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Pour une économie respectueuse des humains et de la biosphère

Après l'échec de la conférence de La Haye

Déclaration 

La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui s'est tenue à La Haye du 13 au 25 novembre, s'est conclue par un constat d' échec en raison de l'intransigeance des Etats-Unis. Et ce malgré les considérables concessions que les Européens, d'ailleurs divisés, étaient disposés à faire. L'Union européenne avait envisagé de proposer un nouveau texte et de reprendre les négociations à Oslo avant l'entrée en fonctions de George Bush. Les Etats-Unis ont repoussé cette invitation. Et l'arrivée à la Maison Blanche d'obligés du lobby pétrolier ne laisse augurer aucun infléchissement de la position du premier Etat pollueur mondial. Le doute n'est plus permis. Les activités humaines, et principalement l'utilisation des combustibles fossiles tels que le pétrole, le gaz et le charbon, provoquent des émissions de gaz à effet de serre qui sont en train de réchauffer la Terre à une vitesse que la planète n'avait pas connue depuis des millions d'années. Les scientifiques du Groupe international pour l'étude du climat estiment qu'à la fin du XXI° siècle la température se sera élevée de 1,5° à 4,5°, provoquant un recul des zones tempérées, une élévation du niveau des océans d'au moins 50 centimètres au cours de ce siècle, et d'un mètre au suivant.

Devant cette menace, l'ONU conduit depuis 1992 une négociation internationale pour que les pays membres adoptent des résolutions et mettent en ¦uvre des mesures pour lutter contre la pollution et le renforcement de l'effet de serre. Lors de la Conférence de Kyoto en 1997, 38 pays industrialisés s'étaient engagés, dans un protocole, à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en moyenne de 5,2 % en 2012 par rapport à la situation de 1990. Parmi eux, l'Union européenne devait les réduire de 8 %, les Etats-Unis de 7 %, le Canada et le Japon de 6 %. Or, ces objectifs sont déjà compromis puisque les Etats-Unis avaient dépassé en 1998 de 11 % leur niveau de 1990, le Japon de 7 %, tandis que l'Europe parvient tout juste à le stabiliser. Quant à la France, dont on nous avait dit qu'elle avait un comportement modèle grâce à son parc de centrales nucléaires, elle a accru ses émissions de 4 à 8,4 % selon les modes de calcul.

Aussi la Conférence des Nations unies qui s'est tenue à La Haye du 13 au 25 novembre s'était-elle ouverte dans de mauvaises conditions. Parce que les principaux pays rechignent à engager une action résolue qui mettrait en cause leur mode de développement gaspilleur et énergétivore. Parce qu'un conflit oppose les pays riches, premiers responsables de la pollution depuis deux siècles, et les pays pauvres qui aspirent au développement, mais avec des conséquences redoutables pour l'environnement s'il devait imiter celui des pays déjà industrialisés. Enfin, parce que le désaccord est total quant aux moyens à utiliser pour réduire la pollution.

Alors que les changements climatiques mettent en danger les conditions de vie des générations futures, et surtout celles des populations les plus démunies dans le monde, l'attitude des Etats-Unis est irresponsable : par tous les moyens, ils cherchent à échapper aux contraintes qui naîtraient d'un accord international ; ils tentent d'imposer la prise en compte des forêts dans le calcul du bilan des émissions et des absorptions de CO2 alors que les scientifiques ne savent pas le mesurer ; et ils rejettent la responsabilité de la pollution dans le monde sur le méthane émis par les rizières des pays pauvres. L'attitude de l'Europe n'est pas dépourvue d'ambiguïtés : elle s'est s'opposée aux Etats-Unis et à leurs alliés canadiens et japonais, mais elle n'incite guère ses pays membres à adopter des mesures réelles.

Les discussions portant sur les instruments à utiliser pour réorienter l'activité économique dans un sens moins polluant sont, à cet égard, révélatrices. Même sans que soit signé un accord formel, la Conférence de La Haye a entériné la proposition de création d'un marché planétaire de permis de polluer. Ainsi les entreprises et les pays riches et gros pollueurs pourraient racheter aux entreprises et pays moins pollueurs ou moins riches ces permis. La quantité mondiale de gaz émis serait certes la même, mais un redoutable problème d'équité surgirait, d'autant plus que les modes d'attribution initiale des permis sont cruciaux : les Etats-Unis veulent que ce soit sur la base des émissions actuelles et les pays pauvres sur la base de la population. Par ailleurs, dans l'esprit de ses partisans, un tel marché éviterait les contraintes légales ; mais qui peut imaginer qu'il pourrait fonctionner sans que des normes internationales définissent le seuil de pollution acceptable et, par conséquent, le quota d'émissions autorisées, et sans que des contrôles soient effectués et des sanctions prononcées ?

Les pays développés ne doivent pas se contenter de participer, parce qu'ils en ont les moyens financiers, à des projets de développement propre dans les pays pauvres. Ils doivent aussi réviser leur mode de développement et lutter contre la pollution chez eux. L'aide aux pays pauvres - qui passe avant tout par l'annulation de leur dette publique - est nécessaire, mais elle ne dispensera pas de changer radicalement les modes de transport dans les pays industrialisés.

Attac rappelle que le bien-être de l'humanité ne peut être fondé sur une économie où la recherche du profit implique simultanément la dégradation sociale et la dégradation écologique. Alors que les mécanismes du marché font la preuve tous les jours qu'ils sont davantage capables d'engendrer crises, pauvreté et inégalités qu'équilibre et solidarité, il ne saurait être question de confier, à travers eux, la responsabilité de garantir la vie des générations futures à quelques firmes multinationales.

Attac participera à toutes les initiatives pour s'opposer à ce que des groupes financiers s'approprient l'air, après avoir pris possession de la distribution de l'eau. Après l'échec de la Conférence de La Haye, la question se pose de savoir si le processus de marchandisation du monde va se poursuivre, ou si nous pourrons nous réapproprier notre avenir en construisant une économie respectueuse des êtres humains et s'insérant dans la biosphère.