Article paru dans Libération du 29 avril 1998

Douze petites révolutions pour un nouveau modèle de lycée
Point fort des propositions du chercheur Philippe Meirieu: une «culture commune» à toutes les filières.

Le 29 avril 1998

 
(1) Texte intégral disponible sur le web: http://www.cndp.fr/colloquelycee/


Quatre mille établissements consultés

La consultation «quels savoirs enseigner dans les lycées?» a débuté le 23 janvier par la diffusion de trois questionnaires différents adressés à 2,3 millions de lycéens, 238 000 professeurs, et à 4 044 lycées d'enseignement général, technologique et professionnel (dont 1 411 établissements privés sous contrat).

Y ont répondu 78% des élèves de lycées publics, 52% des enseignants ó individuellement ou collectivement. 100% des établissements ont apporté une contribution spécifique.

Les organisateurs regrettent la faible participation des parents d'élèves, qui n'ont été que tardivement associés à la consultation.

Saint-Fons envoyé spécial

En douze petites révolutions, quarante-neuf principes et un peu plus de deux heures de discours, Philippe Meirieu a tenté de dessiner les contours d'un «nouveau lycée». «Nos principes doivent faire l'objet de la plus grande concertation possible», a-t-il précisé. Une manière de souligner qu'ils n'engagent pas mot pour mot le ministre, même si leur philosophie générale a reçu l'aval de la rue de Grenelle. Détail (1).

1. Un lycée unique

La principale innovation consisterait à fondre dans «un lycée unique» les filières générales, technologiques et professionnelles. Ce lycée unique qui serait «un lieu d'accueil pour toute une classe d'âge».

Les séries des lycées généraux et technologiques seraient maintenues. Mais les études en lycée professionnel, pour être plus lisibles, seraient organisées autour de trois champs: les services, la production et l'artisanat et les métiers d'arts.

2. Des programmes allégés

Le maître mot de ce chapitre est celui d'allégement. Il ne doit pas «être pensé en termes de simple réduction, mais bien sous forme d'un retour à l'essentiel». «Les programmes, rédigés à l'échelle nationale, fournissent des indications peu nombreuses mais capables de permettre la constitution de référents culturels communs. (...) Ils ne contraignent pas à un découpage rigide de l'enseignement. Ils indiquent concepts, thèmes, périodes, auteurs indispensables à la formation intellectuelle des élèves. Ils ne comportent jamais de listes limitatives ou obligatoires d'úuvres à étudier.»

3.Une culture commune

Une culture commune est définie nationalement sur proposition du conseil national des programmes pour tous les élèves de lycée, quelle que soit leur filière, leur série et le choix de leurs options. La culture commune «est formulée en termes d'objectifs de fin de lycée». Elle comprend un ensemble de savoir-faire sociaux et un ensemble de connaissances. Elle fait l'objet de programmes indifférenciés, quelles que soient les filières et les séries pour les disciplines suivantes: le français (expression écrite, orale, histoire de la littérature, études de textes), l'histoire-géographie (repères chronologiques généraux intégrant l'ensemble des civilisations, histoire contemporaine), l'éducation civique, juridique et politique (éléments de droit, régimes politiques, institutions, droit au travail, etc., devront être abordés à travers la pratique de l'oral et dans la perspective d'un apprentissage au débat argumenté), l'éducation physique et sportive, l'expression artistique (sous forme d'au moins deux ateliers annuels). Ces enseignements de culture commune doivent figurer dans tous les niveaux, dans toutes les sections, avec un horaire commun.

Tous les lycéens bénéficient d'un approfondissement de l'apprentissage systématique à l'informatique.

Les autres disciplines, tout en participant à la culture commune, font l'objet d'approches différenciées en première et en terminale. La culture scientifique et technique, les maths sont présentes dans toutes les filières et séries. Les langues constituent une nécessité pour tous les élèves.

4. De l'informatique et de l'artistique

La seconde générale et technologique reste une classe de détermination. Outre les disciplines constitutives de la culture commune, il faut y ajouter un enseignement commun de langues vivantes, maths, physique-chimie, sciences de la vie et de la terre. De plus, les lycéens doivent bénéficier d'une initiation systématique aux sciences économiques et sociales, aux sciences technologiques industrielles et tertiaires. Et donc à l'informatique. L'enseignement de ces dernières disciplines est impérativement concentré sur une partie de l'année scolaire pour éviter le morcellement excessif de la journée.

L'expression artistique est introduite systématiquement dans toutes les séries à hauteur d'une heure par semaine. Tout comme l'éducation civique, juridique et politique.

Il sera laissé aux élèves, de la seconde à la terminale, la possibilité de choisir une option facultative, à raison de deux heures hebdomadaires.

L'orientation ne revêt jamais un caractère irréversible. Des passerelles sont donc organisées entre filières. Chaque rectorat devra établir une carte des passerelles.

5. Des permanences pour aider les élèves

L'égalité des élèves dans l'accès aux savoirs suppose un accompagnement par une prise en charge différenciée. Chaque élève devra pouvoir avoir recours à un autre enseignant que le sien en cas de difficulté particulière. Il devra donc être organisé des permanences d'aide individualisée. Elles devront figurer dans les emplois du temps. Dans l'emploi du temps également, des séquences de travail dirigé pour chaque discipline.

6. Le décloisonnement des disciplines

La mise en cohérence des enseignements disciplinaires est une nécessité. Elle implique un travail de coordination. L'intervention de deux enseignants, de disciplines différentes, avec un même groupe d'élèves peut être organisée.

7. Le lycée, lieu de ressources

Le lycée doit se transformer en «lieu de ressources» pour se substituer au foyer socio-éducatif, maison des lycéens.

Le lycée et les entreprises trouvent dans leur proximité une richesse mutuelle. Mais seul le lycée professionnel met en place de véritables stages en entreprise. Les lycées techniques et d'enseignement général peuvent organiser, pour préparer l'orientation, de courtes séquences de découvertes de l'entreprise.

8. L'ouverture des lycées professionnels

Lieu de préparation à l'insertion et à l'activité professionnelle, ils ont vocation à s'intégrer progressivement dans des cités scolaires qui proposent à la fois des cursus généraux, technologiques et professionnels. Le lycée professionnel construit une offre de formation en cohérence avec son environnement socio-économique.

Le lycée professionnel doit permettre aux adultes d'accéder à de nouvelles compétences. Autrement dit, il doit permettre au service public d'assumer sa mission de formation tout au long de la vie.

9. Le bac toujours, avec une épreuve tridisciplinaire

Le bac reste un examen anonyme et national. Mais l'évaluation, y compris au bac, prend en compte l'ensemble des qualités et compétences. Pour se faire, le livret scolaire est refondu. Les méthodes d'évaluation doivent valoriser la pratique de la méthode expérimentale, l'expression orale. L'introduction de contrôle en cours de formation est souhaitable.

Il est créé une épreuve sur dossier personnel interdisciplinaire, regroupant au moins trois approches d'un même thème à travers trois champs disciplinaires différents, dont obligatoirement le français. Cette épreuve, en fin de première, constitue une épreuve anticipée du bac. Elle comprend la réalisation d'un dossier dactylographié d'une vingtaine de pages, avec soutenance devant un jury.

10. Les 35 heures tout compris

L'élève est soumis à 35 heures d'obligations scolaires hebdomadaires maximum. Un lycéen de l'enseignement général aura 26 heures de cours maxi (28 avec option), un lycéen technologique ou professionnel de 28 (30 avec option). 5 à 9 heures sont offertes aux élèves pour se consacrer à des activités (Libération d'hier).

11. Moins de cours et plus de dialogue pour les enseignants

Le service des enseignants, professeurs certifiés ou de lycée professionnel comprend les activités suivantes: 15 heures de cours par semaine pendant 33 semaines, soit 495 heures, 4 heures d'activités pédagogiques dans l'établissement pour 33 semaines, soit 132 heures par an, la participation aux examens. Pour les agrégés, à titre transitoire, le service comprend 14 heures de cours et 3 heures d'activités pédagogiques.

Chaque enseignant doit bénéficier de 35 heures de formation continue dans l'année, hors temps de travail.

12. Le retour de la pédagogie

Il est créé un conseil pédagogique dans l'établissement, autour du proviseur. Ce dernier sera aidé dans sa tâche par deux à trois enseignants qui exercent auprès de lui des fonctions d'assistants de direction.

A côté du conseil d'administration est créé un conseil de la vie lycéenne. Présidé par le proviseur, il est constitué pour moitié d'élèves.

CDI (centre de documentation et d'information), salle informatique et salles de travail sont ouvertes le plus largement possible, y compris le mercredi et le samedi toute la journée et pendant les vacances.

P.Q.





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