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Les étapes d'une mobilisation
Le 4 avril 1998 |
Pour financer l'effort en faveur du département, les élus communistes suggèrent une «taxation des revenus émanant des produits financiers des entreprises». |
C'est paradoxalement le 2 mars, au lendemain de l'annonce d'un plan de rattrapage, que les enseignants de Seine-Saint-Denis se sont mobilisés. Mais depuis la rentrée de septembre, leur exaspération s'était déjà manifestée. 4 septembre. Le ministre de l'Education nationale, Claude Allègre, se rend pour la rentrée au collège Jean-Renoir de Bondy, où ses enfants furent scolarisés. Les élus présents insistent sur les difficultés des établissements scolaires du département. Ils suggèrent que le ministère lance un audit sur le département. 24 octobre. Le ministre confie au recteur Fortier une mission d'étude sur le système éducatif en Seine-Saint-Denis, afin d'identifier les difficultés et de proposer des orientations «susceptibles d'améliorer la réussite des enfants issus des milieux défavorisés.» 5 novembre. Claude Allègre présente un plan de lutte gouvernemental contre la violence sur neuf lieux prioritaires. Il y inclut la quasi-totalité du département de la Seine-Saint-Denis, qui «pose un problème d'ampleur nationale». Le ministre annonce la création de plusieurs centaines de postes d'infirmières, d'assistantes sociales et de surveillants, ainsi que l'affectation de plusieurs milliers d'emplois-jeunes dans les sites sensibles. 22 janvier. Le personnel du collège Louise-Michel de Clichy-sous-Bois se met en grève pour protester contre la montée de la violence et le manque de moyens. Deux élèves sont blessés à l'arme blanche dans le collège lors d'une bagarre provoquée par l'intrusion d'une dizaine de jeunes extérieurs à l'établissement. Dans la bousculade, des surveillants sont frappés par des élèves. 5 février. Le personnel du collège Pierre-Sémard de Bobigny vote une grève reconductible. Les enseignants soulignent la baisse constante du niveau scolaire observé lors des tests d'évaluation à l'entrée en sixième, la multiplication des exclusions temporaires d'élèves, les violences physiques et les insultes dont ils font l'objet. 11 février. A la surprise générale, Ségolène Royal, ministre déléguée à l'Enseignement scolaire, promet de satisfaire l'essentiel des revendications des grévistes de Clichy-sous-Bois. Son initiative est vivement critiquée par Claude Allègre. 2 mars. Claude Allègre présente un plan de rattrapage destiné à combler «le retard scolaire massif» de la Seine-Saint-Denis. Le dispositif, qui comprend des mesures à court et à long terme, est très favorablement accueilli par les élus, majoritairement communistes, du département. 3 mars. Assimilant à une «provocation» «le déploiement médiatique autour de mesures aussi limitées», les enseignants d'une dizaine de collèges, soutenus par le Snes (syndicat proche des communistes et très majoritaire dans le département) déposent des préavis de grève. 13 mars. Plus de 2 000 parents et enseignants manifestent devant le ministère de l'Education à Paris. Le mouvement de grève touche une quarantaine d'établissements du 93. De nombreux élus communistes soutiennent les grévistes. Le député-maire de Saint-Denis, Patrick Braouezec, estime que le gouvernement ne se donne pas les moyens de combattre «les effets désastreux d'une précarisation massive». 19 mars. Au lendemain d'une nouvelle manifestation parisienne, Claude Allègre reconnaît dans un entretien à l'Humanité que «des maladresses ont été commises». Il assure que son objectif est d'aboutir, «à terme», à des classes de 18 élèves, mais prévient qu'il lui faudra «prendre ailleurs» ce qu'il donnera à la Seine-Saint-Denis. 21 mars. La troisième manifestation parisienne rassemble plus de 5 000 personnes. Plus de 60 collèges et lycées sont touchés par la grève. 27 mars. Le mouvement s'étend au primaire. La cinquième manifestation rassemble à Paris plus de 10 000 professeurs et lycéens. 28 mars. Dans une lettre ouverte, les élus communistes du département demandent à Claude Allègre «d'aller plus vite et plus loin». Pour financer l'effort en faveur du département, ils suggèrent une «taxation des revenus émanant des produits financiers des entreprises». 2 avril. A l'issue d'une nouvelle table ronde, les états-majors du Snes et des principaux syndicats estiment que les nouvelles propositions du ministre permettent d'engager la négociation. L'assemblée générale des établissements les juge en revanche «dérisoires», et se prononce pour la poursuite de la grève. A Paris, des lycéens de Seine-Saint-Denis occupent pacifiquement le lycée Henri-IV, «symbole, expliquent-ils, de la réussite qu'on nous refuse». 3 avril. Sixième manifestation . ALAIN AUFFRAY
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