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Dossiers  > Présidence belge de l'UE, 2001

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Une autre Europe pour une autre mondialisation

ATTAC Belgique België, dans le cadre de la présidence belge à l'Union Européenne.
Résultat du travail réalisé lors de la journée de réflexion d'Attac Wallonie-Bruxelles, le 17 mars 2001 à Seneffe, ce texte sera proposé au Congrès Européen Citoyen à Liège (21/23 septembre 2001) comme projet à débattre dans les différents ateliers en vue de la déclaration finale.
Coordination du C.E.C. : Arnaud Zacharie (+32.(0)4.237.05.77) E mail belgium@attac.org.


Pour les tenants de la mondialisation néolibérale, l'avènement de la monnaie unique - l'euro - est une fin en soi qui suffit à prouver l'éclatante réussite de la construction européenne.
Parallèlement, lors de son discours au Parlement européen de Strasbourg en février 2000, le président de la Commission européenne, Romano Prodi, s'est félicité que "l'efficacité de l'action des institutions européennes est sa source principale de légitimité".
Nous nous opposons à cette double analyse envisageant la construction européenne sous son seul aspect économique et faisant fi des procédures démocratiques les plus élémentaires. Arguant du fait que nos sociétés modernes sont devenues trop complexes, la Commission européenne prône une "gouvernance organique post-parlementaire", où les pouvoirs des Parlements seraient réduits pour faire place à des négociations par secteurs avec les groupes d'intérêt - les "lobbies"- concernés.
Nous refusons que la démocratie et la citoyenneté soient sacrifiées au nom d'une gouvernance subdivisée en sous-gouvernements d'intérêts sectoriels privés. La seule légitimité politique émane des citoyennes et citoyens et de leurs représentants, pas d'une fantasmatique "efficacité".
La construction européenne actuelle est essentiellement déterminée par les intérêts des institutions financières et des grandes entreprises - en particulier par la Table ronde des industriels européens et par l'UNICE. De ce fait, l'Union européenne, en son état actuel, représente un puissant moteur de la mondialisation néolibérale. Elle appuie les organisations internationales qui la sous-tendent, telles l'OMC, le FMI, la Banque mondiale et l'OTAN. En outre, sa logique institutionnelle est tellement complexe et opaque que des représentants européens dénoncent eux-mêmes le déficit démocratique qu'elle engendre.
C'est pourquoi nous désirons reconquérir les espaces perdus par la démocratie au profit de la sphère financière et promouvoir une construction européenne fondée sur les intérêts des citoyennes et des citoyens. Une Europe pacifique et solidaire des autres peuples du monde.
Suivant l'esprit de l'Appel de Morsang, nous sommes déterminés à agir localement en pensant globalement, afin de ramener l'économie au service des citoyennes et citoyens, dans le respect de l'envirronnement. Dans ce but, nous avançons nos alternatives pour une autre fiscalité, pour une Europe sociale et un renforcement des services publics d'intérêt général, pour une autre organisation du commerce international et pour une autre mondialisation - une mondialisation citoyenne garantissant une justice sociale et une démocratie planétaire.

1. Une autre fiscalité pour une économie au service de l'humain

Avec l'avènement de la globalisation financière, la construction européenne a adopté, dès 1990, le modèle économique néolibéral basé sur la liberté de circulation des capitaux. Suivant la même logique, la politique fiscale européenne vise essentiellement à favoriser les investisseurs, l'objectif final étant de leur permettre d'investir où ils veulent, quand ils veulent et à leurs conditions.
Les citoyennes et citoyens sont les victimes de cette logique permettant une course aux profits créatrice d'inégalités. Les effets sociaux désastreux des crises financières ont montré clairement les limites d'un développement uniquement axé sur le profit à court terme et la spéculation. C'est pourquoi il est urgent de prendre des mesures destinées à ramener l'économie au service des droits humains fondamentaux :
  • · Etablir une taxe permanente de 0,1% sur les transactions financières - taxe de type Tobin - et utiliser son rendement pour réduire les inégalités et éradiquer la pauvreté. Une telle taxe pénaliserait fortement les allers-retours spéculatifs à court terme, alors qu'elle serait infime pour les investissements productifs à long terme. Sur le plan technique, la centralisation informatique de la liquidation des opérations financières internationales, par le biais des sociétés de "clearing" telles la Swift pour les échanges de devises et Clearstream et Euroclear pour les transactions mobilières internationales, facilite grandement la faisabilité d'une telle taxe, puisque pratiquement toutes les transactions financières internationales sont "retraçables" et dénouées dans ces uniques lieux. Sur le plan politique, il n'est pas nécessaire d'attendre que tous les pays du monde soient d'accord pour établir la taxe. L'Union européenne pourrait créer une "zone de type Tobin" avec les autres pays qui le souhaitent et appliquer une taxe plus élevée pour les transactions opérées entre la "zone de type Tobin" et le reste du monde. De la sorte, le reste du monde aurait intérêt à rejoindre la "zone de type Tobin" qui s'étendrait progressivement à tous les pays.
  • · Contrôler les mouvements de capitaux : il est évident qu'une taxe de type Tobin serait impuissante face à des attaques spéculatives majeures débouchant sur une fuite massive de capitaux. Elle ne vise qu'à placer un grain de sable dans les rouages de la finance internationale. Pour entraver la spéculation financière, il est nécessaire de contrôler les capitaux. D'abord à l'entrée, en imposant à tout investisseur de déposer pendant un an auprès de la banque centrale 30% de la somme qu'il investit - dépôt à la chilienne. Ensuite à la sortie, en établissant une taxe variable permettant d'augmenter le taux jusqu'à 100% en cas de fortes fluctuations - taxe de type Spahn.
  • · Démanteler les paradis fiscaux, lieu de recyclage des capitaux de la criminalité financière (entre 500 et 1500 milliards de dollars sont blanchis annuellement). Des mesures contraignantes existent: l'Union européenne pourrait établir une taxe punitive sur les transactions provenant des paradis fiscaux, afin d'annihiler l'avantage tiré de cette politique fiscale déloyale. Parallèlement, il est nécessaire de lever le secret bancaire pour lutter efficacement contre l'évasion fiscale, le détournement de fonds publics et la corruption.
  • · Placer les sociétés de "clearing" sous le contrôle démocratique d'une organisation publique de tutelle, afin de mettre ces sociétés au service de la justice et des citoyennes et citoyens, et plus à celui des seules banques;
  • · Etablir une harmonisation fiscale incluant des mécanismes de redistribution des richesses : alors que des distorsions fiscales au sein d'une même zone monétaire sont susceptibles de créer une nouvelle forme de spéculation au sein de l'Euroland, l'accord actuel ne vise que les revenus d'intérêt des personnes physiques et est conditionné à un accord avec les principales places financières mondiales. Parallèlement, les réformes fiscales engagées dans la plupart des Etats membres visent principalement à alléger la facture des entreprises et des hauts revenus. Il est nécessaire de renverser cette tendance par l'établissement d'une politique fiscale européenne socialement juste et écologiquement durable.
  • · Garantir une répartition démocratique des richesses par l'intégration au niveau local des citoyennes et citoyens dans le processus de décision de l'affectation de ces richesses, selon le modèle du budget participatif initié à Porto Alegre (Brésil). Seule une telle politique fiscale démocratique et réellement redistributive permettra de redonner tout son sens citoyen à l'impôt.

2. Une Europe sociale et un renforcement des services publics d'intérêt général

L'Europe sociale est inlassablement sacrifiée au nom de rendements élevés à offrir aux investisseurs, notamment par la définition de critères de convergence inscrits en 1992 dans le traité de Maastricht : politique monétariste gérée par une Banque centrale européenne indépendante du pouvoir politique, stabilité des prix (l'inflation ne peut dépasser 2%) et austérité budgétaire (le déficit ne peut dépasser 3% du PIB).
Suivant l'objectif unique de stabilité des prix, la Banque centrale européenne brise la croissance et l'emploi, tandis que les gouvernements européens poussent les salaires à la baisse en permettant l'existence d'une "armée de chômeurs" concurrençant les salariés et les contraignant à accepter une "flexibilisation" sans cesse accrue des conditions de travail. Ainsi, alors que l'Union européenne représente la première puissance commerciale mondiale, 20% de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Nous refusons que les citoyennes et citoyens soient réduits à des variables ajustables à merci pour le seul bénéfice d'actionnaires exigeant des rendements de 12 à 15%. C'est pourquoi nous exigeons de :
  • · Promouvoir le plein-emploi, c'est-à-dire un contrat à temps plein, à durée indéterminée et payé décemment, en l'imposant comme nouveau critère de convergence européen;
  • · Etablir une politique monétaire orientée vers la croissance et l'emploi, ce qui passe par un contrôle démocratique de la Banque centrale européenne;
  • · Garantir un revenu minimum assurant la satisfaction des droits humains fondamentaux tels que définis par la Déclaration universelle des droits de l'Homme (1948);
  • · Sanctionner les entreprises licenciant en situation de bénéfices, afin d'empêcher le développement des "licenciements boursiers" dont le but est de satisfaire les actionnaires aux dépens des salariés;
  • · Renforcer le système de retraite par répartition, car la prolifération des fonds de pension par capitalisation exacerbe la bulle financière et provoque des licenciements massifs au nom du sacro-saint rendement financier à atteindre. La principale menace qui pèse sur le système par répartition n'est pas d'ordre démographique, mais est liée au sous-emploi que le gouvernement d'entreprise des fonds de pension exacerbe. Seule une politique de plein-emploi peut garantir l'accès universel à une retraite décente. Promouvoir les fonds de pension pour garantir un tel accès est donc un dangereux non-sens.
Dans le même temps, l'austérité budgétaire et la concurrence fiscale réduisent les capacités de financements publics et mènent au démantèlement des services publics d'intérêt général. L'accélération de la libéralisation et des privatisations de ces services est une menace pour les usagers, surtout que le morcellement des sociétés publiques permet de privatiser les segments rentables et de laisser à la charge de la collectivité les segments non rentables.
Nous refusons que l'accès aux services publics d'intérêt général soient limités à des "clients" suffisamment solvables. Les concepts d'efficacité et de rentabilité sociale ne peuvent être définis selon des critères strictement économiques et productivistes. De nouveaux indicateurs doivent être mis en place, afin de redéfinir l'universalité d'accès et la finalité de réduction des inégalités comme principes de base de la mission de service public d'intérêt général.
Parallèlement, le rôle déterminant rempli par les services publics demande que les agents qui y exercent leurs compétences puissent bénéficier de conditions de travail spécifiques. Nous réaffirmons le "statut des agents des services publics". Il ne pourra y avoir d'amélioration dans la qualité des services publics sans le maintien et l'amélioration de ce statut, gage d'indépendance et de reconnaissance justifiées par la contribution que ces agents apportent au fonctionnement de rouages essentiels de l'existence humaine, depuis la naissance jusqu'à la mort.

Dans le même esprit, nous nous opposons aux pressions des entreprises, de la Commission européenne et de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) en faveur d'un rapprochement toujours grandissant entre l'enseignement et le secteur privé. Loin de nous rassurer, les déclarations des ministres européens de l'enseignement à la Sorbonne (1998) et à Bologne (1999) n'ont apporté aucune garantie quant à d'éventuelles dérives mettant en danger la constitution d'un enseignement démocratique et libre d'accès. Si certaines avancées ont été enregistrées à Prague (2001), la notion de "compétitivité" de l'enseignement a contre toute logique été conservée.
Nous pensons que l'enseignement doit se concevoir dans le cadre d'un projet de vie au sein duquel l'activité professionnelle ne constitue qu'un pôle, à côté d'autres pôles tels que la culture et l'attitude citoyenne. L'enseignement doit développer l'articulation entre le savoir-faire et le savoir-être. C'est pourquoi nous demandons :
  • · L'arrêt de la "marchandisation" de l'éducation;
  • · L'affirmation du principe de liberté d'accès à l'enseignement, et ce sans discrimination sociale, culturelle, économique ou géographique;
  • · Un refinancement public de l'enseignement, afin qu'il puisse répondre à l'attente des étudiants et des citoyennes et citoyens en général;
  • · Que tout projet de réforme de l'enseignement fasse l'objet d'un large débat public et démocratique sur ses missions et les moyens de les rencontrer.
Enfin, nous encourageons la constitution d'alliances entre les mouvements sociaux et citoyens européens, afin que la construction européenne n'implique pas une réduction des acquis sociaux au plus petit dénominateur commun. Au contraire, nous exigeons que la constitution d'une Europe sociale autour du plus grand commun multiple devienne une priorité.

3. Une autre organisation du commerce international

Depuis Seattle, aucune réforme n'est intervenue et l'OMC (Organisation mondiale du commerce) porte toujours les mêmes caractéristiques condamnables : une institution opaque et non démocratique, au service des pays riches et dont les accords sont des facteurs très puissants de maintien des déséquilibres mondiaux et d'appauvrissement des populations du Sud. L'OMC continue de prôner l'ouverture des marchés au profit des multinationales et les "groupes spéciaux" de son Organe de Règlement des Différends (ORD) continuent de rendre des jugements, d'autoriser des sanctions et d'établir une jurisprudence ne tenant aucun compte de la santé publique, de l'environnement, des droits humains ou du travail.
Au contraire, l'Union européenne prône un nouveau round qui s'ajouterait aux négociations de "l'agenda incorporé" (services, agriculture et droits de propriété intellectuelle) et inclurait notamment des matières comme l'investissement, l'environnement et les droits sociaux. En outre, les propositions de la Commission de modifier l'article 133 du Traité risque de mener à une formulation de la politique de commerce encore moins transparente et contrôlable. Nous rejetons cette logique et exigeons un moratoire sur tout nouveau round. Toute nouvelle négociation sur de nouvelles matières doit être subordonnée à une réforme profonde de l'organisation du commerce international, à une évaluation des accords existants et de leur impact et à leur modification en conséquence.

L'organisation du commerce international ne peut continuer d'être gérée par une institution non démocratique. C'est pourquoi il est nécessaire de :
  • · Démocratiser radicalement l'actuelle OMC en accordant au Tiers Monde la place qu'il mérite et en mettant fin à sa nature oligarchique que lui octroie la confusion entre ses pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires;
  • · Mettre fin à la pratique du secret qui affecte le fonctionnement de la plupart des organes de l'OMC, à la pratique de la "green room" et à l'artifice démocratique que représente la méthode du "consensus";
  • · Supprimer l'Organe de règlement des différends (ORD) qui rend une justice profondément inégalitaire - une sanction vis-à-vis des pays riches n'ayant pas le même poids qu'une sanction envers les pays pauvres;
  • · Imaginer des systèmes de prise de décision qui associent toutes les catégories de pays et qui ne considèrent comme acquises que les décisions ayant fait l'objet d'un accord formel des Etats membres;
  • · Organiser un contrôle parlementaire de l'organisation du commerce international, non par une assemblée parlementaire consultative, comme proposé, mais par un exercice accompli par chaque parlement des Etats membres;
  • · Au niveau européen, le mandat de négociateur unique confié à la Commission européenne doit faire l'objet d'une approbation et d'un contrôle parlementaire direct. Les travaux du comité 133 (ordres du jour, notes déposées et procès-verbaux) doivent être systématiquement portés à la connaissance du Parlement européen et des Parlements de chaque Etat membre.
Outre cette démocratisation radicale de l'organisation du commerce international, il est nécessaire d'en modifier la logique. Le monde n'est pas une marchandise et l'humanité n'est pas une ressource. Or, l'OMC place la liberté de commercer des entreprises transnationales au-dessus des droits humains et environnementaux. Au contraire, les règles du commerce mondial doivent être subordonnées à des critères environnementaux, sociaux et culturels stricts, c'est-à-dire au droit international reconnu. Parallèlement, l'Union européenne doit prendre des initiatives pour pénaliser les violations des droits économiques, sociaux et culturels (doc. E/C/.12/1999/9) par des entreprises européennes.
Il faut ensuite garantir la satisfaction des besoins humains fondamentaux en évacuant du champ du commerce international les secteurs vitaux : la santé, l'éducation, la culture, l'approvisionnement en eau et plus généralement les services publics d'intérêt général sont des droits fondamentaux et doivent donc être exclus de l'Accord général sur le Commerce et les Services (AGCS).

De la même manière, en voulant traiter les produits de l'agriculture comme n'importe quelle marchandise, l'OMC risque de compromettre gravement la sécurité alimentaire des peuples.
D'une part, alors que les pays en développement ont été tenus d'abaisser leurs tarifs douaniers et de réduire les subventions versées à leur secteur agricole, des exemptions ont été octroyées aux pays riches pouvant subventionner allègrement leur agro-industrie d'exportation, ce qui implique une concurrence mondiale déloyale condamnant les paysans du Sud à aller gonfler les bidonvilles.
D'autre part, ces subventions sont essentiellement destinées aux multinationales agroalimentaires productivistes, responsables au Nord des catastrophes sanitaires et économiques de ces dernières années (vache folle, poulet à la dioxine, fièvre aphteuse, etc.). Ainsi, alors que près de la moitié du budget de l'Union européenne est destiné aux subventions agricoles, 80% de ces subventions sont destinés à l'agro-industrie - les subventions sont distribuées selon la surface d'exploitation et pas selon la qualité du produit. Il est nécessaire de rompre radicalement avec cette double tendance, ce qui implique de :
  • · Garantir la sécurité alimentaire, reconnaître le droit à la souveraineté alimentaire et à la protection à l'importation et promouvoir l'adoption du "Code de conduite sur le droit à une nourriture adéquate" du FIAN (Foodfirst Information Action Network);
  • · Garantir la sécurité sanitaire des aliments par une traçabilité stricte des produits;
  • · Promouvoir une agriculture paysanne et citoyenne - à la fois "multifonctionnelle" (respectueuse de l'environnement, de l'emploi rural, des paysages, de la vie animale, etc.) et socialement et écologiquement durable - par une réorientation des subventions agricoles - les aides directes ne doivent être attribuées que pour protéger la durabilité de l'agriculture et non pour renforcer la position concurrentielle de l'Europe.
Enfin, l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) entraîne la privatisation des savoirs et du vivant, favorise la constitution de monopoles, dénie au plus grand nombre le droit aux soins et aux médicaments et empêche les pays pauvres d'améliorer leurs niveaux de vie et de développer leurs savoir-faire techniques. Il est donc nécessaire de sortir l'ADPIC de l'OMC et de :
  • · Déclarer l'eau, l'air, les semences et le vivant biens communs inaliénables de l'humanité soustraits à toutes logiques marchandes;
  • · Garantir à chaque pays le droit de produire et de distribuer sur son territoire les médicaments de base, en particulier ceux susceptibles d'enrayer des épidémies telles le SIDA, le paludisme et la tuberculose.
4. Une autre mondialisation

L'évolution de l'économie mondiale au cours des deux dernières décennies a montré que le Tiers Monde ne pouvait financer un développement durable par le biais de marchés financiers instables et concentrés sur une vingtaine de pays en développement. Parallèlement, les conditionnalités des prêts du FMI et de la Banque mondiale, appuyées par l'Union européenne dans sa politique de coopération, ont entraîné des réformes macroéconomiques creusant les inégalités, la pauvreté et l'endettement.
Aussi est-il nécessaire de libérer le Tiers Monde de sa dépendance envers les capitaux internationaux et les prêts multilatéraux par la création d'un fonds de développement suffisamment conséquent et démocratiquement contrôlé par les femmes et les hommes des pays concernés (ce qui implique l'établissement d'un mécanisme de surveillance). Ce fonds doit être alimenté par différentes sources :
  • · L'annulation de la dette du Tiers Monde : la dette du Tiers Monde a été remboursée six fois depuis 1980, mais elle a quadruplé depuis lors, suite à l'échec des programmes du FMI et de la Banque mondiale. Cette dette, dont une large part n'a jamais profité aux populations locales et est donc illégitime, implique des transferts massifs de capitaux du Sud vers les créanciers du Nord (quelque 300 milliards de dollars annuels). Elle se substitue aux budgets sociaux et permet une re-colonisation économique du Tiers Monde par les pays riches, alors qu'à l'analyse, ce sont ces pays riches qui ont une dette écologique et sociale envers le Tiers Monde;
  • · La rétrocession des biens mal acquis par les élites du Sud : une telle rétrocession implique la ratification de la Convention de Rome, la réalisation d'enquêtes internationales et la levée du secret bancaire;
  • · La taxation des transactions financières (type Tobin) : en présumant que l'introduction d'une telle taxe freinerait les opérateurs et diminuerait le volume des transactions à 500 milliards de dollars par jour, une taxe de 0,1% dégagerait annuellement 120 milliards de dollars;
  • · L'augmentation de l'aide publique au développement à 0,7% du PNB, tel que les pays de l'Union européenne se sont engagés à le faire notamment lors de la conférence de Rio en 1992 (la moyenne des Etats membres de l'Union européenne plafonne à 0,4%);
  • · L'établissement d'un impôt mondial exceptionnel sur les grosses fortunes, tel que l'a proposé la CNUCED en 1995;
  • · L'établissement d'un programme international de conversion des dépenses militaires en dépenses sociales et culturelles.
Ce fonds s'élevant à quelque 1000 milliards de dollars (alors que les Nations Unies évaluent à 80 milliards la somme nécessaire pour assurer un accès universel aux services sociaux de base) doit permettre aux pays du Sud de progressivement établir un modèle de développement endogène, largement financé par leur épargne et leurs ressources intérieures et adapté à leurs besoins et à leurs richesses naturelles et culturelles spécifiques. Aussi, toute conditionnalité politico-économique imposée par les créanciers doit être abolie et la participation active des citoyens et citoyennes du Sud dans les prises de décision doit être encouragée.
Ensuite, fruit de la surproduction imposée par les plans d'ajustement structurel depuis deux décennies, les cours des matières premières du Sud ont chuté de manière quasiment continue, ce qui rend les termes de l'échange désavantageux pour les pays pauvres. Ces termes de l'échange doivent être équitables et permettre au Tiers Monde de tirer le juste prix de ses richesses. Il faut donc assurer des termes de l'échanges équitables par l'établissement d'un mécanisme de garantie des revenus d'exportation du Sud (stabiliser le prix des matières premières, constituer des stocks régulateurs, etc.). Parallèlement, les règles de l'OMC sont largement défavorables aux pays du Tiers Monde, le tout au détriment des paysans et des populations du Sud. Cette logique doit être inversée, ce qui implique de soutenir le droit du Sud au protectionnisme, notamment pour acquérir une souveraineté alimentaire et favoriser les producteurs locaux.
Enfin, aucun développement durable ne sera possible sans que les marchés financiers, hautement opaques et spéculatifs, ne soient contrôlés. Cela implique d'assurer une "traçabilité" de toutes les opérations financières et de contrôler les mouvements de capitaux au niveau international.
Plus globalement, la mondialisation néolibérale et ses acteurs majeurs - organisations internationales, entreprises transnationales, banques, holdings financiers et gouvernements - doivent respecter le droit international reconnu (Déclaration universelle des droits de l'Homme, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Accords Multilatéraux sur l'Environnement, Conventions de base de l'OIT, Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, etc.).
Nous exigeons que les droits économiques soient défendus de la même façon que les droits civils et politiques, ce qui implique dans un premier temps d'adopter un Protocole tel que demandé en 1993 par la conférence de Vienne, et dans un second temps de pouvoir juger les crimes économiques comme des crimes contre l'Humanité imprescriptibles par nature.
Le premier devoir de la justice, où que ce soit, doit être de faire respecter les droits humains fondamentaux, à commencer par ceux définis par la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Toute politique doit être guidée par cette priorité.