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et, pour les organisations qui le désirent, à renvoyer signé, en attachment à belgium@attac.org
Déclaration finale du Congrès Européen Citoyen
Une autre Europe pour une autre mondialisation
Pour les tenants de la mondialisation néolibérale, l'avènement de la monnaie unique - l'euro - est une fin en soi qui suffit à prouver l'éclatante réussite de la construction européenne. Parallèlement, lors de son discours au Parlement européen de Strasbourg en février 2000, le président de la Commission européenne, Romano Prodi, s'est félicité que "l'efficacité de l'action des institutions européennes est sa source principale de légitimité". Nous nous opposons à cette double analyse envisageant la construction européenne sous son seul aspect économique et faisant fi des procédures démocratiques les plus élémentaires. Arguant du fait que nos sociétés modernes sont devenues trop complexes, la Commission européenne prône une "gouvernance organique post-parlementaire", où les pouvoirs des Parlements seraient réduits pour faire place à des négociations par secteurs avec les groupes d'intérêt - les "lobbies"- concernés. Nous refusons que la démocratie et la citoyenneté soient sacrifiées au nom d'une gouvernance subdivisée en sous-gouvernements d'intérêts sectoriels privés. La seule légitimité politique émane des citoyennes et citoyens et de leurs représentants, pas d'une fantasmatique "efficacité". La construction européenne actuelle est essentiellement déterminée par les intérêts des institutions financières et des grandes entreprises - en particulier par la Table ronde des industriels européens et par l'UNICE. De ce fait, l'Union européenne, en son état actuel, représente un puissant moteur de la mondialisation néolibérale. Elle appuie les organisations internationales qui la sous-tendent, telles l'OMC, le FMI, la Banque mondiale et l'OTAN. En outre, sa logique institutionnelle est tellement complexe et opaque que des représentants européens dénoncent eux-mêmes le déficit démocratique qu'elle engendre. C'est pourquoi nous désirons reconquérir les espaces perdus par la démocratie au profit de la sphère financière et promouvoir une construction européenne fondée sur les intérêts des citoyennes et des citoyens. Une Europe pacifique et solidaire des autres peuples du monde. Suivant l'esprit de l'Appel de Morsang, nous sommes déterminés à agir localement en pensant globalement, afin de ramener l'économie au service des citoyennes et citoyens, dans le respect de l'envirronnement. Dans ce but, nous avançons nos alternatives pour une autre fiscalité, pour une Europe sociale et un renforcement des services publics, pour une autre organisation du commerce international et pour une autre mondialisation - une mondialisation citoyenne garantissant une justice sociale et une démocratie planétaire. 1. Une autre fiscalité pour une économie au service de l'humain Avec l'avènement de la globalisation financière, la construction européenne a adopté, dès 1990, le modèle économique néolibéral basé sur la liberté de circulation des capitaux. Parallèlement, la politique fiscale européenne actuelle vise essentiellement à favoriser les spéculateurs et les entreprises multinationales, l'objectif final étant de leur permettre d'investir où ils veulent, quand ils veulent et à des conditions fixées par eux. Les citoyennes - plus que les autres - et les citoyens sont les victimes de cette logique de course aux profits créatrice d'inégalités. Les conséquences sociales désastreuses des crises financières ont montré clairement les limites d'un développement prioritairement axé sur le profit financier à court terme et la spéculation. Par ailleurs, l'idéologie néolibérale contribue à discréditer la fiscalité aux yeux de l'opinion publique, alors qu'elle est un outil efficace pour redistribuer équitablement les richesses. C'est pourquoi il est urgent de prendre des mesures destinées à rétablir un contrôle politique sur l'économie et d'y limiter le pouvoir des multinationales afin qu'elle soit au service de tous les citoyens et pas seulement du monde financier. En particulier, dans le domaine des marchés financiers et dans celui de la fiscalité au sein de l'Union européenne, nous demandons de :
L'Europe sociale est inlassablement sacrifiée au nom de rendements élevés à offrir aux investisseurs, notamment par la définition de critères de convergence inscrits en 1992 dans le traité de Maastricht : politique monétariste gérée par une Banque centrale européenne indépendante du pouvoir politique, stabilité des prix (l'inflation ne peut dépasser 2%) et austérité budgétaire (le déficit ne peut dépasser 3% du PIB). Suivant l'objectif unique de stabilité des prix, la Banque centrale européenne brise la croissance et l'emploi, tandis que les gouvernements européens poussent les salaires à la baisse en permettant l'existence d'une "armée de chômeurs" concurrençant les salariés et les contraignant à accepter une "flexibilisation" sans cesse accrue des conditions de travail. Ainsi, alors que l'Union européenne représente la première puissance commerciale mondiale, 20% de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Nous refusons que les citoyennes et citoyens soient réduits à des variables ajustables à merci pour le seul bénéfice d'actionnaires exigeant des rendements de 12 à 15%. C'est pourquoi nous exigeons de :
Nous refusons que l'accès aux services publics soient limités à des "clients" suffisamment solvables. Les concepts d'efficacité et de rentabilité sociale ne peuvent être définis selon des critères strictement économiques et productivistes. De nouveaux indicateurs doivent être mis en place, afin de redéfinir l'universalité d'accès et la finalité de réduction des inégalités comme principes de base de la mission de service public - ce qui entre en totale opposition avec la politique de libéralisation et de privatisation actuellement à l'oeuvre. Un véritable service public doit obéir à un certain nombre de principes de base tels que : égalité, continuité, adaptabilité, neutralité et accessibilité. Nous défendons l'idée que les textes européens doivent imposer à chaque pays membre d'assurer, sur base de ces principes, des services publics accessibles à chacun; le choix de l'opérateur (public privé mixte) ressortissant de la seule responsabilité nationale. Le renforcement et l'élargissement des services publics pourraient, dans certains cas, passer par le concept d'entreprise publique communautaire. Parallèlement, le rôle déterminant rempli par les services publics demande que les agents qui y exercent leurs compétences puissent bénéficier de conditions de travail spécifiques. Nous réaffirmons le "statut des agents des services publics". Il ne pourra y avoir d'amélioration dans la qualité des services publics sans le maintien et l'amélioration de ce statut, gage d'indépendance et de reconnaissance justifiées par la contribution que ces agents apportent au fonctionnement de rouages essentiels de l'existence humaine, depuis la naissance jusqu'à la mort. Dans le même esprit, nous nous opposons aux pressions des entreprises, de la Commission européenne et de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) en faveur d'un rapprochement toujours grandissant entre l'enseignement et le secteur privé. Loin de nous rassurer, les déclarations des ministres européens de l'enseignement à la Sorbonne (1998) et à Bologne (1999) n'ont apporté aucune garantie quant à d'éventuelles dérives mettant en danger la constitution d'un enseignement démocratique et libre d'accès. Si certaines avancées ont été enregistrées à Prague (2001), la notion de "compétitivité" de l'enseignement a contre toute logique été conservée. Nous nous opposons au glissement de la notion d'"éducation citoyenne" vers celle de la "compétence", et par extension au remplacement de la finalité d'"emploi" à cette d'"employabilité". Nous pensons que l'enseignement doit se concevoir dans le cadre d'un projet de vie au sein duquel l'activité professionnelle ne constitue qu'un pôle, à côté d'autres pôles tels que la culture et l'attitude citoyenne. L'enseignement doit développer l'articulation entre le savoir-faire et le savoir-être. C'est pourquoi nous demandons :
Depuis Seattle, aucune réforme n'est intervenue et l'OMC (Organisation mondiale du commerce) porte toujours les mêmes caractéristiques condamnables : une institution opaque et non démocratique, au service des pays riches et dont les accords sont des facteurs très puissants de maintien des déséquilibres mondiaux et d'appauvrissement des populations du Sud. L'OMC continue de prôner l'ouverture des marchés au profit des multinationales et les "groupes spéciaux" de son Organe de Règlement des Différends (ORD) continuent de rendre des jugements, d'autoriser des sanctions et d'établir une jurisprudence ne tenant aucun compte de la santé publique, de l'environnement, des droits humains ou du travail. Au contraire, l'Union européenne prône un nouveau round qui s'ajouterait aux négociations de "l'agenda incorporé" (services, agriculture et droits de propriété intellectuelle) et inclurait notamment des matières comme l'investissement, l'environnement et les droits sociaux. En outre, les propositions de la Commission de modifier l'article 133 du Traité risque de mener à une formulation de la politique de commerce encore moins transparente et contrôlable. Nous rejetons cette logique et exigeons un moratoire sur tout nouveau round. Toute nouvelle négociation sur de nouvelles matières doit être subordonnée à une réforme profonde de l'organisation du commerce international, à une évaluation des accords existants et de leur impact et à leur modification en conséquence. L'organisation du commerce international ne peut continuer d'être gérée par une institution non démocratique. C'est pourquoi il est nécessaire de :
Il faut ensuite garantir la satisfaction des besoins humains fondamentaux en évacuant du champ du commerce international les secteurs vitaux : la santé, l'éducation, la culture, l'agriculture, l'approvisionnement en eau et plus généralement les services publics sont des droits fondamentaux et doivent donc être exclus de l'Accord général sur le Commerce et les Services (AGCS). De la même manière, en voulant traiter les produits de l'agriculture comme n'importe quelle marchandise, l'OMC risque de compromettre gravement la sécurité alimentaire des peuples. D'une part, alors que les pays en développement ont été tenus d'abaisser leurs tarifs douaniers et de réduire les subventions versées à leur secteur agricole, des exemptions ont été octroyées aux pays riches pouvant subventionner allègrement leur agro-industrie d'exportation (sous le masque d'aides dites découplées), ce qui implique une concurrence mondiale déloyale condamnant les paysans du Sud à aller gonfler les bidonvilles. D'autre part, alors que près de la moitié du budget de l'Union européenne est destinée à l'agriculture, 80% des subventions agricoles sont accaparées par 15% des plus gros agriculteurs (puisque distribuées selon les superficies cultivées ou l'effectif du bétail, et non selon le nombre d'actifs ou la qualité des services non marchands rendus à la collectivité - dont la protection de l'environnement et la qualité des produits). Comme la majeure partie de ces subventions sont des aides directes compensant la baisse des prix agricoles (devenus inférieurs aux coûts de production), ce sont aussi des subventions aux firmes agroalimentaires productivistes, responsables des catastrophes sanitaires et économiques de ces dernières années (vache folle, poulet à la dioxine, fièvre aphteuse, etc.). Il est nécessaire de rompre radicalement avec cette double tendance, ce qui implique de :
L'évolution de l'économie mondiale au cours des deux dernières décennies a montré que le Tiers Monde ne pouvait financer un développement durable par le biais de marchés financiers instables et concentrés sur une vingtaine de pays en développement. Parallèlement, les conditionnalités des prêts du FMI et de la Banque mondiale, appuyées par l'Union européenne dans sa politique de coopération, ont entraîné des réformes macroéconomiques creusant les inégalités, la pauvreté et l'endettement. Aussi est-il nécessaire que le Tiers Monde se libère de sa dépendance envers les capitaux internationaux et les prêts multilatéraux par la création d'un fonds de développement suffisamment conséquent et démocratiquement contrôlé par les femmes et les hommes des pays concernés (ce qui implique l'établissement d'un mécanisme de surveillance). Ce fonds doit être alimenté par différentes sources :
Cependant, il est essentiel d'ouvrir le débat autour d'une politique "incitative", de sorte que les accords commerciaux tiennent compte du degré de respect du droit international et des progrès observés dans l'abrogation des lois d'impunité. Nous appuyons également les mouvements sociaux du Tiers Monde qui, lors de la conférence de l'ONU contre le Racisme à Durban, ont exigé des réparations pour les crimes qui ont été commis au cours de l'histoire contre leurs peuples (notamment la "traite des Noirs" et l'esclavage). Ensuite, fruit de la surproduction imposée par les plans d'ajustement structurel depuis deux décennies, les cours des matières premières du Sud ont chuté de manière quasiment continue, ce qui rend les termes de l'échange désavantageux pour les pays pauvres. Ces termes de l'échange doivent être équitables et permettre au Tiers Monde de tirer le juste prix de ses richesses. Il faut donc assurer des termes de l'échanges équitables par l'établissement d'un mécanisme de garantie des revenus d'exportation du Sud (stabiliser le prix des matières premières, constituer des stocks régulateurs, etc.). Parallèlement, les règles de l'OMC sont largement défavorables aux pays du Tiers Monde, le tout au détriment des paysans et des populations du Sud. Cette logique doit être inversée, ce qui implique de soutenir le droit du Sud au protectionnisme, notamment pour acquérir une souveraineté alimentaire et favoriser les producteurs locaux. De façon générale, tous les peuples ont le droit de concevoir leur propre développement sans être tenus de se référer au modèle dominant, dont les ravages sociaux et écologiques sont patents. Aucun développement ne peut être durable si son contenu n'est pas radicalement changé et son financement ne sera pas possible sans que les marchés financiers, hautement opaques et spéculatifs, ne soient contrôlés. Cela implique d'assurer une "traçabilité" de toutes les opérations financières et de contrôler les mouvements de capitaux au niveau international. Plus globalement, la mondialisation néolibérale et ses acteurs majeurs - organisations internationales, entreprises transnationales, banques, holdings financiers et gouvernements - doivent respecter le droit international reconnu (Déclaration universelle des droits de l'Homme, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Accords Multilatéraux sur l'Environnement, Conventions de base de l'OIT, Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, Convention Européenne des Droits de l'Homme, Convention de Genève, etc.). Il existe notamment des bases dans le droit international permettant d'exiger d'autres comportements de la part des institutions financières internationales. Nous exigeons que les droits économiques soient défendus de la même façon que les droits civils et politiques, ce qui implique dans un premier temps d'adopter un Protocole tel que demandé en 1993 par la conférence de Vienne, et dans un second temps de pouvoir juger les crimes économiques comme des crimes contre l'Humanité imprescriptibles par nature. Le premier devoir de la justice, où que ce soit, doit être de faire respecter les droits humains fondamentaux, au Nord comme au Sud, à commencer par ceux définis par la Déclaration universelle des droits de l'Homme - notamment le droit d'asile et le droit de circulation des êtres humains. Toute politique doit être guidée par cette priorité. |