancaires extraterritoriaux.

Il y a d'autres problèmes pratiques. Pour appliquer la taxe Tobin, il faudrait constamment jouer au chat et à la souris et supprimer les échappatoires que trouveraient les intervenants du marché.

C'est donc pour ces raisons que la taxe Tobin n'a pas été particulièrement bien accueillie par les autres pays.

Je ne dis pas aujourd'hui à la Chambre qu'il n'y a rien à faire pour résoudre le problème de la volatilité des marchés financiers internationaux. En fait, on déploie de grands efforts à cet égard et le Canada fait preuve d'un leadership considérable dans ce dossier.

Nous voulons, en collaboration avec nos partenaires internationaux, enrayer les causes sous-jacentes de crises internationales comme la crise asiatique et mettre en place des mécanismes qui nous aideront à gérer ces crises lorsqu'elles surviennent.

Même si la crise en Asie avait des sources complexes, il est clair que les gouvernements de cette région ont aggravé le problème en permettant et parfois même en encourageant des prêts imprudents de la part des institutions financières locales.

De plus, la promesse de taux de change fixes, une promesse qui s'est finalement avérée vaine, a encouragé les entreprises et les banques locales à contracter d'énormes emprunts en devises étrangères. Une tourmente financière a inévitablement résulté de ces pratiques et politiques inadéquates.

Le Canada a fait preuve de leadership sur la scène internationale en proposant des réformes visant à enrayer les causes sous-jacentes des crises financières et non pas simplement leurs symptômes.

À la rencontre du printemps du FMI et de la Banque mondiale, le ministre des Finances de notre pays a proposé des mesures pour renforcer la surveillance et la réglementation des secteurs financiers, y compris un examen par les pairs. Ainsi, dans le cadre d'un examen par les pairs, des spécialistes du Canada et d'autres pays pourraient partager leurs compétences avec leurs homologues des jeunes marchés et veiller à ce qu'ils mettent en application les meilleures pratiques possibles.

Je suis heureux d'annoncer à la Chambre que les pays du G7 et le FMI ont appuyé la proposition du Canada lors de leurs assemblées annuelles à Washington. Dès l'an prochain, le FMI commencera à recourir à l'examen par les pairs afin de renforcer la surveillance et la réglementation des secteurs financiers.

Le Canada a aussi proposé un mécanisme pour que les investisseurs du secteur privé, les banques par exemple, puissent participer à la résolution des crises financières internationales d'une façon beaucoup plus intégrée que ce n'a été le cas jusqu'à maintenant.

La procédure courante actuellement, pour le FMI, la Banque mondiale ou les gouvernements nationaux, est de fournir l'argent en premier. Le secteur privé ne rentre en cause qu'à la fin, souvent jamais. De toute évidence, ce n'est pas une manière équitable de partager le fardeau. Je dirais même, ce n'est plus acceptable.

Notre ministre des Finances a proposé un système qui gèlerait les paiements pendant les crises financières. Cela donnerait aux pays en difficultés le temps nécessaire pour mettre en place des réformes économiques, de la même manière que les sociétés solvables, mais sans disponibilités financières, peuvent se protéger de leurs créanciers.

On a fait pas mal de progrès sur ces mesures concrètes destinées à contrer la volatilité des marchés financiers internationaux. De toute évidence, il y a encore du travail à faire dans ce domaine.

Le Canada est résolu à poursuivre ses efforts pour amener la communauté internationale vers une économie mondiale plus prospère et plus stable. C'est dans ce contexte que le Canada pourrait accepter une taxe Tobin si les problèmes que nous avons exposés étaient résolus et si tous les pays—et il faut bien préciser cela—étaient d'accord. Malheureusement ce sont des "si" de taille.

Notre ministre des Finances, le gouvernement et même tout le pays, plutôt que d'attendre l'avènement d'une taxe Tobin ou d'une autre option, ont agi d'une façon qui montre la voie. Nous présentons un plan en six points pour s'attaquer aux causes sous-jacentes de la volatilité des marchés et, en présentant ce plan, nous avons l'appui du FMI et des pays du G7.

Il y a des pays qui s'attendent à ce que le Canada joue un rôle de chef de file en cette matière. Le ministre des Finances a fait la preuve de ce leadership. Nous continuerons de le faire en poursuivant l'exploration de ce concept avec d'autres pays importants et nous continuerons de faire preuve de leadership dans l'élaboration d'une stratégie plus globale de lutte contre les causes sous-jacentes de la volatilité des marchés financiers.

Je félicite le député d'avoir présenté cette motion et d'avoir donné l'occasion à la Chambre de débattre la question. Nous en avons déjà discuté et nous continuerons de le faire. C'est une chose honorable à faire, mais cette proposition n'est pas sans failles. L'une d'elles, c'est le principe suivant lequel tous les pays doivent appliquer une taxe Tobin. Ils doivent tous l'appliquer en même temps afin de ne pas créer des centres financiers extraterritoriaux. Nous pouvons appuyer cette motion en principe.

Je signale toutefois à la Chambre et au député que de nombreux écueils se dressent sur la route de l'adoption de cette taxe. Entre-temps, nous continuerons de faire preuve de leadership comme pays. Notre ministre des Finances continuera de faire preuve de leadership au FMI en adoptant une stratégie de lutte contre les grandes causes sous-jacentes des crises qui assaillent le monde entier.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, je le dis franchement, je m'oppose à la taxe Tobin parce que je pense aux démunis et aux Canadiens ordinaires qui devront payer la note au bout du compte.

Au fond, nous sommes réellement en train de discuter de mythes socialistes. C'est bien de pouvoir parler de grandes idées, mais que le ciel nous vienne en aide si nous laissons le monde aller dans la direction où la motion d'aujourd'hui le conduirait. Des millions de gens en souffriraient si la taxe avait la vaste portée qu'elle doit avoir pour atteindre ses objectifs.

Le député de Regina—Qu'Appelle exhorte le gouvernement à décréter une taxe sur les transactions financières, ou la taxe Tobin comme l'appellent les théoriciens et les universitaires. En termes simples, une taxe sur les transactions financières peut être n'importe quelle taxe. C'est un droit, un montant imposé par un gouvernement sur la vente, l'achat, le transfert ou l'enregistrement d'un instrument financier. Elle peut s'appliquer sur une grande échelle ou elle peut donner lieu à des exemptions. Elle peut être imposée sur des transactions faites par des Canadiens, faites au Canada ou encore à l'étranger.

Je pense parler au nom de mes concitoyens quand je dis que les impôts découragent l'activité positive, en particulier quand ce sont des impôts excessifs et des pénalités dissuasives. Une taxe sur les transactions financières découragerait l'activité financière au bout du compte. Elle nuirait à l'économie canadienne. C'est une mesure qui s'attaque aux symptômes plutôt qu'aux causes des difficultés financières.

Il y a plusieurs semaines, il y a eu une réunion des représentants de tous les partis d'opposition. Ils ont convenu qu'il fallait réduire les cotisations à l'assurance-emploi. Tous les partis d'opposition ont demandé une baisse d'une taxe précise. Chaque parti avait sa propre idée sur la manière d'utiliser l'excédent du fonds d'AE, mais ils étaient au moins tous opposés à ce qu'il y ait une hausse fiscale, parce que cela risquerait de nuire aux taux d'emploi que nous voulons au Canada.

De toute évidence, la taxe sur les transactions financières n'est pas considérée tout à fait comme la cotisation à l'assurance-emploi. Je voulais simplement démontrer que les gens détestent les impôts et que les impôts exorbitants leur sont préjudiciables.

Pourquoi les Canadiens étaient-ils tellement opposés à la TPS, même si l'adoption de cette taxe a eu pour effet de réduire les prix de certains biens de consommation? C'est que les nouvelles taxes sont toujours difficiles à faire accepter du public et qu'elles provoquent presque toujours des distorsions sur le marché.

Le Nouveau Parti démocratique et les socialistes du monde entier veulent de ce genre de taxe. Pour eux, c'est un moyen d'aller chercher des revenus pour des fins sociales, mais souvent sans reddition de comptes politique. Un des arguments qu'invoque M. James Tobin pour faire accepter son projet de taxe dans divers pays consiste à dire que les recettes de la taxe pourraient servir à financer les Nations Unies ou, comme d'autres l'ont suggéré, des campagnes internationales comme la campagne contre les mines antipersonnel. C'est une bonne façon de dorer la pilule.

Aux yeux des gens mal informés ou hostiles à l'idée, le projet peut paraître acceptable sur papier mais nous devons l'examiner attentivement pour voir comment les recettes sont gérées. La principale raison d'être d'une taxe est de générer des recettes. Le Nouveau Parti démocratique peut bien prétendre que cette taxe corrigera les marchés mondiaux, ce qui n'est certainement pas le cas, mais en définitive il est favorable à ce genre de mesure parce qu'elle lui permet de réaliser son programme secondaire.

En 1995, un groupe d'ONG environnementaux se sont réunis pour créer l'initiative de Halifax. Sous l'égide du Sierra Club du Canada, le groupe a exhorté le Canada, durant la rencontre des leaders du G7 à Halifax, à jouer un rôle de leader et à instituer une taxe sur les transactions financières.

Un des arguments invoqués par les auteurs de l'initiative de Halifax était le suivant: "La mise en place de cette taxe soulève deux questions politiques majeures. Premièrement, il faut que les principaux pays parviennent à une entente concernant l'adoption d'une taxe uniforme et, deuxièmement, ces pays doivent s'entendre au sujet de la perception et de la distribution des recettes." On aurait peut-être dû ajouter, en troisième lieu, que tous les pays devraient reconnaître l'existence du Père Noël.

En théorie, la perception de la taxe pourrait être possible, mais ce serait là la partie la plus facile. Le plus difficile serait de distribuer les recettes. Si ces recettes étaient remises à divers gouvernements, quelles règles détermineraient la part attribuée à chaque pays? À qui appartient l'argent, de toute façon?

La redistribution va-t-elle favoriser les pays qui ont d'importants centres financiers? Va-t-elle favoriser les pays en fonction de leurs actions avec droit de vote à l'intérieur, par exemple, du Fonds monétaire international? Que fait-on de l'affectation de recettes à des causes mondiales? Comment une organisation internationale peut-elle obtenir l'accord de tous les pays? L'épreuve de force qui s'ensuivrait serait catastrophique.

Les partisans de cette taxe proposent que tous les pays membres du G7 se réunissent pour créer cette taxe. Les intéressés devraient examiner ce qui se passe dans d'autres pays qui ont déjà vécu ce genre de taxes qui découragent toute activité et nuisent ainsi aux gens.

Le Japon a une taxe sur les transactions financières qui cause des problèmes considérables, car elle a des répercussions négatives sur le marché japonais. C'est la même chose dans le cas du Royaume-Uni. Il perçoit de l'argent grâce à cette taxe, mais d'aucuns croient qu'on pourrait obtenir de bien meilleurs résultats sans la taxe. Le Royaume-Uni envisage d'abolir cette taxe. La Suède a également eu de mauvaises expériences avec la taxe. L'Allemagne a décidé que les coûts et les problèmes reliés à cette taxe sont nettement supérieurs aux avantages lorsqu'il est question de ce type de recettes.

Obtenir l'accord de tous les pays semble une tâche insurmontable. M. Tobin a déclaré qu'une taxe sur les achats et les ventes de devises étrangères devrait être universelle et uniforme. Elle devrait s'appliquer à tous les pays et le taux devrait être égal sur tous les marchés. C'est son critère. Il est évident que cela serait tout à fait impossible à réaliser.

Il y a d'autres raisons pour s'opposer à la taxe sur les transactions financières notamment le fait qu'on étend son application à d'autres gouvernements. Il est impossible que tous les pays souscrivent aux méthodes de la taxe Tobin. Par conséquent, les membres du secteur financier recourront tout simplement à des refuges fiscaux à l'étranger pour éviter la taxe. Ils élaboreront des stratégies compliquées pour l'éviter. On n'en sortira plus.

En 1995, le FMI a rédigé un document concernant les taxes sur les transactions financières. Il a parlé clairement des substitutions. Il a dit dans ce document: "Si les taxes sur les transactions ne s'appliquaient qu'aux transactions sur les marchés intérieurs, les investisseurs pourraient substituer les opérations de change étrangères comme moyen d'éviter la taxe. Il est relativement facile de modifier le lieu des transactions d'avoirs financiers, les transactions étant transférées dans d'autres pays ou dans des endroits qui possèdent des marchés financiers reconnus. Par exemple, beaucoup de transactions d'actions des États-Unis se font à Londres."

La taxe a pour objectif déclaré de ralentir le rythme des marchés financiers étrangers. Mais une fois la taxe établie, des pressions seraient exercées pour qu'on continue de l'augmenter jusqu'à ce qu'elle commence en fait à donner des résultats. Cela deviendrait alors une très forte désincitation pour l'économie mondiale.

Bref, cette stratégie idéaliste comporte des échappatoires insurmontables. Les marchés financiers renferment de nombreux produits qui sont de proches substituts d'autres produits. Une obligation d'État est un proche substitut d'une obligation de sociétés. Les dépôts bancaires sont des substituts des fonds du marché monétaire. Si nous taxons un produit, tout investisseur y cherchera un substitut.

Je crois que les députés néo-démocrates conviendront que, même dans un monde parfait, ce ne sont pas tous les pays qui adhéreraient à un traité fiscal comme celui qu'ils proposent. Par conséquent, si un pays refusait d'instituer une taxe sur les transactions financières, ce pays deviendrait essentiellement très alléchant pour les grandes banques mondiales qui veulent effectuer des opérations de change étrangères. Ce serait catastrophique pour les pays qui auraient appliqué la taxe. Ce serait un désincitatif pour ces pays et un avantage concurrentiel pour les pays qui n'auraient pas adhéré au concept.

La volatilité des marchés de change étrangers est un fait avec lequel il faut composer dans l'économie mondiale. Ce que je recommande aux gouvernements, c'est d'appliquer une politique financière crédible et de favoriser des secteurs financiers forts et transparents plutôt que de punir les cambistes. L'argent change de place quand un secteur n'a pas un bon rendement. Les réalisations d'un marché qui fonctionne sont récompensées. Ceux qui n'ont pas une bonne performance perdent du terrain. Souvent, la volatilité de l'argent dans le monde est liée à la recherche d'un meilleur rendement. C'est la meilleure discipline possible, et nous nous en tirerions tous bien mieux si nous l'appliquions.

Sur papier, la théorie en convainc peut-être quelques-uns, mais ça ne peut pas fonctionner en réalité. Je m'oppose donc tout à fait à l'idée d'une taxe Tobin.

Les marchés monétaires sont volatils partout dans le monde. Éventuellement, on en arrive à s'apercevoir que les éléments fondamentaux...

Le président suppléant (M. McClelland): Je suis désolé, mais le temps de parole du député est écoulé.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, je veux féliciter le député de Regina—Qu'Appelle d'avoir eu la bonne idée de nous présenter la motion M-239, telle que modifiée, qui se lit comme suit:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait faire preuve de leadership et décréter une taxe sur les transactions financières de concert avec la communauté internationale.

Mes collègues du Bloc québécois et moi sommes, en principe, assez favorables à la motion telle qu'elle est présentée. Mon collègue de Lac-Saint-Jean l'a déjà démontré de façon évidente. La mondialisation à tout crin, sans réglementation, ça nous fait peur un peu.

Donc, avoir une forme de réglementation sur ces transactions financières internationales, sur cette spéculation financière éhontée, est pour nous une bonne chose. On sera en mesure de le remarquer au cours de mon discours.

Les mots "transactions financières", au sens large, mériteraient, selon nous, d'être spécifiés. Je donne un exemple qui est peut-être un peu facile, mais si je dois aller aux États-Unis demain matin et que je prends 100 dollars canadiens que je fais changer en 100 dollars américains, est-ce que c'est une transaction financière qui risque d'influencer le dollar canadien, le dollar américain? Je crois que non. Est-ce qu'on doit taxer cette simple transaction financière? Je crois que non.

Donc, oui, on doit taxer ou réglementer la spéculation. Peut-être que le mot "transaction" mériterait d'être précisé, et c'est plutôt ce que nous allons voir.

Juste à écouter le discours de mon prédécesseur, le député réformiste, nous voyons que la taxe Tobin porte à une multitude d'interprétations. On lui fait dire beaucoup de choses et on lui impute beaucoup de torts.

Lorsque M. James Tobin—je tiens à le répéter, ce n'est pas le premier ministre de Terre-Neuve et ancien ministre de l'autre côté qui a pensé instaurer cette taxe, mais bel et bien un économiste américain du nom de James Tobin—a reçu le prix Nobel en 1972, je ne crois pas qu'aucun réformiste était sur le jury parce qu'il n'aurait probablement jamais eu l'honneur et l'occasion de recevoir un tel prix qui était grandement mérité.

Ce n'est pas parce qu'une idée est difficilement applicable qu'on doive automatiquement la rejeter du revers de la main. Je tiens à rappeler à mon collègue réformiste que lorsqu'il dit que c'est inapplicable et impensable et qu'on doit même, dans la troisième ou quatrième solution, penser à réinventer le Père Noël, je crois qu'il va un peu loin.

Lorsqu'il dit que c'est inapplicable de créer une entente internationale où tous les pays pourraient, ensemble, harmoniser une décision qui favoriserait une limite, une réglementation, un cadre légal aux spéculations financières internationales, il oublie peut-être qu'aujourd'hui, en 1998, il y a l'OMC qui existe et qui regroupe la très grande majorité des pays, pour ne pas dire la totalité des pays. Il n'en manque que quelques-uns.

On a quand même réussi, après plusieurs années d'échanges et de négociations—on est partis avec le GATT, on a continué, on a travaillé—à en arriver à une harmonisation sur les transferts douaniers et les taux tarifaires aux douanes. Dix ans avant les premières rondes du GATT et avant l'OMC, on tenait peut-être, dans les différents parlements, ce genre de discours: "Essayer de trouver une harmonie internationale sur les tarifs douaniers, c'est inapplicable, c'est impensable, c'est infaisable, c'est utopique."

Mais on le vit aujourd'hui. Pourquoi? Parce que les pays se sont rendu compte que si on voulait réglementer, si on voulait une évolution constructive et sécurisante pour ceux qui font ce genre de commerce international, il était avantageux, pour les pays riches comme pour les pays pauvres, de se donner un cadre légal, un cadre consensuel d'échanges et de tarifs commerciaux pour arriver à augmenter le commerce international et le profit dans les pays qui peuvent bénéficier de ces échanges.

Mais il y a une réglementation. Comment est-ce appliqué? Qui décide où on siège? La première réunion ministérielle a été tenue à Singapour, la deuxième, à Genève, il n'y a pas longtemps, et on modifie, on améliore. Cela existe, des institutions internationales qui trouvent l'harmonie. Pourquoi se borne-t-on à des discours en disant: "Si c'est compliqué, on cesse nos travaux, on abdique notre responsabilité et on se retire." Je suis en total désaccord avec cela.

La motion stipule d'aller de l'avant et d'étudier davantage, compte tenu de la nouvelle réalité. Certains diront que ça fait 20 ans que cela a été lancé, ça fait 20 ans qu'on en discute, mais on ne peut pas le mettre en application.

Il y a 20 ans, il n'y avait pas eu la crise du peso au Mexique. Il y a 20 ans, il n'y avait pas eu la crise asiatique qu'on vit aujourd'hui. Il y a 20 ans, il n'y avait pas George Soros qui, avec 10 milliards de dollars, en une journée, a réussi à faire tomber la livre sterling et à faire un milliard de dollars de profit.

Si la situation économique internationale évolue, pourquoi notre discours et notre pensée ne pourraient-ils pas évoluer? Pourquoi doit-on rester avec l'idée—j'espère que cela ne s'applique pas à la majorité—présentée par le Parti réformiste, qui dit: "Si c'est difficile, on abdique et on refuse; on va voter contre."

Il faut aussi avoir un brin d'intelligence, et pouvoir dire qu'on ne croit pas sincèrement qu'avec cette taxe, on veuille absolument tout taxer. Que j'investisse 1 000 $ à la bourse, ou que j'investisse 1 000 $ dans un fonds commun de placement, je ne crois pas que je serai un dangereux spéculateur qui influencera la valeur du peso ou celle du dollar américain.

Cependant, des gens jouent à la roulette russe avec les devises de différents pays. Les Thaïlandais et les Mexicains sont bien placés pour nous dire que parfois, trop souvent, cela influence directement la valeur de leur monnaie, et par la suite, l'économie nationale d'un pays.

Je vais prendre un exemple. Dans le dernier numéro de L'Actualité, on peut lire que Bill Gates, avec son avoir de 51 milliards de dollars, pourrait d'un coup, en une journée, décider de renflouer toute l'économie de la Russie. Donc, oui, cela se fait dans la nouvelle réalité économique, car il y a des gens, des consortiums, des groupes d'individus qui peuvent, d'une journée à l'autre, faire bouger leur argent pour influencer et faire tomber des économies nationales qui ont une implication régionale ensuite.

On l'a vu, par la suite, cela a une implication internationale. Dans quelques mois ou quelques années, le Canada en vivra malheureusement les effets. Est-ce qu'on doit aujourd'hui, dans la nouvelle réalité économique, se poser la question?

J'écoutais l'exposé du secrétaire parlementaire et j'en ai été un peu surpris. Il parlait également des difficultés d'application d'une telle taxe. Il faisait référence au rapport du Comité permanent des affaires étrangères de mai 1995, "De Bretton Woods à Halifax". Avec votre permission, je vais citer un passage de ce rapport, qu'on retrouve à la page 62:

Pour le moment, le Comité estime qu'on n'a pas encore montré que l'idée est réalisable, mais qu'il faut garder l'esprit ouvert. Les objectifs d'une taxe sur les spéculations monétaires ont suffisamment de mérite et sont assez prometteuses pour qu'on les examine plus à fond dans le contexte du G7.

Nous savons que des recherches ont déjà été réalisées à ce sujet, notamment au ministère des Finances du Canada. Comme les idées de ce genre n'en sont encore qu'à leurs balbutiements, nous sommes toutefois encore loin d'en décider. Même ses partisans reconnaissent volontiers que:

[...] une étude de faisabilité approfondie s'impose pour analyser la mécanique très complexe des transactions en devises étrangères [...].

C'était en 1995, il y a trois ans, bientôt quatre ans: "Une étude de faisabilité s'impose." Qu'est-ce que le gouvernement a fait de ces recommandations? Qu'est-ce que le gouvernement a fait, depuis mai 1995, avec cette recommandation de création d'un comité d'étude? On ne l'a jamais vu.

En terminant, j'ai un amendement à proposer à la motion M-239. Je propose:   

Que la motion soit modifiée par substitution des mots "décréter une taxe sur les transactions financières" par ce qui suit:

"favoriser la mise en place d'une taxe visant à décourager la spéculation sur les variations de taux de change".

On précise l'aspect de "transaction", tel que je l'ai mentionné en début de discours, et on retrouverait l'essence de la taxe Tobin en acceptant cet amendement à la motion M-239.

Je souhaite que tous les parlementaires de la Chambre appuient cet amendement et, par la suite, la motion M-239.

[Traduction]

Le président suppléant (M. McClelland): La présidence a obtenu tout à l'heure un avis à propos de l'amendement, qui est jugé recevable.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, je félicite mon collègue du Nouveau Parti démocratique d'avoir saisi la Chambre des communes de cette question.

Lorsque James Tobin a lancé l'idée d'une taxe Tobin il y a 20 ans, l'idée n'a pas fait grand vague, comme il l'a dit lui-même. En fait, elle a coulé à pic. Nous entendons périodiquement parler d'une taxe Tobin, et l'idée réapparaît typiquement à des moments de bouleversement économique.

Dans le contexte actuel, alors qu'il se transige pour 1,3 billion de dollars d'actions quotidiennement sur les marchés mondiaux, l'idée a resurgi à la façon du monstre du Loch Ness. Ce monstre apparaît périodiquement. Certains le voient et d'autres non, comme d'habitude à des périodes de bouleversement.

Le député nous a rendu service en soulevant la question de sorte que nous puissions discuter de la taxe Tobin à la Chambre. La taxe Tobin m'inspire de vives inquiétudes. Non que je ne reconnaisse l'importance de mettre au point des dispositifs de contrôle des marchés ou de trouver un moyen de prévenir le genre de désastres financiers que nous avons vus en Asie du Sud-Est et auparavant au Mexique, de même que dans le cas de la Barings Bank et de certaines des retombées de ce fiasco, ou dans le cas de la BCNI. Les désastres du genre ont causé beaucoup de tort non seulement aux économies des États où ils se sont produits, mais aussi à l'économie mondiale.

Je ne suis pas d'accord avec l'idée de la taxe Tobin. Il y a à cet égard une certaine dose de naïveté économique qui ne tient pas compte de certaines des conséquences non intentionnelles de ce genre de taxe. L'une des choses importantes que nous devons particulièrement chercher à protéger dans une société mondiale basée sur le savoir, c'est l'efficacité de nos marchés financiers. Cela ne peut que nous être bénéfique à plusieurs égards.

Ces dernières semaines et ces derniers mois, nous avons assisté à la crise asiatique et avons vu les problèmes qui en ont résulté. Ce que nous devrions nous demander, ce n'est pas si une taxe Tobin aurait pu ou non empêcher la crise asiatique—certains diront que oui, d'autres diront que non—mais plutôt pourquoi les spéculateurs financiers ont pu au départ spéculer sur les marchés asiatiques. La raison, c'est que les gouvernements en Asie du Sud-Est avaient des politiques fiscales incompatibles avec leurs politiques monétaires.

Les spéculateurs l'ont bien vu et ont trouvé là la possibilité de gagner de l'argent. Ce faisant, ils ont remédié à ce qui n'allait pas dans ces économies, plus rapidement que si nous avions eu une taxe Tobin. C'est comme demander à un pays ayant des lacunes structurelles dans ses politiques fiscales ou monétaires s'il préfère mourir lentement au bout de son sang ou être frappé par un autobus et se retrouver à l'hôpital. Le fait est que les spéculateurs en monnaie sont comme un autobus; ils attirent très rapidement l'attention du monde sur les économies en pleine hémorragie et nous amènent à les aider beaucoup plus vite, au moyen de solutions valables à long terme axées sur le marché, qui s'avéreront finalement les meilleures.

M. Tobin a dit au début que la taxe serait comme du sable dans l'engrenage de la finance internationale. J'estime que les personnes qui croient qu'on peut, avec quelque chose comme la taxe Tobin, jeter du sable dans l'engrenage de la finance nationale, se mettent la tête dans le sable. Il s'agit d'une énorme entreprise internationale à laquelle les Canadiens peuvent participer et cela, avec succès, si l'on crée dans l'économie canadienne les stimulants et les éléments structuraux appropriés, de même que les rendements qu'il faut. En fait, la taxe Tobin travaillerait contre nous.

L'idée d'imposer une taxe sur les opérations de change a l'air plutôt innocente en ce qu'elle rendrait les spéculations plus coûteuses et, dans les propositions, ses partisans prétendent que cela inhiberait la spéculation. La question qu'il faut se poser, c'est si la spéculation peut entraîner des corrections qui supprimeront éventuellement la capacité des gouvernements de prendre de mauvaises décisions ou d'adopter des politiques financières extravagantes qui ne seraient pas soutenables à long terme, est-ce que nous voulons y faire obstacle? L'idée d'une taxe financière destinée à rabrouer les marchés financiers surgit périodiquement et la plupart des économistes reconnaissent que la taxe Tobin ne fonctionnerait pas et ne serait pas souhaitable. Le principal probable est en un de force exécutoire.

Même si tous les pays de l'OCDE signaient, ce qui serait un grand pas, les transactions fuiraient vers Singapour ou d'autres pays comme les îles Cayman qui verraient là une occasion extraordinaire à saisir. La taxe devrait frapper toute une gamme de transactions financières, et pas seulement les transactions sur les changes.

Parmi les transactions financières les plus difficiles à contrôler et qu'il serait presque impossible d'assujettir à une taxe Tobin sont celles qui portent sur les instruments dérivés. Ces instruments et d'autres instruments financiers de plus en plus complexes sont de plus en plus courants sur les marchés mondiaux, et la taxe Tobin ne pourrait rien y changer.

Je pourrais passer 20 minutes à décrire la taxe Tobin et les difficultés que j'y vois. L'ONU décrit la taxe Tobin comme une sorte de proposition des Luddites, car elle vise à inverser un mouvement à la baisse dans le coût des transactions financières internationales. Nous devrions examiner certaines des mesures envisageables, et c'est pourquoi je suis heureux que ce débat se fasse à la Chambre. Nous devrions notamment travailler de concert avec le FMI à l'amélioration de la communication des renseignements afin que nous voyions plus rapidement ce qui se passe ailleurs. Il faut améliorer la capacité des gouvernements à communiquer des renseignements. Il faut rendre les politiques gouvernementales plus transparentes, ce qui va tout à fait dans le sens opposé de ce que fait le gouvernement actuel.

Au moment de la crise du dollar cet été, le gouvernement a rejeté la faute sur les spéculateurs de devises, le premier ministre se comportant comme le président Suharto. Il a rejeté la responsabilité de la faiblesse du dollar canadien sur les spéculateurs de devises, alors que ces sont les obstacles structuraux à la croissance de l'économie canadienne qui sont les grands responsables. Ce ne sont pas les spéculateurs de devises. Ce sont plutôt les gouvernements, qui poursuivent des politiques économiques irréalistes, qui ne font pas preuve d'ouverture et de transparence avec les marchés internationaux afin de les renseigner sur les pratiques qui nuisent à leur crédibilité et provoquent des situations comme celle de la baisse systématique du dollar canadien ou encore la crise que connaît l'Asie du Sud-Est, où la politique monétaire n'allait pas de pair avec la politique budgétaire.

Le président suppléant (M. McClelland): La période réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. L'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

Comme il est 18 h 30, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 30.)

 


 

Débat no 2 (3 février 1999)

LA TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 28 octobre 1998, de la motion et de l'amendement.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur la motion M-239. Il est rare que je prenne la parole à la Chambre des communes et c'est principalement parce que, la plupart du temps, lorsque je veux avoir la parole, ce n'est pas possible et aussi parce que je ne parle que lorsque j'ai quelque chose à dire.

Je sais que le député a l'intérêt de notre pays à coeur lorsqu'il déclare que les spéculateurs sur les marchés financiers ont apparemment une part de responsabilité dans les problèmes que vivent beaucoup de pays qui n'ont pas beaucoup de pouvoir dans le domaine financier.

J'ai une question à poser au sujet de la taxe sur les transactions financières, dite aussi taxe Tobin. Les économistes sont toujours prêts à nous dire ce que nous voulons entendre ou ils peuvent concevoir toutes sortes de modèles pour nous démontrer ce qui est bon et ce qui ne l'est pas.

D'après ce que je comprends, la meilleure façon d'éviter un désastre financier, c'est d'avoir une bonne gestion, une bonne politique financière, de bons régimes et des lois qui encadrent bien les institutions financières et les personnes qui font des transactions financières.

En deuxième lieu, l'idée que des étrangers seraient à l'origine de la spéculation serait apparemment un mythe. Il y a beaucoup de personnes âpres au gain dans le monde. Machiavel disait: "Le puissant fera ce qu'il peut et le faible endurera ce qu'il doit." Il y a des gens comme cela dans ce monde, peu importe le genre de situation dans laquelle ils sont. Si nous donnions 1 million de dollars à chacun des 30 millions de Canadiens, certains d'entre eux seraient très généreux. Ils voudraient aider leurs voisins et se ficheraient pas mal de l'argent. Dix ou quinze ans plus tard, beaucoup d'entre eux n'auraient plus un sou alors que d'autres seraient très riches et diraient: "Tout va bien, merci beaucoup. Nous n'avons aucune pitié pour tous ces gens qui n'ont plus d'argent. Qu'ils souffrent parce qu'ils n'ont pas fait ceci ou cela."

Ce n'est pas un monde où il fait bon vivre. C'est un monde où règne la loi de la jungle. Parfois les gens me disent que les libéraux sont mous. Je peux être aussi fort et aussi méchant que n'importe quel de mes collègues.

Mais si on va dans la jungle, comme je l'ai fait une fois, et qu'on regarde les vraies bêtes sauvages, on voit qu'elles ne portent pas de costumes trois pièces. Elles sont laides. Elles se roulent partout, sentent mauvais et sont méchantes.

Certains de ceux qui portent des smokings, se baladent en limousine, vivent dans des palaces et ont des serviteurs et des esclaves trouvent ça merveilleux, mais ce n'est pas un environnement sain. Dans ce genre d'environnement, les gens ne sont même pas aimés de leurs employés.

Je vais revenir au deuxième point que je veux soulever. Pour certaines personnes, la spéculation commence dans leur propre pays. Elles comprennent les règles. Elles comprennent les règlements. Ce sont les courtiers ou les banquiers locaux qui donnent ces tuyaux. Ce sont eux les déclencheurs. C'est comme l'affaire BRE-X. Les choses font boule de neige. Puis arrivent les spéculateurs. Les spéculateurs entrent en jeu. Si on pouvait percevoir un peu d'argent à chaque fois que quelqu'un conclut une transaction, ce serait bon pour le bien commun de tous les Canadiens et cela n'arriverait pas.

Le troisième problème, qui est probablement la raison la plus importante pour laquelle cette taxe Tobin ne fonctionnerait pas, c'est que dans ce monde, les échanges ont lieu dans beaucoup de pays. Les capitaux iraient dans les pays qui ne perçoivent pas de taxe sur les transactions.

Je sais que ce que nous faisons dans cette Chambre est très important et que, en tant que législateurs, nous discutons de la manière de réglementer les choses, mais je dois dire que personnellement je ne suis pas ici uniquement pour adopter des lois. Le première fois que j'ai été élu, un vieux fermier m'a dit: "Allez à Ottawa, mais n'adoptez pas tout plein de règlements que vous allez mettre sur une tablette quelque part. Rappelez-vous de temps en temps les dix commandements. Vous pouvez aller loin avec ça."

Quoi qu'il en soit, il arrive parfois que nos collègues proposent de bons projets de lois, et il y a beaucoup de bons projets de loi d'initiative parlementaire qui ont été adoptés à la Chambre des communes. Ce qu'il y a de bien avec les projets de loi d'initiative parlementaire, c'est que nous en débattons. Nous les étudions sous tous les angles et de long en large. Parfois, les bonnes idées sont reprises par les ministres, par des collègues ou par d'autres groupes. Ne perdons pas de vue que nous ne sommes pas ici uniquement pour adopter des règlements, les présenter dans un beau document et les ranger quelque part sur un tablette, à moins qu'on ne les mette en oeuvre pour s'apercevoir plus tard qu'ils ne marchent pas et qu'ils ne font qu'empirer les choses.

On me dit que le ministre des Finances et son ministère ont étudié la question. Nous comprenons parfaitement la préoccupation du député, mais le Canada exerce déjà un leadership international. Nous avons tout ce qu'il nous faut pour nous attaquer aux causes sous-jacentes de la volatilité des marchés financiers. Les gros marchés financiers sont loin d'être des institutions parfaites.

Le défi qui se pose à nous, à ce qu'on me dit, est de trouver la meilleure façon de régler ces problèmes que les économistes appellent l'imperfection du marché. En gros, aucun marché n'est parfait.

Les partisans de la taxe Tobin avancent qu'une mesure de ce genre mettrait du sable dans les rouages du monde financier international en prélevant un tout petit pourcentage sur un cambiste. Voici l'argument avancé. Cela découragerait la spéculation. Cela stabiliserait les marchés financiers sans gêner indûment le commerce ou les investissements à plus long terme.

D'autres sont attirés par les recettes que générerait une telle taxe. Il y a beaucoup de gens qui lorgnent vers ces fonds de corruption, ces montants puisés dans les poches des contribuables. Les politiciens aimeraient bien pouvoir en user à leur guise et collecter ainsi des fonds qui, pensent-ils, permettraient de financer et d'améliorer beaucoup de programmes valables.

Nous avons déjà des régimes destinés à augmenter les impôts. Ces régimes sont très bien conçus. Le débat est très pertinent mais, pour ma part, je suis de ceux qui croient que ce n'est pas la voie que devrait emprunter le gouvernement, et cela pour les raisons que j'ai mentionnées.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Madame la Présidente, j'ai été très heureux d'entendre ce que mon collègue de Bruce—Grey avait à nous dire. Comme il l'a souligné lui-même, il est rare qu'il prenne la parole à la Chambre, mais j'aimerais qu'il le fasse plus souvent. Son opinion sur le sujet est certes très valable. J'ai également beaucoup apprécié la déclaration qu'il a faite hier. Toutes les chaînes du réseau national l'ont montré alors qu'il pleurait la mort du célèbre rongeur de sa circonscription.

Je suis ici ce soir pour parler de la motion déposée par mon collègue de Regina—Qu'Appelle sur la question de la taxe sur les transactions financières. De l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait faire preuve de leadership et adopter une telle taxe sur les transactions financières, de concert avec tous les pays de l'OCDE.

Comme plusieurs des idées présentées par mes collègues du Nouveau parti démocratique vieillissant, je dois avouer qu'il s'agit là d'un noble projet qui s'appuie sur un objectif positif et réfléchi puisqu'il vise à trouver un moyen pour les gouvernements d'imposer une certaine discipline dans le domaine des marchés des valeurs et des échanges financiers de plus en plus complexe qui semble souvent hors de contrôle pour bon nombre d'entre nous. Comme tous les Canadiens, je crois que nous ressentons tous de temps à autre un sentiment d'impuissance à l'idée que nous voguons sur une mer dans laquelle des billions de dollars sont échangés tous les jours de façon électronique entre des partenaires mondiaux, ce qui entraîne des répercussions sur notre niveau de vie, sur la valeur de notre dollar, sur notre pouvoir d'achat au niveau international et même dans une très grande mesure, au-delà de notre propre contrôle en tant que particulier, ou en tant que collectivité ou gouvernement. Je reconnais donc la frustration qui donne l'impulsion que l'on retrouve à la base de cette motion.

Ce serait merveilleux de pouvoir mettre en place un instrument de politique budgétaire, une taxe par exemple, pour apaiser la nature destructrice et irrationnelle de ces marchés des changes spéculatifs? Je l'admets. Ce serait merveilleux aussi de pouvoir vivre dans un monde où chacun jouirait d'un excellent niveau de vie, où la pauvreté, le chômage et les inégalités économiques n'existeraient pas. Malheureusement, ce n'est pas le monde où nous vivons. C'est un monde qui n'existera jamais, un monde utopique. Il y a des choses que le gouvernement ne peut tout simplement pas faire. L'une des lois fondamentales de l'économie, c'est que les gens agissent généralement dans leur propre intérêt et dans l'intention de maximiser leurs rendements. C'est un fait irréfutable de l'histoire économique.

Ce que je dis essentiellement, c'est que l'imposition d'une taxe sur les transactions financières comme le propose cette motion ne serait ni réalisable, ni efficace et entraînerait en fait des conséquences imprévues qui auraient, sur les pays industrialisés comme le Canada, des effets nettement plus dévastateurs que les caprices des marchés actuels des devises.

Un exemple qui me vient à l'esprit, ce sont les conséquences imprévues qu'entraînent les décisions des gouvernements qui choisissent d'utiliser la politique fiscale pour arriver à certains résultats. Au XVIe siècle, en Angleterre, la Couronne cherchait un moyen efficace d'imposer une taxe sur la fortune.

Les percepteurs d'impôts ont alors remarqué que les gens les plus riches avaient tendance à avoir des maisons présentant un luxe relativement nouveau à l'époque, c'est-à-dire des fenêtres. On construisait alors un peu partout au pays d'adorables maisons de style Tudor avec des fenêtres. Les percepteurs d'impôts ont alors décidé de conseiller à la Couronne de créer un impôt sur les fenêtres. C'était une idée brillante pour faire payer les riches. La version XVIe siècle du NPD a alors déclaré: "Prenons l'argent des riches pour le redistribuer aux pauvres; créons une économie à la Robin des Bois dans cette bonne vieille Angleterre."

On a donc créé cette taxe dissuasive sur les fenêtres. Les percepteurs d'impôt se sont alors promenés de ville en ville. Ils comptaient les fenêtres de chaque maison et déterminaient la taxe en fonction de leur nombre. On peut imaginer les conséquences qui s'ensuivirent et que les percepteurs auraient été incapables d'imaginer avec leur pensée simpliste. Ce qui s'est produit, c'est que tout le monde au pays a bouché ses fenêtres et a gardé sa maison dans le noir pour éviter les impôts.

Cette merveilleuse nouvelle invention de l'architecture de la Renaissance, la fenêtre, a été placardée et aveuglée en raison de cette taxe qui visait à assurer une certaine équité. Encore aujourd'hui, si vous visitez certains petits villages d'Angleterre, vous verrez la trace d'anciennes fenêtres maintenant recouvertes de plâtre. On voit les signes concrets des conséquences imprévues. C'est le genre de réaction naturelle, inévitable, historique et humaine aux efforts de l'État pour soutirer aux gens des impôts perçus sur certaines activités données.

Cela s'est vu dans l'histoire plus récente. D'autres économies industrielles ont essayé d'imposer une taxe sur des transactions financières comme celle qui est envisagée dans la motion dont nous sommes saisis. Nous avons vu que des pays comme le Brésil, la Suède, le Japon, l'Allemagne et la Suisse ont tous, depuis environ cinq ans, supprimé ou éliminé les taxes sur les transactions financières qu'ils avaient imposées à un moment donné principalement sur les négociations d'actions et d'autres instruments financiers. Au Royaume-Uni, même si les autorités n'ont pas encore éliminé la taxe sur les transactions financières, qu'elles avaient imposée sur l'enregistrement des valeurs mobilières, elles l'ont réduite de moitié en 1986.

Pourquoi tous ces pays, qui touchaient en théorie des recettes grâce à ce léger prélèvement sur les transactions financières, ont-ils fini par l'éliminer? C'est parce qu'ils ont constaté que, tout comme dans le cas de la taxe sur les fenêtres, ces taxes sur les transactions financières étaient contre-productives.

À cause de l'imposition d'un prélèvement sur les négociations de valeurs mobilières, d'actions et d'autres instruments financiers, l'activité sur leurs marchés des actions avait diminué, de même que les enregistrements de valeurs mobilières. Pourquoi? Parce que les investisseurs, agissant rationnellement dans leur intérêt personnel, avaient déménagé leurs investissements financiers, leurs négociations d'actions et ainsi de suite dans d'autres pays.

L'assiette fiscale dont ces gouvernements avaient cherché à tirer des recettes s'est mise à diminuer. À cause de l'imposition de cette taxe, non seulement les recettes tirées de cette source ont diminué d'année en année à mesure que les investisseurs déplaçaient leurs négociations d'actions hors du pays, mais cette taxe est devenue complètement contre-productive parce que toutes les taxes sur les transactions financières avaient une incidence négative sur la croissance économique.

Il n'y a absolument aucun doute que nous verrions des conséquences non voulues similaires si le Canada et d'autres pays de l'OCDE imposaient une taxe internationale dans le style de celle que propose l'économiste James Tobin dans sa maintenant célèbre taxe Tobin. Il n'y a aucun doute qu'il serait impossible d'obliger tous les pays du monde à adopter une telle taxe. Il serait également impossible d'imposer des sanctions contre les pays souverains qui refuseraient de le faire.

Même si nous réussissions à persuader tous les 26 pays de l'OCDE et tous les pays du G7 d'imposer un prélèvement de 1 ou 0,5 p. 100 sur les transactions financières, ce dont je doute fort, il resterait encore quelque 130 pays souverains à persuader d'adopter ce genre de taxe.

Certains pays feraient inévitablement ce que font actuellement des paradis fiscaux comme Grand Caïman, les Bermudes, la Suisse et les îles Anglo-Normandes, soit servir de refuges pour les investissements. Nous constaterions que les capitaux fuient vers les pays les plus bienveillants, et il en résulterait une énorme distorsion sur les marchés financiers internationaux, ce qui serait désastreux pour les marchés boursiers, ainsi que pour la prospérité et les perspectives économiques de pays comme le Canada.

Malgré le respect que je dois au député de Regina, cette proposition est bonne, mais irréalisable. Elle ne pourrait pas fonctionner. Ne nuisons pas à l'économie du Canada en imposant un régime fiscal international aussi irréalisable.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer à ce débat qui m'apparaît très important, compte tenu de mes valeurs personnelles.

Je veux d'emblée féliciter mon collègue de Regina—Qu'Appelle d'avoir présenté la motion M-239 qui se lit comme suit:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait faire preuve de leadership et décréter une taxe sur les transactions financières de concert avec la communauté internationale.

Cette motion a déjà fait l'objet d'un amendement présenté par mon collègue de Repentigny, amendement qui se lit comme suit:

Qu'on modifie la motion en retranchant les mots "décréter une taxe sur les transactions financières" et en les remplaçant par ce qui suit:

"favoriser la mise en place d'une taxe visant à décourager la spéculation sur les variations de taux de change".

Je souhaite que la majorité de nos collègues députés de cette Chambre votent en faveur de l'amendement et en faveur de la motion principale, car c'est tout à l'honneur du député de Regina—Qu'Appelle d'avoir inscrit cette motion qui nous interpelle dans le cadre du débat sur la mondialisation. C'est une belle illustration de la mondialisation, du rapetissement de la planète, quand on sait qu'avec les moyens très sophistiqués sur le plan de la technologie, aujourd'hui, on peut faire des transactions financières 24 heures par jour, sept jours par semaine, et intervenir de façon majeure dans les économies de tous les pays du monde.

On ne s'est pas gênés pour le faire. C'est pour cela que cette motion, cette "taxe Tobin", aujourd'hui, prend un intérêt de plus en plus marqué, compte tenu de l'évolution des choses.

Cette "taxe Tobin", on le sait, a pour but de taxer de façon minimale, un dixième de 1 p. 100, les transactions financières qui se font sur les devises dans le monde. Le volume de ces transactions, et c'est là que ça devient intéressant, est de l'ordre, semble-t-il, de 1 500 à 2 000 milliards par jour. On a du mal à s'imaginer ce que cela représente, 1 000 milliards par jour. C'est de cet ordre de grandeur. Cela fait en sorte qu'au bout d'un an, à un dixième de 1 p. 100, cela représente un montant de 150 à 175 milliards qui serait enregistré comme fonds mondial, géré par l'ONU ou par un autre organisme mandaté pour ce faire par l'ensemble de la communauté internationale. Cela ferait en sorte—et c'est très important—qu'enfin, il y ait une meilleure distribution de la richesse.

On aurait un mécanisme qui viendrait freiner les élans des spéculateurs outranciers qui jouent avec les devises des pays, parfois les plus faibles. On ferait d'une pierre deux coups avec ce fonds mondial qui pourrait lutter réellement, avec des moyens efficaces à sa disposition, contre la pauvreté sur toute la planète.

Cela aurait comme effet d'assurer une meilleure distribution de la richesse. Cela aurait pour effet de contrer les effets pervers de la mondialisation et de freiner les élans du néolibéralisme débridé auquel nous assistons depuis de trop nombreuses années déjà.

On a vu ces spéculateurs anonymes, irresponsables sur le plan social, qui n'ont de compte à rendre à personne et qui ont comme tâche de "pitonner" sur des ordinateurs, partout sur la planète et de vérifier ce qu'il en est des taux d'intérêt qui sont très faibles, de favoriser l'intérêt de leurs clients, et ce, au mépris des intérêts collectifs, des intérêts nationaux.

Quand on parle des intérêts nationaux, on ne parle pas de choses en l'air. On parle de ce qui est arrivé au cours des récentes années, en commençant par l'Asie, au Japon, en Malaisie, en Corée, en Indonésie. Toute la Russie y est passé depuis que le Mur est tombé. C'est rendu un paradis pour tout ce qui est de fraudeurs et de criminels et où on ne semble pas avoir réussi à prendre le contrôle. On a vu aussi, il y a quelques années, le Mexique vivre des moments excessivement difficiles, comme le Brésil en a vécu récemment.

Donc on attaque de plein fouet des économies qui souvent sont développées—pensons au Japon—ou toujours fragiles—comme en Indonésie peut-être—et on fait en sorte que, du jour au lendemain, ces économies vivent des mouvements dévastateurs. On pourra le voir tantôt à même le document que je vais lire. Cela a des effets dévastateurs sur les économies et sur les individus qui vivent dans ces économies.

Heureusement qu'il y a une prise de conscience qui se fait internationalement. Je voudrais en profiter pour remercier M. Charles F. Johnston, un monsieur de Saskatoon, sur la 5e avenue nord, qui m'a écrit pour me sensibiliser au débat et m'inviter à y participer, et je l'en remercie. Il résume très bien la problématique avec la taxe Tobin: "Une telle taxe non seulement imposerait quelques contraintes sur la spéculation à court terme mais, en même temps, générerait un fonds destiné à soutenir la croissance économique et restaurer les programmes sociaux partout dans le monde".

Comme je disais, il y a une prise de conscience—et M. Johnston en est une illustration—qui est particulièrement bien articulée en France. Ce n'est pas nouveau. On connaît l'acuité des français pour les questions sociales. Ils ont toujours été à l'avant-garde et ils le demeurent. Ils le sont par le biais d'un journal que vous connaissez sans doute, madame la Présidente, Le Monde Diplomatique, qui publiait, en janvier de cette année, un article formidable qui traite de la question et qui s'intitule: "Pour la refonte du système financier international: à la racine du mal". La racine du mal pour Le Monde Diplomatique, c'est de traiter des transactions financières, notamment celles au niveau des devises et du taux de change.

Je cite rapidement quelques extraits: "Ainsi, depuis le crash de l'hiver 1994-1995, la moitié de la population mexicaine est tombée au-dessous du seuil de pauvreté. La malnutrition et la famine reviennent au galop en Indonésie. En Russie, dix ans de libéralisme économique ont davantage fait pour salir la réputation du capitalisme, que 70 ans de propagande du socialisme "réel". Ainsi, l'espérance de vie des hommes a chuté de sept ans, fait sans précédent au XXe siècle. En Corée et en Thaïlande s'étend le phénomène des suicides "FMI". Des travailleurs licenciés et sans ressources entraînent dans la mort femmes et enfants, faute de pouvoir les faire vivre."

Un autre passage de ce très bon texte souligne: "Les 20 p. 100 supérieurs de l'humanité accaparent 86 p. 100 des richesses, alors que les 20 p. 100 inférieurs n'en reçoivent que 1,3 p. 100. On le sait, on le répète à satiété, à chaque année l'écart se creuse en même temps que diminue l'aide publique au développement. C'est avant tout la dette qui grève l'avenir du Sud, surtout celui des pays les moins avancés en train de disparaître quasiment de la face du monde à cause d'une dette qu'ils ne peuvent rembourser et qu'ils ne rembourseront jamais.

Les pays les moins avancés consacrent en moyenne plus de 20 p. 100 de leurs recettes d'exportation au service de cette dette. Si ce taux était réduit à 1 p. 100 ou à 2 p. 100, comme cela fut le cas pour l'Allemagne après la guerre, ces pays pourraient investir les économies réalisées dans la santé, l'éducation, l'environnement, engendrant un cercle vertueux. Plus un pays privilégierait le capital humain et le développement durable, plus sa dette serait allégée, jusqu'à disparaître complètement".

C'est ce à quoi servirait notamment le Fonds international qui serait formé à même cette taxe Tobin sur les transactions, sur la spéculation et sur les devises étrangères.

En France, toujours, et je veux le porter à votre attention, il y a une association qui s'appelle l'Association pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens, l'ATTAC.

Son objectif est de dénoncer la mondialisation financière qui aggrave l'insécurité économique et les inégalités sociales, qui contourne et rabaisse les choix des peuples, des institutions démocratiques et des États souverains en charge de l'intérêt général. Elle veut faire la démonstration qu'il est nécessaire et possible, contrairement à ce qu'on dit, pour les citoyens, de faire prévaloir l'intérêt public sur ceux des marchés financiers et des entreprises transnationales. Cette association a pignon sur rue à Paris et a un site Internet. J'invite tout le monde à la contacter.

[Traduction]

M. Gilles Bernier (Tobique—Mactaquac, PC): Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur la motion du député de Regina—Qu'Appelle, qui demande que nous imposions une nouvelle taxe sur les transactions financières.

Pendant le congé de Noël, j'ai eu l'occasion de parcourir ma circonscription et de discuter avec bon nombre de mes électeurs, comme j'aime le faire lorsque la Chambre ne siège pas. J'ai aussi organisé un certain nombre d'assemblées publiques et tenu de nombreuses réunions privées où les électeurs ont pu exprimer leur avis sur bien des questions. Les participants à ces rencontres m'ont dit qu'il fallait plus d'argent pour améliorer les soins de santé. Ils ont réclamé plus d'emplois et de plus grandes possibilités pour le Canada rural. Bien des gens m'ont dit que les dirigeants politiques devaient tenter de résoudre le problème de l'unité nationale.

Au cours de tous les déplacements que j'ai effectués et de toutes les discussions que j'ai eues ces six dernières semaines, pas une seule personne ne m'a dit que notre pays avait besoin d'une nouvelle taxe. Depuis mon élection en juin 1997, pas une fois un électeur ne m'a demandé d'augmenter ses taxes et ses impôts.

Je lis plusieurs journaux par jour. Je parcours de nombreuses coupures de presse. Certains auront peut-être du mal à me croire, mais je ne me souviens pas d'avoir lu un article ou un éditorial où l'on demandait au gouvernement d'augmenter les taxes ou d'en imposer une nouvelle. Pourtant, nous discutons aujourd'hui de la façon dont nous pourrions aller chercher encore plus d'argent dans les poches de tous ceux et celles qui, au Canada, travaillent dur pour gagner leur vie.

J'ai écouté d'autres députés nous parler inlassablement de James Tobin, du Fonds monétaire international et de la crise financière qui secoue l'Asie. Je vais plutôt vous dire, moi, pourquoi ce n'est pas une bonne idée de vouloir imposer une nouvelle taxe.

Les députés des deux côtés de la Chambre ne doivent surtout pas oublier que toute augmentation de taxe ou d'impôt a des répercussions bien réelles sur la vie de chacun des Canadiens. Chaque fois que j'entends un politicien suggérer une augmentation d'impôt, je pense à un homme de ma circonscription du nom de John Minard. Il ne venait pas d'une famille riche et n'a pas toujours eu la vie facile, mais il a tiré le meilleur parti de ce qu'il avait et il a partagé ses succès avec d'autres.

John a monté une entreprise florissante de matériaux de construction qui donne du travail aux membres de sa famille et à de nombreux habitants de sa collectivité. Sa famille et lui-même ont travaillé très dur pour assurer la réussite de cette entreprise et veiller à répondre en tout temps aux besoins de la famille.

John était généralement le premier à arriver au travail le matin et le dernier à partir le soir. Il travaillait six jours par semaine pour veiller à ce que sa famille et ses employés aient un emploi et puissent payer leurs factures. Toutefois, John Minard ne s'est pas contenté de subvenir aux besoins de sa très grosse famille. Il a toujours eu le sentiment qu'il devait redonner quelque chose à la collectivité et c'est ce qu'il a fait. Il a consacré du temps et de l'argent au hockey mineur, au baseball, au softball pour enfants. Il était membre du club Rotary local et il avait toujours de l'argent pour le Christmas Miracle for Kids.

Malheureusement, John Minard n'est plus parmi nous. Il est mort il y a un peu plus d'un an seulement. Si je parle de lui, ce n'est pas simplement pour rendre hommage à ce brave homme, mais pour signaler une chose à notre collègue néo-démocrate. Il y a de nombreux John Minard dans toutes les collectivités du pays. Partout au Canada, il y a des gens qui travaillent jour et nuit et les fins de semaine pour veiller à ce que leur famille puisse se nourrir convenablement. Ce sont les mêmes gens qui ont toujours quelques dollars pour les scouts, pour les campagnes de financement des hôpitaux ou pour de nombreuses autres bonnes causes dans leurs collectivités.

Avant que nous allions de l'avant et augmentions les impôts, je veux que nous envisagions ceci. Quel que soit le projet auquel nous consacrerons cet argent frais, nous viendrons prendre de l'argent aux John Minard de ce pays. Ce projet est-il suffisamment important pour que des gens comme John Minard aient moins d'argent pour nourrir leur famille? Est-il si important d'obtenir de l'argent pour les initiatives que mettent de l'avant les députés chaque semaine que nous devrions priver de cet argent tous les enfants vivant dans la collectivité de John Minard qui ont profité de sa générosité? Je ne le pense pas.

Oui, je comprends que notre collègue pense qu'il serait bon que tous les pays et toutes les principautés du monde acceptent de prendre des mesures pour s'attaquer aux méchants spéculateurs sur les devises, mais il ne faut le faire au détriment des John Minard de ce monde.

Beaucoup de Canadiens achètent des obligations d'épargne du Canada et épargnent pour leur retraite. Ce sont les gens qui devraient payer cette nouvelle taxe. Faut-il absolument mettre en place cette nouvelle taxe à la mode, simplement pour pouvoir dire que nous avons montré aux spéculateurs de Singapour qui mène réellement? N'est-il pas plus important que les enfants qui jouent au hockey mineur à Woodstock, au Nouveau-Brunswick, puissent compter sur des gens comme John Minard et ceux qui ont suivi ses traces et aident la collectivité? À mon avis, il faut appuyer les gens laborieux et généreux comme John Minard dans nos collectivités et oublier cette taxe.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Madame la Présidente, je tiens à dire tout d'abord quelle joie c'est pour moi de participer aujourd'hui au débat. Et si je peux participer aujourd'hui au débat, c'est grâce à mon collègue, le député de Regina—Qu'Appelle. J'ai eu le plaisir d'appuyer ce projet de loi. En un sens, j'en suis le co-auteur.

C'est intéressant de suivre le débat et de voir comme tous les intervenants parlent contre les gens qui font de la spéculation sur les monnaies. Tout le monde est contre ceux qui gagnent leur vie en spéculant sur les devises. Je n'ai encore entendu personne prétendre le contraire et dire que ces gens-là sont plutôt utiles, qu'ils sont bons pour l'économie ou qu'ils font de bonnes choses pour la société en général.

Nous convenons parfaitement que ces spéculateurs, qui fonctionnent 24 heures sur 24 quelque part dans le monde, causent des problèmes et empêchent des pays souverains de développer leur économie.

En écoutant le dernier intervenant, je ne pouvais m'empêcher de songer au débat sur le contrôle des armes à feu. On a demandé pourquoi il fallait établir un contrôle des armes à feu, puisque le contrôle des armes à feu n'allait pas empêcher tout meurtre.

Personne n'a dit que cela allait empêcher tout meurtre et que la situation était toute en noir et blanc. Nous avons le contrôle des armes à feu au Canada pour essayer de réduire le nombre des meurtres. Et je crois que nous avons réussi.

Tout compte fait, on peut contester l'opportunité du contrôle des armes à feu, mais le fait est que nous ne nous promenons pas tous avec une arme comme au Texas et cela fait du Canada un endroit meilleur et plus sûr où vivre. Le Texas, où tout le monde se promène avec une arme à feu, est un endroit terrible où vivre.

À propos de ceux qui spéculent sur les monnaies, entendons-nous pour dire qu'il vaut la peine d'essayer de contrôler ces individus. Personne ne pourra me convaincre que cette spéculation a du bon pour qui que ce soit, en dehors des spéculateurs eux-mêmes et de leurs patrons.

Quand nous écoutons ce qui se dit dans les médias et les propos de certains de nos collègues, nous entendons s'exprimer une élite financière qui ne tient pas du tout à ce qu'on intervienne sur leur marché. Ils veulent carte blanche. Une liberté d'action totale. Tant pis si les manoeuvres de ces spéculateurs jettent des pays dans la misère comme cela est déjà arrivé. Nous avons failli être touchés nous-mêmes il y a à peine quelques mois. La valeur de notre dollar tombait de jour en jour. En août 1998, notre dollar diminuait perdait de la valeur de jour en jour et d'heure en heure, simplement à cause de la spéculation. Cela n'avait rien à voir avec l'état de notre économie. Mais ces fluctuations ont provoqué des problèmes. Il y a eu de l'incertitude sur le marché. Beaucoup d'investisseurs se sont mis à se demander s'ils allaient faire tel ou tel investissement important et les consommateurs s'ils allaient acheter tel produit ou service.

Et voici qu'une idée est apparue. Est-elle parfaite? Mon collègue de Regina—Qu'Appelle dit:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait faire preuve de leadership et décréter une taxe sur les transactions financières de concert avec la communauté internationale...

En d'autres termes, si la communauté internationale est d'accord, cette mesure peut s'appliquer. Nous ne pouvons agir unilatéralement. Nous ne voulons pas agir unilatéralement. Nous voulons être des chefs de file. Le monde veut que nous fassions preuve de leadership.

Je suis heureux de dire que, il y a quelques mois, le ministre des Finances était tout à fait opposé à cela, mais que maintenant, il est ouvert à l'idée. Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances dit qu'il pense que cette idée est valable. Voilà pourquoi je m'étonne que certains députés libéraux s'opposent au projet. Si le ministre des Finances et son secrétaire parlementaire pensent que c'est une bonne idée, pourquoi les libéraux d'en face la dénigrent-ils?

C'est ce qu'ils font, mais nous vivons dans un pays libre, et je comprends qu'ils puissent tenir des propos incongrus qui témoignent d'un manque d'information.

Voyons ce dont il est question. Ce dont il est question, c'est d'une sorte de taxe Tobin. En 1972, James Tobin, lauréat du prix Nobel d'économie, a été le premier à proposer l'idée d'une taxe sur les opérations de change. Celle-ci a maintenant été modernisée. La dernière chose qui a été proposée, c'est que la taxe représenterait à peine 0,1 p. 100 des transactions, de manière à ce qu'elle ne touche pas trop à la commission habituelle, et ainsi de suite. Il est juste de dire que la première tranche de 10 000 $ ne serait pas assujettie à la taxe.

Il n'est pas question ici de ceux qui achètent des obligations d'épargne du Canada, ni de ceux qui achètent une voiture. Il est question de personnes qui font de la spéculation sur les devises.

D'autres frais s'appliqueraient. En fait, cela se ferait seulement avec l'appui de la communauté internationale.

Si la communauté internationale appuyait une sorte de taxe Tobin, pourquoi le Canada ne ferait-il pas de même? J'ai écouté le leader de l'Allemagne l'autre jour. Il est en faveur d'une forme de taxe Tobin.

Je viens de revenir, il n'y a pas longtemps, du Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique auquel étaient conviés vingt-deux pays riverains du Pacifique. Ils sont convenus à l'unanimité qu'il conviendrait de créer une taxe Tobin dans leurs pays. Or, certains députés libéraux dénigrent ce concept. Ils dénigrent le leadership de l'Asie-Pacifique. À quoi donc pensent ces gens-là?

Je sais que certains députés sont la voix de l'élite financière du pays. Je comprends donc pourquoi ils n'appuient pas ce projet de loi. Toutefois, la plupart des députés qui représentent leurs électeurs à la Chambre diront: "Montrez-moi un électeur qui voterait contre cette idée d'une taxe Tobin." Si j'allais à Calgary aujourd'hui et que je demandais aux citoyens de cette ville s'ils aimaient l'idée de créer une forme de contrôle des spéculateurs sur devises, je suis prêt à parier qu'aucun d'entre eux ne dirait qu'il n'est pas favorable à cette idée.

Une voix: Il y en aurait sûrement.

M. Nelson Riis: Non, il n'y en aurait pas. Les porte-parole de l'élite financière le diraient. Je connais bien les gens ordinaires de Calgary. Ma maison précédente se trouvait en banlieue de Calgary. Les habitants de cette ville n'accepteront pas qu'on laisse libre cours aux spéculateurs sur devises, qu'on les laisse détruire l'économie de pays de par le monde, qu'ils détruisent le dollar canadien.

Nous sommes une puissance commerciale. La valeur de notre devise est capitale si nous voulons soutenir la concurrence. La stabilité de notre devise est capitale. C'est pourquoi je n'arrive pas à comprendre les députés réformistes, qui ne veulent pas que l'on injecte une dose de rationalité dans ce processus. Je le répète, nous vivons dans un pays libre. S'ils veulent se ranger du côté des spéculateurs sur devises, je n'y peux rien.

Nous sommes très enthousiastes devant cette initiative pour deux grandes raisons. Tout d'abord, elle permettrait de contrôler la spéculation internationale sur les devises. Cela ne fait aucun doute. Certains ont allégué qu'il nous fallait convaincre tous les pays de la planète pour adopter une telle mesure. Voyons cela! Sur toute la planète, 80 p. 100 du commerce des devises se fait dans seulement sept villes, soit Tokyo, New York, Londres, Singapour, Hong Kong, Francfort et Berne. Ce ne serait pas trop mal si nous pouvions contrôler 80 p. 100 des spéculateurs sur les devises.

Il existe une autre façon de faire. Si la communauté internationale se laisse convaincre, pourquoi ne ferait-on pas de la taxe une condition d'entrée au FMI, comme mon ami de Regina—Qu'Appelle l'a suggéré? Les pays qui voudraient faire partie du FMI devraient accepter la taxe. Si les principaux pays du monde souscrivent à l'idée, pourquoi un petit pays qui veut entrer au FMI refuserait-il?

Un autre grand avantage de la taxe Tobin, c'est tout l'argent qu'elle générerait pour le développement international. On avance le chiffre de 150 milliards de dollars. Cet argent pourrait servir à régler les problèmes de pauvreté et de détérioration de l'environnement dans le monde. C'est pourquoi j'ai demandé à mes vis-à-vis libéraux pour quelles raisons ils s'opposeraient à une initiative majeure qui pourrait aider à régler des problèmes graves que connaît le monde aujourd'hui. Le député devrait avoir honte.

Nous appuyons la taxe Tobin pour d'excellentes raisons. Nous appuyons avec enthousiasme la motion du député de Regina—Qu'Appelle, voulant que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait faire preuve de leadership et décréter une taxe sur les transactions financières de concert avec la communauté internationale.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer aujourd'hui au débat sur la motion présentée par le député de Regina—Qu'Appelle, qui est un homme très sérieux. J'ai eu l'occasion de prendre part à un débat avec lui il n'y a pas très longtemps au sujet du rapport du groupe de travail de notre caucus sur les institutions financières. Nous avons discuté des fusions bancaires. C'était censé être un débat, mais cela ressemblait davantage à une manifestation de soutien. J'étais un peu inquiet compte tenu de nos divergences politiques, mais la plupart des partis étaient en faveur des recommandations que nous avons faites, bien que le Parti réformiste n'ait pas dit grand-chose au sujet des fusions bancaires. Je suppose qu'il se trouvait dans une situation difficile relativement à cette question.

La motion du député de Regina—Qu'Appelle demande à notre gouvernement de faire preuve de leadership et de décréter une taxe sur les transactions financières de concert avec les pays membres de l'OCDE. Le Bloc québécois a proposé un amendement pour que cela se fasse de concert avec la communauté internationale et non seulement avec les pays membres de l'OCDE. C'est une des rares occasions où je suis d'accord avec le Bloc québécois. Si nous donnons suite à cette motion, je serais en faveur que nous envisagions d'agir de concert avec la communauté financière internationale.

En principe, j'appuie la motion de façon générale, mais nous devons clarifier un certain nombre de questions. Compte tenu des événements de la dernière année, je ne crois pas que beaucoup de Canadiens soient prêts à nier le fait que les marchés financiers mondiaux sont tous liés les uns aux autres. Il ne semble pas y avoir de doute à cet égard. La crise financière en Asie a commencé en Thaïlande il y a plus d'un an. Il y a ensuite eu une crise financière en Russie et, plus récemment, des problèmes semblables au Brésil. Ces événements se sont répercutés sur toutes les économies et les marchés financiers du monde.

Même si le dollar canadien semble vouloir remonter la pente récemment, il a vraiment été malmené. Cela est attribuable à des raisons qui, à mon avis, ne sont pas vraiment liées aux facteurs sous-jacents de l'économie canadienne. Certains diront que les marchés ont toujours raison, mais il arrive qu'ils réagissent de façon irrationnelle, et cela semble être le cas ici. On doit se demander ce qui se cache derrière cette irrationalité.

Le ministre des Finances s'efforce d'obtenir la création d'un organisme international qui surveillerait les institutions financières partout dans le monde. Cet organisme aurait sans doute pour rôle d'identifier les problèmes qui surviennent et de trouver des solutions rapides et mieux coordonnées. Je trouve cette proposition valable et je l'appuie.

D'autres solutions ont également été proposées pour contrer les effets déstabilisants de la présence des cambistes et spéculateurs, et notamment la taxe Tobin dont il a beaucoup été question aujourd'hui. Cette taxe frapperait les transactions financières individuelles. Elle ne pourrait cependant être efficace que si tous les pays l'appliquaient.

Imaginez que 27, 28 ou 40 pays dans le monde adoptent la taxe Tobin et que les autres pays n'en fassent pas autant. Il ne faudrait alors pas s'étonner que les transactions financières se déplacent vers les pays qui n'imposent pas cette taxe. La taxe ne pourrait être efficace que si tous les pays l'appliquent.

Le député d'en face a dit que le ministre des Finances trouvait que c'était une bonne idée. Le ministre est conscient que beaucoup de bonnes idées circulent. La question, pour le ministre, est de savoir lesquelles sont viables et lesquelles il appliquerait. La solution que préconise le ministre, à savoir créer un organisme international qui surveillerait les institutions financières à la grandeur de la planète, m'apparaît plus facile à réaliser.

Il est important de reconnaître que la question de la spéculation sur les marchés financiers mondiaux et ses répercussions sur les économies mondiale et nationale mérite l'attention des dirigeants du monde et de la Chambre des communes.

Le gouvernement canadien fait preuve de leadership à cet égard au sein du G7 et sur d'autres tribunes internationales. Nous pouvons trouver, ici même au Canada, des solutions pour contrer les pressions à la baisse qui s'exercent sur le dollar canadien. Statistique Canada rapportait récemment que les Canadiens investissent comme jamais auparavant dans des actions, obligations et comptes bancaires à l'étranger. Cette situation est en partie imputable aux changements que le gouvernement conservateur avait apportés, en 1990, à la règle concernant le contenu étranger des REER. La limite autorisée avait été haussée de 10 p. 100 à 20 p. 100. Il y aurait peut-être lieu de revoir cette mesure compte tenu des effets qu'elle a sur le dollar canadien.

Je suis sûr que certains députés ne seront pas de cet avis et diront qu'il faut plutôt relever le plafond actuel. Je crois cependant que nous devons faire preuve d'une grande prudence à cet égard et envisager de réduire le pourcentage actuel. Si les Canadiens veulent que leurs REER comprennent une composante étrangère, personne ne va en découdre avec eux; toutefois, pourquoi les contribuables canadiens devraient-ils soutenir cette orientation, particulièrement dans la mesure où elle pourrait avoir une incidence néfaste sur le dollar canadien?

Je suis offusqué, comme le sont certainement tous les Canadiens, lorsque les marchés financiers internationaux sont profondément perturbés par des spéculateurs.

Analysons une taxe sur les transactions financières. Nous pouvons supposer qu'une taxe semblable viserait les transactions de devises étrangères. Les cibles, faut-il l'espérer, seraient les mouvements de capitaux à court terme, car il ne faudrait vraiment pas que l'on pénalise les investisseurs lorsqu'ils font passer des capitaux d'une devise à une autre en se fondant sur un processus de prise de décisions structurel ou à long terme, pas plus qu'il ne faudrait qu'on leur interdise de le faire.

Une mise en garde, cependant. Nous entendons souvent parler de la Thaïlande où d'énormes sorties de capitaux ont provoqué une crise. Le mouvement de capital était-il le symptôme de problèmes sous-jacents plus profonds? Autrement dit, c'est l'histoire de la poule et de l'oeuf. La réponse à la question, dans le cas de la Thaïlande, est un oui catégorique; il y avait effectivement des problèmes fondamentaux sous-jacents.

De bons amis canadiens qui vivent depuis de nombreuses années en Thaïlande m'ont décrit récemment l'état de dévastation financière dans lequel se trouve ce pays. La migration des capitaux de la Thaïlande a-t-elle précipité l'apparition de la crise financière, ou est-ce la situation inverse? Il s'agit là d'une importante question.

Mes collègues qui habitent la Thaïlande estiment que trois problèmes fondamentaux sont à l'origine de l'effondrement du système bancaire. Les trois causes furent les très mauvais investissements par les banques, beaucoup de népotisme dans le système bancaire et beaucoup de corruption dans le système bancaire. Les investisseurs étrangers qui avaient de l'argent en Thaïlande ont probablement vu venir la crise et ont décidé de retirer leurs capitaux. Je pense que l'enchaînement causal des événements est important dans le cas présent et qu'il ne faudrait pas se limiter aux mouvements spéculatifs. Il y a souvent des raisons profondes qui expliquent les mouvements de capitaux.

J'applaudis les efforts du ministre des Finances en vue de la création d'un organisme international, peut-être une émanation des organismes internationaux existants, qui serait chargé de surveiller la stabilité financière de base des pays du monde et d'élaborer des stratégies et des plans d'action proactifs pour prévenir les problèmes au lieu de les régler après-coup.

Mais revenons au Canada et à la pression à la baise exercée sur le dollar canadien par rapport au dollar américain que nous connaissons depuis un an. On nous dit que cela a causé une fuite de capitaux vers ce qu'on appelle des refuges sûrs. Je trouve cela curieux puisque les facteurs économiques fondamentaux sont très forts au Canada, peut-être même les plus forts des pays développés.

Au Canada, nous continuons à vivre sous la menace d'un autre référendum au Québec. Cela crée beaucoup d'incertitude sur les marchés financiers. Je suis persuadé que cette situation a une influence sur le sort de notre dollar. Nos collègues du Bloc Québécois et le Parti Québécois au Québec devraient être tenus responsables de cet état de choses.

Je tiens à féliciter le député de Regina—Qu'Appelle pour l'intérêt qu'il a manifesté à l'égard de cet important sujet. Je crois qu'il vaut grandement la peine d'en débattre et d'en discuter à la Chambre et partout ailleurs dans le monde, dans les diverses tribunes internationales. Cette question est très importante, à mon avis. J'appuie en principe la motion et la notion qu'elle renferme, mais une discussion et un débat plus approfondis s'imposent. La motion porte essentiellement sur la nécessité pour le gouvernement de faire preuve de leadership. C'est ce que nous faisons.

M. Wayne Easter (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir participer à ce débat.

La motion dit que le gouvernement devrait faire preuve de leadership et décréter une taxe sur les transactions financières de concert avec la communauté internationale. Je félicite le député de Regina—Qu'Appelle de cette motion, que j'appuie très fortement.

Bien sûr, nous avons besoin d'un accord international et nous savons qu'il ne sera conclu que si un pays fait preuve de leadership. Cela va de soi avec un gouvernement comme le nôtre. Notre gouvernement fait preuve de leadership dans bien des secteurs. Nous pourrions certes en faire autant sur la scène internationale.

On me dit que le Canada a envisagé cette possibilité, lors du sommet de Halifax. Il est devenu évident à ce moment-là qu'un certain nombre de pays du G7 étaient farouchement opposés à cette proposition. J'admets que leur position est demeurée inchangée. Mais elle ne changera jamais, à moins que nous ne leur prouvions qu'elle doit changer et pourquoi elle doit changer. Nous devons nous engager dans un débat au niveau international et faire valoir les arguments en faveur de l'établissement d'une taxe Tobin.

Je suis conscient que, même si tous les secteurs de l'industrie se ralliaient à nous, cela ne suffirait pas à faire fonctionner la proposition. Il faut cependant commencer quelque part, et nous pouvons le faire ici. Il faudra une forte volonté politique de la part du gouvernement du Canada, et des quelques alliés que nous pourrons nous gagner au début, et il faudra exercer cette volonté politique de manière à instituer un jour une taxe Tobin.

On ne parle pas d'un fort pourcentage en l'occurrence. Il s'agirait d'un très faible pourcentage. Imaginez cependant les recettes que ce faible pourcentage permettrait de recueillir sur le volume de transactions de spéculation financière dans le monde et ce qu'il permettrait de faire pour améliorer la vie des gens partout dans le monde, au Canada, au Nicaragua, au Honduras, en Amérique centrale. Cela permettrait d'améliorer la vie des gens partout dans le monde et c'est le genre de choses que nous devrions faire.

J'ai entendu le député du Parti conservateur qui est intervenu plus tôt. Il a évoqué l'exemple d'un membre de la communauté qui faisait beaucoup de bénévolat. Je respecte ce que cette personne a fait. J'applaudis à ce qu'il a fait. Le député a cependant tenté de donner l'impression que c'était une taxe qui nuirait à cette personne. Il n'en serait rien. Je doute que cette personne spécule sur les variations du taux de change. Ce n'était pas un spéculateur financier. Qui sont ces gens?

Je suis un producteur primaire et je connais ce que c'est que la spéculation sur le marché du porc, des céréales et du boeuf. Je sais très bien que ces gens qui jouent sur ces marchés réalisent souvent de gros profits en remuant un peu de papier et en participant au marché à terme sur marchandises et ainsi de suite. Le producteur primaire qui fait tout le travail, qui prend tous les risques, qui crée l'investissement et qui fait travailler toute sa famille y compris lui-même, se trouve souvent à perdre de l'argent. Ce sont les spéculateurs qui en gagnent.

C'est encore pire si l'on examine le cas des spéculateurs financiers. Ils jouent au plus fin, et pas seulement avec les pays. Avec la nouvelle technologie, on peut déplacer des millions et même des milliards de dollars en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Une rumeur courait un moment donné à New York. Quelqu'un avait dit que le Canada était mal en point. Bien sûr, nous avons changé tout cela quand nous avons formé le gouvernement. Le Canada est tiré d'affaire. Les députés se souviendront de ce qui était arrivé quand un spéculateur apparemment respecté avait répandu la nouvelle dans le monde entier que le Canada était mal en point. Soudain, notre dollar s'est mis à baisser. C'était le jeu des spéculateurs financiers, qui savaient très bien ce qu'ils faisaient. Ils ne jouent pas au plus fin seulement avec les pays, ils le font aussi avec la vie des gens.

[Français]

Le vice-président: Je regrette d'interrompre l'honorable député.

[Traduction]

Le temps prévu pour l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulé, et l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

Je promets au secrétaire parlementaire qu'il pourra utiliser les cinq minutes d'intervention qu'il lui reste quand cet article reviendra à l'ordre du jour.

 


MOTION D'AJOURNEMENT

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

 

CANADA

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