CONSEIL SCIENTIFIQUE

Projet de loi de finances pour 1999.
Voir aussi sur la loi de finances 1999:
Assemblée nationale
Documents du Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie.
Intervention de M. Julien DRAY à l'Assemblée nationale

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Projet de loi de finances pour 1999

GRANDES MASSES INCHANGEES ... INJUSTICES PERPETUEES

 

LA FISCALITE INDIRECTE TOUJOURS LARGEMENT PREPONDERANTE

En pratique, les baisses ciblées de TVA (- 4 milliards) sont presque compensées par l'augmentation de la TIPP sur le gazole (+ 2,6 milliards) ; les rentrées attendues de TVA sont fortement augmentées par la croissance elle aussi attendue : 831 milliards de TVA attendus pour 1999, 808 milliards prévus en 1998, 755 milliards réalisés en 1997, 728 en 1996 et 669 en 1995.

A l'inverse le poids des impôts directs demeure à son faible niveau :
    • l'Impôt sur le Revenu,
    • l'Impôt sur les Sociétés avec la suppression des surtaxes,
    • les droits d'enregistrement.

Dans le budget 1999, comme dans les budgets précédents, le poids des impôts directs reste aussi faible par rapport aux impôt indirects plus injustes

Dans le projet de budget pour 1999

 

FISCALITE INDIRECTE

62,6 % des recettes fiscales

soit 1 152 milliards

dont TVA : 831 milliards

TIPP : 160 milliards

Tabacs : 42 milliards

 

FISCALITE DIRECTE

37,4 % des recettes fiscales

soit 688 milliards

dont IR : 316 milliards

IS : 232 milliards

ISF : 15 milliards

TVA = 2,6 fois l'IR

TVA = 3,6 fois l'IS

TVA = 55,4 fois l'ISF

 

LA TVA pour 23 millions de ménages

Baisses ciblées en faveur des ménages sur :
    • Abonnement EDF/GDF de 20,6 % à 5,5 %.
    • Travaux d'amélioration des logements sociaux.
    • Appareillages diabétiques et handicapés.
    • Traitement des déchets, tri sélectif de 20,6 % à 5,5 %.

A elle seule la TVA représente 45,1 % des recettes fiscales du projet de budget.

Les quelques baisses ciblées sont dérisoires par rapport à l'augmentation de TVA de 18,6 % à 20,6 % décidée par le gouvernement Juppé et qui est maintenue pour 1999. L'effet de cette majoration coûtera environ 65 milliards aux familles en 1999.

Pour mettre en avant la réforme annoncée de la taxe d'habitation le Ministre des Finances déclare que c'est l'impôt le plus injuste. Du fait qu'elle tient tout de même compte - de façon approximative - de la valeur locative des habitations et que des éléments personnels sont retenus (enfants à charge, âge et imposition à l'IR des contribuables), la taxe d'habitation est en réalité moins injuste que la TVA dans la taxation des familles. En outre, la TVA représente 831 milliards et la taxe d'habitation 76 milliards.

 

LA TIPP : Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers

Rattrapage de la TIPP gazole

+ 1,5 milliard pour les entreprises

+ 1,1 milliard pour les particuliers


+ 2,6 milliards

Recettes fiscales TIP (en milliards)

1995 1996 1997 1998 1999
143 148 150 155 160

Certes, l'augmentation de cette taxe vise à dissuader le recours au gazole - plus polluant - mais il s'agit encore d'un alourdissement de la fiscalité indirecte (compensant en volume une grande partie de la diminution des recettes TVA).
Il faut noter de plus que toute hausse de TIPP entraîne une hausse de TVA dans la mesure où l'assiette de la TVA comprend le prix du carburant plus le prix de la TIPP.

Globalement :
La part de la progressivité est toujours aussi limitée.
L'Impôt sur le Revenu n'est pas profondément réorganisé et les multiples possibilités de défiscalisation sont maintenues (cf. Revenus de capitaux) .
    TVA     =     2,6 fois l'impôt sur le revenu, dans le projet de budget
    831 milliards     316 milliards

La proportionnalité (TVA - TIPP - CSG) reste très largement prépondérante dans le volume global des taxations.

Pour expliquer simplement la différence entre progressivité (IR) et proportionnalité ((TVA - TIPP - CSG) :

Un couple avec un enfant de 3 ans déménage 900 kilos de meubles.

S'il déménage "proportionnellement", ils transportent chacun 300 kilos. Insupportable pour l'enfant.

S'il déménage "progressivement", en fonction de leur capacité contributive, l'enfant emmène seulement son nounours.

 

L'ENTREPRISE TOUJOURS GAGNANTE SANS CONTREPARTIE

Pour 3 millions d'entreprises, en fait 2 500 000

 

La TP : Taxe Professionnelle

Suppression en cinq ans de la part salariale de la taxe (qui représente 35 % de son assiette globale).

S'il est incontestable que la TP est un impôt "imbécile", la suppression pure et simple de la part salariale dans son assiette peut être assimilée à un cadeau fiscal sans contrepartie, comme l'exonération des charges sociales. On a mesuré par le passé l'incidence de telles mesures sur les créations d'emplois (100 000 emplois attendus sur 5 ans - 25 000 en 1999 !). Toutes ces aides et exonérations accordées aux "entreprises" sont sans effet direct sur l'emploi. Leur seul effet certain est de réduire leurs charges et d'augmenter donc leurs bénéfices, dont elles font ensuite ce qu'elles veulent.

Globalement compensée par l'Etat, cette mesure transfère une charge de 7 milliards au contribuable national dont le profil est celui du consommateur salarié.

TP : 174 milliards en 1997

 

— 7,2 milliards en 1999 (- 8,4)

L'IS : Impôt sur les Sociétés

Là encore, un cadeau fiscal sans contrepartie va diminuer la part des entreprises aux recettes fiscales de l'Etat en limitant la contribution exceptionnelle de l'IS à 10 %.

IS : 232 milliards attendus pour 1999

• Maintien du crédit d'impôt pour créations d'emplois

Cette mesure applicable depuis 1998 permettrait aux entreprises soumises à l'IS d'imputer un crédit d'impôt égal à 10 000 F net par emploi créé sur la contribution exceptionnelle de 10 % créée par Juppé. Elle est reconduite sans que les méthodes de contrôle n'aient été définies. A rapprocher par ailleurs des autres mesures incitatives à la création d'emplois "accordées" sans véritable moyen de contrôle (Loi Aubry notamment).

— 4,4 milliards
• Limitation de l'avoir fiscal (ne concerne pas les particuliers)

Seule "pénalisation" pour les entreprises, cette mesure réduit de 50 à 45 % l'avoir fiscal attaché aux seuls dividendes reçus par les sociétés.

— 3 milliards
• Régime micro

Concernant 500 000 entreprises (chiffre non vérifiable dans l'immédiat). Ce régime les exonère de TVA et fixe un barème forfaitaire unique pour l'établissement de leur bénéfice.

Ces entreprises ne déposeront plus ni déclaration de TVA ni déclaration spécifique du bénéfice. Elles déclareront directement le montant de leur chiffre d'affaires sur la déclaration générale 2042 d'Impôt sur le Revenu et seront imposées sur un bénéfice net calculé après application d'un abattement forfaitaire pour frais proportionnel à leur bénéfice.

Cette mesure existait déjà et concernait quelques 100 000 petites entreprises. Son extension va placer hors de tout contact fiscal tout un pan d'entreprises d'ores et déjà très peu vérifiées (fréquence de vérifications tous les 151 ans). Il s'agit d'une mesure particulièrement clientéliste et d'une nouvelle jachère fiscale potentielle. Les salariés et les retraités disposant d'un revenu net de même niveau restent eux contrôlés par l'administration fiscale.

+ 1 milliard (sur 6 milliards)

 

LE CAPITAL ET SES REVENUS TOUJOURS AVANTAGES

 

• Impôts sur le patrimoine

Foncier bâti: 105 milliards

Foncier non bâti: 7,3 milliards

ISF: 8,9 milliards (96)

Successions: 31,4 milliards

Ventes: 26,8 milliards

Vignettes autos : 13,2 milliards (96)

Redevance TV: 11,5 milliards (96)

L'ISF : Impôt de Solidarité sur la Fortune

L'annonce d'une augmentation de 20 % du rendement de l'ISF masque difficilement le peu d'ambition de cet impôt. Il rapportera moins que la redevance TV ou que la vignette auto et continuera, en pourcentage, à représenter environ 1,8 % des recettes de TVA .

Le débat sur l'intégration de l'outil de travail dans son assiette a par ailleurs été totalement occulté pour ne pas heurter le patronat et percuter les discussions autour de la loi sur les 35 heures.

Vu les moyens des services des Impôts nous sommes particulièrement dubitatifs sur la mise en oeuvre d'un contrôle renforcé des déclarations d'ISF comme l'affiche pourtant le Ministre des Finances, lequel, par ailleurs, décide dans le même temps des suppressions d'emplois dans son Ministère et à la Direction Générale des Impôts (fréquence des contrôles = 12 ans).

A noter quand même la création d'une tranche supplémentaire (1,8 %) pour la fraction de patrimoine excédant 100 000 000 F.

+ 2,5 milliards
Abaissement des taxes sur les ventes de logement

Cette mesure est plus destinée à relancer le marché immobilier qu'à remplir une fonction de justice. Elle est étonamment rangée dans les mesures "pour l'emploi".

Les enquêtes logement réalisées récemment par l'INSEE font apparaître un taux de ménages propriétaires de leur résidence principale quasiment stable depuis 1988 (53,6 % en 88, 54,3 % en 96). Cette situation est moins due à l'excessivité des droits de mutations qu'à des raisons démographiques (classes arrivant à l'âge adulte moins nombreuses) et aux difficultés éprouvées par les jeunes ménages pour s'engager dans des emprunts à long terme (chômage, incertitudes quant à la garantie d'un revenu stable). L'effet réel de cette mesure bénéficiera aux couches moyennes et supérieures qui achètent des appartements ou des immeubles d'habitation.

— 3,7 milliards

 

• Impôts sur les revenus de capitaux

En la matière, c'est principalement l'Impôt sur le Revenu qui devrait être modifié ... et qui ne l'est pas. Même si quelques modifications sont intervenues à la marge (Plus-values, abattement) l'ordre n'a pas été fondamentalement modifié et la loi de Finances pour 1999 ne rééquilibre en rien la taxation des revenus du capital et ceux du travail.

Les possibilités d'échapper au barème progressif de l'Impôt sur le Revenu sont toujours aussi considérables :

    Avoir fiscal des particuliers, coût fiscal: 8 milliards (sans changement)
    Prélèvements libératoires divers: 6 milliards (sans changement)
    Exonérations diverses: 17 milliards
    Régimes des plus-value libératoires: 8 milliards

 

HORS LOI DE FINANCES

L'an dernier, le projet de budget mettait fortement l'accès sur le transfert des cotisations sociales sur la CSG ... sujet relevant de la loi sur le financement de la protection sociale ... qui n'est pas le Budget de l'Etat.

Cette année, le phare est mis sur la taxe d'habitation qui n'est pas une recette fiscale alimentant le Budget de l'Etat, et qui plus est pour évoquer une réforme qui ne sera mise en oeuvre qu'au 1/01/2000 et donc ne concerne en rien le Budget de l'année 1999.

Le seul rapport entre Taxe d'Habitation et Budget de l'Etat est la part de cette taxe prise en charge (du fait des compensations versées aux collectivités locales et des dégrèvements) par le contribuable national par le biais du Budget de l'Etat.

En 1996: Produit TH = 63 378

Dégrèvements = 10 070

Compensations = 6 897


16 967, soit 27 % pris en charge par l'Etat.

 

Voir aussi sur la loi de finances 1999:
Intervention de M. Julien DRAY à l'assemblée nationale
Documents du Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie.