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Le
hold-up en cours sur le vivant (au nom du “ progrès ” et de la “
compétitivité ”) est une menace pour notre avenir et celui de cette
planète. Avec
les biotechnologies (l’instrumentalisation du vivant à des fins de
profit), le secteur des semences est passé en une quinzaine d’années
sous le contrôle d’une poignée de firmes transnationales du secteur
chimique-pharmaceutique (Monsanto, Novartis, DuPont, Zeneca, Aventis...).
Or ce secteur commande l’évolution de l’agriculture et, en grande
partie, celle de l’alimentation, car le succès des innovations techniques
en agriculture dépend de la façon dont les plantes et les animaux y réagissent.
Ce
facteur génétique est resté jusqu’ici largement sous le contrôle de
la recherche agronomique publique. Les firmes industrielles qui ont
impulsé la transformation de l’agriculture au 20ème siècle (mécanisation,
engrais chimiques, naturicides divers) préféraient faire assurer par la
collectivité la tâche d’adapter les plantes (ou les animaux) à leurs
innovations. Ni McCormick ni International Harvester ne voulaient
consacrer de moyens à mettre au point des variétés de maïs ou de blé
se prêtant à la récolte mécanique. Dans tous les pays du monde, la
recherche agronomique publique a donc joué ce rôle essentiel
d’adaptation, dicté en réalité par l’agro-industrie. Son rôle
objectif - il importe peu que tout ceci ait été fait au nom de l’intérêt
général, voire de celui des paysans - a été d’assurer l’élimination
de la production paysanne pré-capitaliste. Son coeur en est l’amélioration
des plantes et des animaux. Cette
amélioration, si utile qu’elle soit, n’était pas directement source
de profit : aussi longtemps que les plantes et les animaux se
reproduisent dans le champ du paysan, le capital du sélectionneur ne peut
se reproduire à son bilan. C’est cette situation que la
bio-technologisation du vivant a profondément transformée. Sa
privatisation en cours entraîne logiquement celle de la recherche
publique. Les biologistes (moléculaires) qui remplacent les agronomes
traditionnels n’ont plus les scrupules éthiques de ces derniers.
L’objectif final des nouveaux “ semenciers ” transnationaux
est d’empêcher par n’importe quel moyen les plantes et les animaux de
se reproduire dans le champ du paysan, c’est-à-dire de fabriquer des
plantes et des animaux en quelque sorte stériles. Ce n’est certes pas
nouveau, mais le capital que ces puissants investisseurs ont englouti dans
les biotechnologies depuis une quinzaine d’années les conduit à
exacerber leurs pressions pour confisquer le vivant. Pour que vive le
capital, il faut stériliser ce vivant. L’économie politique mortifère
de notre société et la voracité financière des actionnaires imposent
maintenant cet objectif dans l’urgence.
Terminator, la nécrotechnologie si bien nommée Ainsi
la biotechnologie Terminator (rachetée immédiatement par
Monsanto) permet-elle de modifier génétiquement les plantes, de façon
que, parvenues à maturité, elles détruisent leur propre germe. On
introduit dans la plante un système génétique complexe (des transgènes,
c’est-à-dire des gènes venant d’autres espèces) qui fonctionne
selon le principe d’une mine antipersonnel : un dispositif de
neutralisation (un gène répresseur), un détonateur (un gène promoteur)
et un explosif (le gène produisant la toxine-suicide). Avant d’être
vendues, les semences sont trempées dans un bain de tétracycline (mais
il existe de multiples méthodes d’activation) afin de “ dégoupiller
” le système. Le détonateur (le promoteur) entre alors en contact avec
l’explosif (le gène produisant la toxine). La maturité de la plante déclenche
le promoteur qui lui-même met en marche le gène produisant la toxine,
laquelle tue le germe en formation. Le grain que récolte l’agriculteur
est alors biologiquement stérile. Comme
le souligne le directeur des productions végétales de l’Institut
national de la recherche agronomique (INRA), cette technique - dont il
existe de multiples versions en cours de brevetage -“ permet aussi
une captation totale des ressources génétiques ”.
En réalité, l’agriculture ayant commencé lorsque nos
lointains ancêtres ont mis de côté une partie du grain récolté pour
le semer l’année suivante, cette confiscation de la propriété la plus
fondamentale des êtres vivants - se re-produire et se multiplier - est le
coup de grâce porté aux paysans et à l’agriculture. Ce qui lui succèdera
continuera certes de s’appeler “ agriculture ” : on continue bien
d’appeler “ élevage ” (et même de subventionner) les usines à
porcs flottant sur une mer de déjections. Quelques transnationales sont
donc en train d’acquérir sans aucun contrôle, autre que celui des “
marchés ” qu’elles façonnent, un pouvoir exorbitant sur nos
ressources alimentaires et sur nos vies, dans les pays industriels et dans
ceux du tiers-monde.
Les brevets contre les paysans et l’agriculture Terminator
est une nécrotechnologie si répugnante que la campagne internationale
d’interdiction en cours réussira peut-être à la mettre hors la loi.
Mais cet arbre ne doit pas cacher la forêt. Le brevet permet
d’atteindre le même objectif. L’exemple des Etats-Unis le montre.
Lorsqu’un agriculteur veut utiliser des semences de Monsanto ogémisées
et brevetées, il doit s’engager par contrat à ne pas semer le
grain récolté. Si l’agriculteur s’est procuré ces semences sans
signer de contrat, par exemple auprès de voisins, comme c’est une
pratique courante, Monsanto peut alors le poursuivre devant les tribunaux
parce que ces semences sont brevetées. Pourtant, l’agriculteur avait
l’assurance que sa pratique de semer le grain récolté était un droit.
Mais, selon Monsanto et la bio-industrie, ce droit s’applique aux
semences obtenues par les méthodes ordinaires de sélection, et pas aux
semences ogémisées brevetées ! Le
brevet est donc tourné contre l’agriculteur, contre la faculté des
plantes et des animaux de se re-produire, contre le vivant et, par conséquent,
contre chacun d’entre nous. De même que l’Accord multilatéral sur
l’investissement (AMI) entendait protéger les investisseurs contre les
risques économiques, le brevet, en rendant les plantes et les animaux légalement
stériles, les protège de la malheureuse faculté des êtres vivants de
se re-produire. La mystification d’une société néolibérale
n’est-elle pas de créer des privilèges nouveaux tout en célébrant le
bicentenaire de leur abolition ? Le brevet est un encouragement formidable
à généraliser les techniques de transgénèse aux dépens du travail
d’amélioration des plantes ou des animaux par des méthodes
disponibles, efficaces, mais exemptes (pour l’instant) de privilège
pour quiconque.
Pour faire bonne mesure, Monsanto invite les agriculteurs à dénoncer
leurs voisins “ pirates ” et met à leur disposition une ligne téléphonique
gratuite de délation. Le brevet, c’est Terminator légalisé, avec
l’immense avantage d’éviter aux transnationales d’avoir à faire
ces transgénèses complexes de stérilisation biologique, et de faire
assurer par le contribuable-citoyen les coûts de sa propre expropriation
! Le brevet permet effectivement, lui aussi," une captation
totale des ressources génétiques ”.
Viol du public par les OGM Simultanément,
les mêmes “ semenciers ” organisent le viol du public
auquel ils tentent d’imposer de consommer à son insu des produits issus
d’organismes génétiquement manipulés (OGM) dont il ne veut pas. Et ce
pour deux raisons légitimes : ils ne lui sont d’aucune utilité et lui
font courir des risques à long terme. Les scientifiques, dans leur vaste
majorité, sont opposés à l’utilisation massive de techniques mal
contrôlées, n’ayant fait l’objet d’aucune évaluation de leur
danger pour la santé et introduisant dans notre environnement un risque
nouveau : celui de la pollution génétique dont, une fois le mal
fait, personne ne sait comment se débarrasser. Fabriquer
des chimères génétiques, telles les plantes-pesticides ou à herbicide
(deux tiers des OGM actuels), c’est accélérer le mouvement vers une
agriculture et une alimentation encore plus industrielles, facteurs de la
progression alarmante de maladies comme l’obésité (un quart de la
population aux Etats-Unis), des
cancers et des maladies cardio-vasculaires. C’est tourner le dos à
l’agriculture durable et au respect de la biodiversité. C’est
aggraver la pollution chimique. C’est poursuivre la destruction annoncée
des emplois agricoles et de l’extraordinaire patrimoine dont nous avons
hérité.
Une
directive européenne contre la dignité humaine Il
est inquiétant que le Parlement européen et le Conseil, agissant dans le
cadre de la procédure de codécision, aient adopté, en juillet 1998, une
directive (98/44/CE) relative à la “ protection juridique des
inventions biotechnologiques ”. Les Etats membres devront mettre leur législation
en conformité avec cette directive au plus tard le 30 juillet 2000. Le
21 octobre 1998, le gouvernement des Pays-Bas a introduit un recours
contre le Parlement et le Conseil devant la Cour de justice des Communautés
européennes, visant à l’annulation de la directive. Certains arguments
avancés par La Haye sont d’ordre juridique, mais d’autres touchent au
fond. Ainsi le recours mentionne en particulier la violation de la
convention sur la biodiversité et la violation des droits humains
fondamentaux : “ Sous le régime de la directive 98/44/CE, il
sera possible de breveter des éléments isolés du corps humain. Une
telle instrumentalisation de la matière vivante humaine n’est pas tolérable
au regard de la dignité humaine ”. L’Italie, ainsi que la
Norvège, en tant que membre de l’Espace économique européen (EEE),
ont également introduit un recours contre la directive, mais en arguant
notamment que son adoption aurait dû se faire à l’unanimité, en vertu
de l’article 235 du traité CE, et non pas à la majorité qualifiée,
aux termes de l’article 100 A du traité. A
l’heure actuelle, les services juridiques du Parlement et du Conseil
sont en train d’élaborer pour la Cour de Luxembourg un mémoire en défense
de la directive en espérant que le Parlement élu le 13 juin dernier ne
songera pas à revenir sur la décision prise en 1998. Ce qui, à en
croire certains fonctionnaires, entraînerait un imbroglio
politico-juridique. Quant au gouvernement français, loin de rester
inerte, il est en train de faire préparer un mémoire en défense de la
directive par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI)
et par la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères.
Dans les deux cas, le dossier étant confié à des “ techniciens ”,
les élus sont mis à l’écart. Il importe qu’ils reprennent la main,
et cette fois-ci en pleine connaissance de cause. D’autant que
l’espoir à peine caché des partisans de la brevetabilité du vivant
est que, le recours n’étant pas suspensif, la directive soit déjà
transposée en législations nationales au moment où la Cour de justice
rendra sa décision. Il sera alors trop tard pour revenir en arrière... La
Commission européenne, qui avait préparé le texte voté par le
Parlement et le Conseil, n’est pas en reste et va, elle aussi, voler au
secours de la directive dans un mémoire au juge de Luxembourg. Ni elle ni
la majorité des gouvernants de l’Union ne semblent se rendre compte
qu’ils organisent le hold-up planétaire de quelques transnationales sur
le vivant, c’est-à-dire sur notre avenir biologique et sur celui de
cette planète. Ont-ils conscience du caractère ubuesque de la directive
98/44/CE ? De même que le soleil brille, les plantes et les animaux se
re-produisent et se multiplient. C’est même la propriété fondamentale
des êtres vivants. Quel malheur ! Prenons garde : selon cette logique,
nous serons bientôt forcés de condamner nos portes et fenêtres pour
permettre aux marchands de chandelles de lutter contre la concurrence déloyale
du soleil. Pourquoi ? Pour encourager les investissements d’un cartel de
transnationales dans des chimères génétiques dont ni les agriculteurs
ni le public ne veulent !
Genoplante ou la mainmise du privé sur la recherche publique Cette
dimension a, en tout cas, échappé entièrement à la direction de l’INRA
et à ses ministres de tutelle qui viennent de célébrer le" mariage
de l’informatique et de la biologie ” en lançant en grande
fanfare le programme Génoplante de “ fabrication de propriété
industrielle ”, c’est-à-dire de brevets. Le responsable opérationnel
du Génoplante invite même les chercheurs à participer à “ la
guerre économique ”. Génoplante, qui disposera de deux plateformes
technologiques (Evry et Montpellier) et d’un budget de 1,4 milliard sur
cinq ans, associe dans un groupement d’intérêt scientifique (GIS)
appelé à devenir groupement d’intérêt économique (GIE), des
organismes publics de recherche (outre l’INRA, le CIRAD, l’IRD, le
CNRS) et des entreprises privées. Le tout essentiellement au bénéfice
de ces dernières qui, tout en ne mettant sur la table que 30% des moyens
financiers, disposeront de la majorité dans les instances décisionnelles
: le “ comité stratégique ” du Génoplante est constitué
du directeur général de l’INRA (membre du conseil d’administration
de Rhône-Poulenc agro-chimie de 1989 à 1994), du directeur général de
Rhône-Poulenc Agrochimie, et du président de Limagrain qui a des
relations étroites avec Rhône-Poulenc. Genoplante
sous-traitera une partie de ses travaux par des appels d’offre. Les
laboratoires auxquels une partie de leurs crédits aura préalablement été
ponctionnée pour financer le GIS devront passer contrat avec lui pour
survivre. C’est la captation du service public de recherche par des intérêts
privés. A une mondialisation non marchande des ressources génétiques et
des connaissances, au bien commun de l’humanité, les promoteurs du
Genoplante sont en train de substituer la cartellisation marchande et la
“ guerre économique ”. Il s’agit là d’une formidable régression.
Les
transnationales auto-proclamées des “ sciences de la vie ” ont déclaré
la guerre au vivant, aux agriculteurs et aux paysans, c’est-à-dire à
l’humanité.
Nous refusons ces menaces pour nos libertés. Nous refusons que l’on
fasse du paysan un “ pirate ”. Nous refusons la société
biototalitaire des transnationales et de leurs alliés. Nous refusons de
laisser dénaturer les outils puissants de recherche fondamentale de la
transgénèse. Nous refusons cette guerre.
ATTAC
demande que le Parlement européen et les Parlements nationaux, via
leurs gouvernements : - exigent de la Commission et du Conseil des
ministres de l’Union européenne la mise en place d’un moratoire sur
les organismes génétiquement modifiés (OGM). -
la mise hors-la-loi des nécrotechnologies du type Terminator. -
le dépôt de mémoires auprès de la Cour de justice des Communautés
européennes pour soutenir la demande d’annulation de la directive européenne
sur la “ protection juridique des inventions biotechnologiques ”
effectuée par les gouvernements des Pays-Bas, de l’Italie et de la Norvège. ATTAC
demande en particulier aux députés et sénateurs français : -
d’intervenir auprès du ministère des affaires étrangères pour que la
France dépose auprès de la Cour un mémoire contre la directive, et non
pas en sa faveur. -
d’exiger du ministre chargé de la recherche l’arrêt de Génoplante,
dont l’objectif est de socialiser les coûts de la privatisation du
vivant, et le redéploiement des moyens de recherche vers une agriculture
durable, autonome et paysanne. -
de mettre en place des instruments de contrôle démocratique afin de
placer le puissant outil de recherche des biotechnologies au service de la
vie, et non du profit et de la mort.
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